La gestion du budget d’État, comme un fonds à gaspiller par les institutions de la République, est la source de tous les maux et la source de toutes les inégalités et d’injustice sociale. Ils sont naturellement si excessifs que 20 millions de Maliens sont extrêmement pauvres. Après des enquêtes sur l’utilisation du budget d’État et les fonds affectés aux différentes institutions et départements ministériels, nous avons interrogé l’histoire récente de notre pays pour connaître les raisons profondes de ces détournements de deniers publics. C’est pourquoi la paix entre les Maliens n’est pas possible ? À cet effet, nous avons tiré les leçons de deux (02) ouvrages écrits par des officiers. Le capitaine Soungalo Samaké: «Ma vie de soldat» qui regrette le coup d’État du 19 novembre 1968, «Transfert définitif» du colonel Assimi Souleymane Dembélé qui s’interroge: comment un peuple, qui fut grand, a-t-il subi de telles dictatures durant des décennies sans broncher ?
Ensuite, nous avons pris en compte la gestion de deux (02) ministres de l’Économie et des Finances (Soumana Sako et Mamadou Igor Diarra), appelés au secours du grand malade qu’est le Mali pour une thérapie de choc. Ces deux (02) ministres ont fait le diagnostic pour dresser l’ordonnance qu’il faut: réduire les dépenses de l’État et sanctionner les voleurs. C’est à partir de 2002 que les malversations financières, les détournements de deniers publics ont pris une proportion grandissante. Et le Mali était dirigé par un président indépendant et l’Assemblée nationale par le chef d’un des plus grands partis politiques.
De 2002 à 2020, le vol devient un système de gouvernance. Les kleptocrates de ces époques se sont bougrement enrichis. Aujourd’hui, ils sont une menace pour la bonne marche de la transition. Selon les murmures de la capitale, la fortune d’un officier supérieur serait égale ou l’équivalent d’un tiers du budget national. Le même officier serait propriétaire d’un quartier bâti à Sotuba. De tels comportements freinent tout développement. Quant à la trop grande cupidité, elle provoque la jalousie (niengoya).
Le budget d’État, quelle utilisation ?
Le budget, dit-on, c’est le sac du trésorier. C’est un acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l’État ou des autres services que les Lois assujettissent aux mêmes règles (crédit, dépense, recette). Le budget est dressé, préparé, discuter, voté, refusé, exécuté. Le budget d’État est préparé par le gouvernement (Loi des finances) et voté par les Chambres. Après avoir mis en place les institutions de la République à grands frais, il faut faire des inscriptions au budget annuel d’État pour couvrir les dépenses énormes que nécessite leur fonctionnement: salaires, indemnités et autres avantages des responsables des institutions et du personnel technique et administratif d’appui, achat d’équipements et de matériels de bureau, location d’immeubles pour abriter les Institutions qui ne sont pas logées dans des bâtiments publics, frais de fournitures des commodités comme l’électricité, l’eau, le téléphone pour les sièges des Institutions et les logements de fonction des responsables, frais de missions à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Pour mieux comprendre le gaspillage des fonds affectés à nos institutions, nous avons mené une enquête sur la gestion de l’Assemblée nationale du Mali, dont le Conseil national de transition (CNT) est une copie certifiée. Même gestion !
«Mais vous ne pouvez pas nier l’existence de fortunes colossales, de salaires exorbitants, de revenus vertigineux côtoyant la plus extrême pauvreté. C’est la première injustice, la plus scandaleuse». Parlons de l’argent, mais sérieusement, chiffres en main et non électoralement slogans à la bouche. Nous verrons le jardin secret des institutions.
Source de tous les maux et de toutes les inégalités
Ces fonds attribués de façon arbitraire à ces institutions constituent aujourd’hui la source de tous les maux et de toutes les inégalités sociales et le mécontentement général lié aux dépenses extravagantes des autorités de la transition. Jugez-vous en !
Présidence de la République: 17 milliards 748 735 000 F CFA;
Conseil national de transition: 13 milliards 897 297 000 F CFA;
Primature: 13 milliards 556 383 000 F CFA;
Cour constitutionnelle: 1 milliard 389 698 000 F CFA;
Cour suprême: 7 milliards 348 275 000 F CFA;
Conseil économique social environnemental et culturel: 1 milliard 814 215 000 FCFA;
Haut-Conseil des collectivités territoriales: 1 milliard 212 627 000 F CFA;
Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE): 6 milliards 093 173 000 F CFA;
Comité de l’égal accès aux médias d’État: 160 millions 945 000 F CFA.
