La Banque de l’Habitat du Mali (BHM) boit du petit lait. Courant avril 2010, l’Etat malien lui a offert 5 Milliards de FCFA d’argent frais. Il envisage de porter ce soutien financier à 11, 4 Milliards dans les plus brefs délais. Et ce n’set pad tout: l’Etat a aussi pris l’engagement de rembourser à banques de la place les 8,9 milliards qu’elles avaient prêtés à la BHM en 2006 au moment où, agonisante, celle-ci avait préparé son linceul et mis un pied au tombeau.
Sur ces 8,9 milliards dûs à 11 banques, les plus grosses parts reviennent à la BDM (3,5 milliards) et à la BNDA (2,5 milliards). L’Etat, décidément généreux envers sa pupille, a, dans la foulée, cédé à la BHM les loyers payables par les milliers de bénéficiaires des logements sociaux (les fameux ATTbougou) sur l’ensemble du territoire: ce portefeuille vaut 15 milliards sur 20 ans. Au total le concours financier de l’Etat au profit de la BHM atteint la bagatelle de 35 milliards de nos francs.
L’objectif est de consolider la trésorerie de la BHM et de relancer son activité en lui permettant de faire du crédit. Il faut rappeler, en effet, qu’aucune banque ne peut prospérer sans faire de crédits, ceux-ci étant seuls générateurs des frais et intérêts dont vit la banque."Ce soutien de l’Etat malien s’est fait en accord avec les bailleurs de fonds internationaux car un pays sous ajustement structurel ne peut engager la moindre dépense sans l’aval du FMI et de la Banque Mondiale", explique un responsable de la BHM qui ajoute:"Ces concours financiers ne sont, en vérité, ni gratuits ni fortuits : ils vont porter la part de l’Etat dans le capital de la BHM de 94 % à 98%. Ils vont surtout requinquer à bloc la BHM afin qu’à l’horizon 2012, la banque soit privatisée."
L’un des principaux artisans de ce redressement spectaculaire s’appelle Modibo Cissé. Nommé PDG de la BHM en juin 2006, ce financier émérite a, certes, l’art des chiffres mais il possède surtout des talents diplomatiques qui lui ont permis de convaincre le gouvernement de mettre la main à la poche pour sortir la banque de l’ornière."L’ancien PDG Mamadou Baba Sylla entretenait une forte inimitié avec le Ministre des finances de l’époque Abou Bakar Traoré. Ce n’est pas le cas de Modibo Cissé qui a des entrées en haut lieu.", révèle une de nos sources. Dès sa nomination, Modibo Cissé s’est attaqué à l’épineux dossier des créances impayées de la banque dont le montant avoisinait les 42 milliards. Pour faciliter le recouvrement, il a obtenu, en 2008, le vote d’une loi spéciale (rien de moins!) qui permet à la BHM d’émettre ses propres titres exécutoires contre ses débiteurs, sans passer par un jugement.Harcelés de tous cotés, les gros débiteurs se sont vus obligés de payer, au moins en partie et souvent en nature, ce qu’ils doivent: ainsi la SICG du Libano-Malien Said Saydi a remboursé en nature 4 milliards sur les 7 qu’il doit ; WAIC du Germano-Malien Haidara (en fuite depuis son procès) a remboursé en nature 3 milliards et Mali Univers 5,5 milliards. Parallèlement à cette politique de recouvrement musclée, le PDG Modibo Cissé a poursuivi la gestion d’austérité entamée par son prédécesseur, en réduisant de 20% le nombre d’employés et la masse salariale (elle atteint aujourd’hui par an 1,7 milliard pour 150 agents). Les nombreux contrats de complaisance (communication, fleuristes, etc.) ont été résiliés. La consommation d’électricité et d’eau ainsi que le nombre et les frais de missions ont été réduits de 25%. En outre, le poste de chef d’agence de New York, qui coûtait à la BHM 5 000 dollars par mois, a été supprimé et l’agence de New York placée sous la supervision du chef d’agence de Paris. Ces mesures conjuguées ont permis de rassurer la clientèle, d’assurer sans anicroche les services de caisses et d’enrayer la tendance mortelle des clients à retirer en masse leurs avoirs à la banque.
"La banque a eu tort de privilégier, naguère, les prêts aux promoteurs immobiliers; ils ont accumulé les dettes impayées pour cause de mévente de leurs maisons dont ni le prix ni le standing ne convenaient à la clientèle. La BHM va désormais privilégier les prêts aux particuliers: leur cas est beaucoup plus facile de gérer et moins risqué.", annonce un haut cadre de la BHM qui était là aux heures sombres et qui, à présent, affiche un large sourire.
Par Tiékorobani