Le moins que nous pouvons dire est que l’actuel PDG Abdoulaye Daffé, qui n’avait de cesse, ces derniers temps, de jouer en contre sens de cette volonté de changement qui s’impose aujourd’hui à la BDM.SA, en brandissant l’épouvantail d’une prise de contrôle de l’institution bancaire par l’actionnaire Marocain Bmce, aura perdu la bataille. Dans une atmosphère lourde mais pleine de sérénité, les actionnaires ont adopté à la fois le pacte d’actionnaire et les modifications statutaires conséquentes.
Désormais, la banque sera administrée par un Conseil d’administration avec à sa tête un Président, et gérée par un Directeur Général assisté de deux (2) adjoints. Le Président du Conseil d’administration sera nommé parmi les 3 administrateurs représentant l’Etat du Mali ; le Directeur Général et l’un de ses 2 adjoints seront nommés sur proposition de l’Etat du Mali. L’autre Directeur Général Adjoint sera nommé sur proposition de la Bmce. En ce qui concerne les règles de fonctionnement, différents comités seront mis en place. Ils seront des émanations du Conseil d’Administration pour aider la Direction Générale dans la mise en œuvre de sa stratégie de production et de risque. Il est aisé à ce niveau de relever un démenti formel sur les allégations qui ont circulé ces derniers temps dans une certaine presse conditionnée tendant à faire croire que la politique de crédit qui sera mise en place sera celle en vigueur au Royaume du Maroc. Rien d’une telle hérésie ne ressort des documents adoptés. Comment en effet, une banque malienne censée financer l’économie malienne conformément aux règles de l’Uemoa pourrait être tenue de fonctionner sous les fourches caudines d’une banque étrangère au point d’être amenée à prendre des décisions économiquement et financièrement aberrantes ? La banque n’est-elle pas une entreprise censée faire du business et des profits sur tous les marchés porteurs ? Si un marché est porteur, il devient naturellement attractif pour tous les acteurs qui y interviennent sans référence à des considérations autres que la création de la valeur économique et la génération du profit. Par contre, si un financement demeure risqué, il revient aux investisseurs d’y voir clair, soit en l’évitant, soit les mesures idoines qui s’imposent pour surmonter les risques. Corrélativement, ce n’est pas parce qu’un secteur est stratégique pour l’Etat qu’il faille le financer, les yeux fermés.
Les cadres de la BDM-SA ont développé une expertise notable pour avoir le discernement dans le choix du bon ou du mauvais risque. Le pacte d’actionnaire permet au partenaire stratégique qu’est la Bmce d’avoir un meilleur œil sur la gestion de la banque. Quoi de plus normal, dirait-on, si toutes les actions convergent dans l’intérêt exclusif d’une entreprise dont la Direction générale est assurée par un cadre malien.
Il nous est, par ailleurs, revenu qu’au cours de la séance, le Dr Ousmane BAH, non moins représentant des actionnaires privés et des petits porteurs, a eu droit a une véritable remontée de bretelles pour s’être adonné à une bien peu glorieuse et déloyale campagne médiatique aux desseins insoupçonnés. L’intéressé, sentant la cause perdue, s’est défendu en démentant les propos qui lui ont été prêtés par cette campagne médiatique. Hélas, l’évidence pendait ostensiblement comme le nez au milieu du visage. L’homme est resté tout confus à la question de savoir pourquoi il ne s’était pas empressé de démentir les dites allégations.
Tout s’est finalement bien passé, comme l’aurait voulu le Ministère de l’Economie et des Finances en charge du contrôle de l’application des décisions des autorités monétaires. La gouvernance statutaire de la BDM-SA a bel et bien changé. Des instructions ont été, illico, données au notaire de la banque pour formaliser les modifications convenues. Et dans les 48 heures, les actionnaires, aux termes de consultations informelles fixeront la date d’un prochain Conseil d’Administration extraordinaire pour nommer les nouveaux dirigeants de la banque, à savoir le Président du Conseil d’Administration, le Directeur Général et ses deux adjoints. Comme on peut le constater, tout porte à croire que les jeux sont déjà faits et que le puzzle institutionnel en cours de confection ne laisse aucune place à Abdoulaye Daffé à qui il revient désormais « d’expédier les affaires courantes » dans un délai de 15 jours comme l’annoncent certains.
De ce qui précède, il y a lieu de déduire que le nouveau Ministre de l’Economie et des Finances, par son cran, sa ténacité et surtout sa méthode, semble irrémédiablement décidé à conduire une véritable « pérestroïka » dans le secteur bancaire. Après l’augmentation de 2 points sur la taxe sur les affaires financières (TAF), il entend désormais donner un nouveau souffle à ce secteur important de la stratégie de développement du pays dans son mode de fonctionnement et de gouvernance. Après la «grande sœur» BDM-SA, la Bnda, la BMS et la BHM s’apprêteraient à «passer sous la douche» dans les tout prochains jours avec, nous osons l’espérer, moins de tintamarre que pour leur illustre devancière.
Nouhoum DICKO