Au Mali, une équipe du FMI, le Fonds monétaire international, vient d’arriver à Bamako, en provenance de Washington. Elle a commencé hier, jeudi 11 septembre, une mission d’évaluation. Une mission qui intervient dans un contexte tendu puisque le versement des crédits accordés au Mali est suspendu, depuis plus de trois mois. Anton Op de Beke est le représentant du FMI à Bamako.
RFI : Une mission d’évaluation du FMI vient d’arriver à Bamako pour mener ce que vous appelez « une revue » de quoi s’agit-il ?
Anton Op de Beke : Il s’agit d’une revue du programme que le gouvernement malien a avec le FMI, c’est un programme sur trois ans approuvé en décembre 2013. Ce programme a subi des revues semestrielles normalement, c’est comme ça que le programme se déroule.
Cette mission d’évaluation arrive à Bamako alors que le FMI a gelé ses versements au Mali depuis le mois de mai. Dans la foulée, la Banque mondiale et l’Union européenne ont aussi suspendu leur aide. A quoi doivent s’intéresser les évaluateurs du FMI pendant leur séjour au Mali ?
Vous avez raison, nous n’avons pas pu conclure la première revue de ce programme comme prévu au mois de juin, à cause des dépenses hors budget qui requéraient plus de temps pour examiner. Donc cette mission va examiner en même temps ce qui reste de la première revue et va préparer la deuxième revue sur base de la performance de fin juin. Essentiellement, ce sont des mesures qu’on a encodées avec le gouvernement pour remédier à la faiblesse dans la gestion des finances publiques que ces deux transactions ont démontrée.
Les deux transactions sont d’une part l’achat d’un avion présidentiel, d’autre part un contrat passé par le ministère de la Défense. Sur le dossier de l’avion présidentiel acquis par Ibrahim Boubacar Keïta pour 30 millions d’euros, le coût de cet avion, qui n’était pas prévu dans le budget national initialement a été réintégré ?
Exactement, l’achat de cet avion n’était pas prévu dans les finances 2014. Maintenant, le gouvernement, c’était une mesure convenue, a intégré cet avion dans la loi des finances rectificatives. Ca veut dire que l’avion est financé sur les ressources du pays et le gouvernement a présenté des économies dans son budget d’investissement pour financer les 14,5 milliards francs CFA qui restaient sur cet avion.
En revanche, le FMI s’inquiète aussi de la façon dont ont été passé certains contrats publics, c’est le cas pour l’avion présidentiel, c’est le cas également du contrat d’équipement passé par ministère de la Défense pour 105 millions d’euros via un intermédiaire privé. Sur ce dossier, que cherchez-vous à comprendre aujourd’hui ?
Il y a un abus d’une provision dans le code du marché public qui permet au ministère de la Défense de faire des achats exigeant le secret militaire. Mais dans la pratique, cette provision a été utilisée pour toute sorte d’achats qui incluent cet avion présidentiel, y inclut ses fournitures qui ne sont pas du tout de nature militaire. Ca nous paraît une mauvaise utilisation des ressources limitées du pays. Mais les autorités ont préparé un décret qui va limiter l’usage de cet article 8.
Toujours à la demande du FMI, toujours en juin dernier, les autorités maliennes se sont également engagées à commander des audits au Vérificateur général sur les deux dossiers que l’on a évoqué, l’achat de l’avion présidentiel et le contrat passé par le ministère de la Défense ?
Le Premier ministre a demandé au Vérificateur général de conduire un audit sur les aspects budgétaires et les aspects de passation de marchés de ces deux transactions et il a demandé à la Cour suprême de faire le même point de vue budgétaire. Nous espérons que ces audits seront disponibles pendant cette mission avec les autorités, on va discuter comment intégrer les conclusions qui en sont tirées dans le programme. Les deux institutions sont indépendantes et elles ont des réputations professionnelles et ça nous donne confiance dans la qualité des rapports.
Si la mission d’évaluation du FMI se déroule bien, dans le meilleur des cas d’ici combien de temps, peut-on envisager une reprise des crédits accordés par le FMI au Mali ?
Si tout se déroule bien et on l’espère, cette mission préparera un rapport qui sera soumis à notre conseil d’administration au début du mois de décembre, c’est après discussion du conseil que le décaissement sera fait. Ce sera plus en décembre. Plus important que le décaissement du FMI qui n’est pas très grand, je crois, c’est l’appui budgétaire que donnent plusieurs bailleurs.
L’Union européenne notamment, premier bailleur au Mali ?
L’Union européenne, la Banque mondiale, mais aussi la France et plusieurs autres bailleurs et eux ils regardent avec beaucoup d’attention cette mission et les résultats de cette mission.