BCEAO – Mali : Au Cœur d''un Contentieux de plus de 58 MILLIONS F CFA

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Malgré la décision de justice la condamnant à payer à un requérant la somme de plus 58 millions F CFA, l’Agence BCEAO de Mopti fait la sourde oreille et foule au pied la sentence du Tribunal civil en question. Cette institution se prévaut de son caractère transfrontalier pour écraser les Etats et les hommes à l’intérieur des frontières.rn

Les faits remontent à l’année 2004 et opposent ladite Institution à l’Entreprise A. Doum. Cette dernière réclame les frais d’exécution des travaux supplémentaires effectués au niveau de l’Agence auxiliaire de Mopti.

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L’Entreprise en question a été adjudicatrice  du lot N° 2A de l’appel d’offre lancé par la B.C.E.A.O qui consistait à l’exécution des travaux de renforcement des clôtures des accès à l’agence auxiliaire de Mopti comprenant la section informatique, le garage fourgon, le local de police et contrôle des accès. C’est dire qu’au début, tout était clair. Mais au cours des travaux, le chef d’agence de la BCEAO sous le conseil du Maître d’ouvrage délégué (l’Atelier Inter Architecte A.I.A -)  apporta des modifications aux travaux, non sans donner l’assurance à l’entreprise A. Doum de prendre tous les frais y afférents en charge.  Ces changements ont notamment porté sur la construction d’un Bloc dénommé Appatam, de caniveaux, d’un  faux plancher ou plancher bas…

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Le  Bloc Appatam fut ainsi réalisé pour un coût de  plus de 18 millions F CFA. Quant aux travaux de dallage, ils ont entraîné un surcoût d’un peu moins de 13 millions F CFA. Les caniveaux coûteront la bagatelle supplémentaire d’environ de 2.500.000 F CFA.

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A la fin des travaux, l’Entreprise qui s’était endettée jusqu’au cou afin de satisfaire ces besoins supplémentaires, présenta naturellement la facture à son client. La Banque surpris par sa réticence arguant que lesdits travaux ne figuraient pas dans le contrat initial. Commencèrent les échauffourées. De conciliabules en négociations, les deux parties ne parvinrent pas en s’entendre. L’ex Ministre des finances Bakary Koné fut lui-même sollicité afin de trouver une entente à l’amiable. En vain ! Un rapport circonstancié fut établi et le Directeur National de la BCEAO en personne, promit de débloquer un montant forfaitaire devant permettre à l’entreprise de souffler quelque peu. Mais à ce jour, M. Drissa Traoré n’a pas honoré ses engagements. La BCEAO réchigne à payer le moindre sous malgré les propositions de sortie de crise soumises par l’Entreprise A. Doum.

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Mais au moment où la Banque se défend de tout payement, à l’Agence Auxiliaire de Mopti, les travaux ont été réceptionnés de manière tacite et exploités par les bénéficiaires. C’est alors que l’Entreprise a décidé de saisir le tribunal civil de Mopti lequel, à la lumière des faits détaillés, a conclu à la mauvaise foi de la Banque.  Le Juge motive ainsi sa décision :

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« La doctrine retient la mauvaise foi du maître de l’ouvrage qui  voit s’accomplir, sans rien dire, les travaux qu’il n’a pas ordonnée par écrit et par conséquent admet que celui-ci devrait être obligé de les payer [Il reste donc indéniable que des travaux ont été exécutés par l’entreprise A. Doum en dehors de ceux prévus dans l’ordre de service initial, lesquels ouvrages ainsi réalisés et qui demeurent à ce jour utilisés par la B.C.E.A.O ne sauraient être confondus avec ceux initialement prévus dans le contrat de base….

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Il est de jurisprudence constante que le maître de l’ouvrage doit paiement du surcoût des travaux effectués en exécution d’un marché à forfait lorsque les travaux finalement exécutés sont fondamentalement différents de ceux initialement prévus. Il n’est pas non plus dénié que les ouvrages ainsi querellés ont été occupés par la B.C.E.A.O et ce, sans réserves, estimant qu’ils étaient déjà prévus dans le quantitatif; Cette attitude de la B.C.E.A.O se manifestant par la prise de possession des ouvrages, sans réserves, est considérée par la jurisprudence comme «une volonté non équivoque de celle-ci d’accepter les travaux ».

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De ce fait conclure, à la suite des experts de la B.C.E.A.O, que le coût du marché de base étant supérieur à celui des travaux réellement exécutés, que la réclamation de l’entreprise A. Doum relative aux travaux supplémentaires n’était pas justifié, ne peut avoir aucun fondement en droit ; une telle réflexion ne pouvant aboutir qu’à une négation du contrat à forfait qui lie les parties, car ne prenant en compte ni l’objet du contrat (les travaux compris dans le contrat de base ont été exécutés par l’entreprise A. Doum ou par d’autres Entreprises avec paiement du prix sur le compte de l’entreprise A. Doum) ni le bénéfice de l’entrepreneur compris selon l’article 12 dudit contrat de marché dans le prix global défini en son article 11.

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Ainsi, si en théorie le prix au forfait est fixé dès la conclusion du contrat, de façon globale et définitive, il peut cependant évoluer, la doctrine et la jurisprudence ayant admis que le forfait saute lorsque le maître de l’ouvrage prescrit,  en cours d’exécution, des modifications importantes, qui bouleversent l’économie du contrat ; cela indépendamment de toute clause et même si les modifications n’ont pas été demandées par écrit.

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Aussi sur un marché forfaitaire de 115. 907. 452F CFA l’entreprise A. Doum réclame un supplément de plus de 58 000 000F CFA soit plus de 50% du marché de base ; toute réclamation de cet ordre si elle est justifiée ne peut qu’entamer l’économie du contrat de base ;

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Au regard de la doctrine et des différentes jurisprudences sus évoquées et des éléments déjà exposés, il convient de recevoir la demande de l’entreprise A. DOUM et d’examiner les différents chefs de prétentions. Au regard de ce qui précède, il convient de recevoir le requérant en sa demande sur ce chef».

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En somme, suite aux différentes incompréhensions, le maître d’ouvrage a fait achever certains travaux déjà entamés par d’autres entreprises et usant des fonds destinés à l’Entreprise adjudicatrice, A.Doum. Raison pour laquelle cette dernière a également demandé le remboursement intégral de la pénalité, ou du moins, de ce que le maître d’ouvrage considère comme tel. L’avis du juge sur la question :

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«Il n’est pas contesté tel que déjà développé que l’Entreprise A. Doum a réalisé des travaux supplémentaires dans le cadre de l’exécution du contrat de base… Ainsi le volume de travail définitivement exécuté étant largement supérieur à ce qui avait été indiqué dans le contrat de base, la B.C.E.A.O de ne pas proroger le délai d’exécution n’est pas justifié et le remboursement des pénalités doit être ordonné … Il convient de recevoir le requérant en sa demande sur ce chef».

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Ce n’est pas tout. Puisque toutes les négociations et tentatives de médiations ont échoué, l’entréprise A. DOUM afort logiquement reparation des préjudices. La justice lui a donné satisfaction: «Aux termes des articles 113 et 124 du code des obligations, la responsabilité civile emporte l’obligation de réparer le préjudice résultant soit de l’inexécution d’un contrat soit de la violation du devoir général de ne causer aucun dommage à autrui et de ce fait a pour but de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre rompu par le dommage et de replacer ainsi la victime dans la situation où elle se trouverait si le fait dommageable n’avait pas eu lieu».

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Au regard de verdict, la BCEAO doit la coquête somme de plus de 58 millions F CFA au plaignant qui n’être autre que l’Entreprise A. Doum. Mais voilà: elle rechigne à payer et ne veut rien entendre. Un mépris de plus à l’égard de la justice malienne.

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à suivre…

rnB.S. Diarra

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