À titre de rappel, dans la Loi des Finances de 2006 adoptée par l’Assemblée Nationale, les crédits affectés aux Institutions de la République représentent 5% des recettes prévisionnelles (42,3) milliards sur 840,7 milliards de francs CFA. En 2002, les députés ont adopté par acclamation une proposition de Loi portant modification de la Loi organique N°02-010 du 5 mars 2002 fixant les indemnités des députés.
Les avantages, que les élus se sont accordés dans le nouveau texte, ont soulevé un tollé dans la presse, dont voici certains titres: «La démesure des députés», «Le holdup-up des députés». Ces avantages sont: l’indemnité mensuelle calculée sur la base de l’indice 900 qui passe à l’indice 1 200 soit un montant de 351 000 francs CFA. L’indemnité journalière de session: (session ordinaire et extraordinaire passe de 15000 francs CFA à 18000 francs CFA; l’indemnité mensuelle de représentation fixée à 300 mille francs CFA; la dotation mensuelle en carburant et en unités téléphoniques est fixée à 300 litres et 400 unités de cartes téléphoniques prépayées.
Il faut ajouter à cette liste une indemnité de logement, une indemnité d’installation payable au début de la législature (les 147 députés) ont reçu le 04 décembre 2002 la somme de 441 millions de francs CFA au titre de cette prime d’installation, ce qui fait trois (03) millions par député; une indemnité de fin de mandat; le reclassement des fonctionnaires à leur sortie de l’Assemblée nationale à l’indice le plus élevé de leur corps d’origine.
Rappelons que le traitement mensuel d’un député à cette époque était de 1 116 500 francs CFA. Il y a lieu de préciser que ce montant est revu à la hausse s’agissant du président de l’institution, des présidents des groupes parlementaires, des présidents des commissions de travail, car le taux de leurs indemnités dépasse celui des simples députés.
La Cour constitutionnelle ordonne avec mais comme ce fut avec le CNT
Par une décision en date du 24 janvier 2003, la Cour Constitutionnelle, chargée aux termes de la Loi fondamentale du contrôle de la constitutionnalité des Lois organiques, a relevé des vices de forme dans certaines dispositions de la nouvelle Loi organique, notamment celles donnant au président de l’Assemblée nationale la latitude de fixer lui-même de façon discrétionnaire, les montants de certaines indemnités de ses pairs. Les députés ont alors vite fait d’adopter, quelques jours après la décision de la Cour constitutionnelle, une nouvelle mouture du texte qui corrige des anomalies et garde en l’état la dénomination et le montant de leurs indemnités. Il s’agit de la Loi N°03-001 du 7 février 2003.
L’idée que certains députés avaient derrière la tête en augmentant leur traitement de façon substantielle était certainement de se rapprocher le plus possible du standing de vie des membres du gouvernement. On sait qu’il existe une rivalité sourde entre les deux (02) institutions sur les questions de préséance, de considération sociale et d’octroi de privilèges. Ce que l’Assemblée nationale a fait le 28 décembre 2002 en votant par acclamation la Loi organique relative aux indemnités des députés, le gouvernement l’avait fait six (06) mois plus tôt, le 04 juin 2002, en prenant l’Ordonnance N°02-050/ P-RM fixant le régime des émoluments et des indemnités du Premier ministre et l’Ordonnance N°02-051/ P-RM fixant le régime des émoluments et indemnités accordés aux membres du gouvernement. Ces deux (02) textes ont été pris en vertu d’une Loi d’habilitation votée par l’Assemblée nationale le 03 juin 2002, autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance. Le fait que ces deux (02) textes aient été adoptés à la sauvette, en dehors du Parlement, à quatre jours seulement de la fin du mandat du président Konaré, ne laisse aucun doute sur le caractère démesuré des traitements et autres privilèges accordés au Premier ministre et aux ministres de la République.
Le syndrome de l’augmentation des traitements a gagné les autres institutions de la République
Comme l’Assemblée nationale, chargée de délier les cordons de la bourse, et le gouvernement chargé de gérer la bourse, se sont eux-mêmes bien servis les premiers, ils ne pouvaient pas ne pas inviter les autres institutions à la table pour se régaler.
Le 02 juillet 2004, l’Assemblée nationale adopte un projet de loi qui prévoit une nouvelle hausse du taux de l’indemnité de session et de l’indemnité de logement des députés. La première est passée de 18 000 à 20 000 francs CFA par jour et la seconde de 50 000 à 75 000 francs CFA par mois.
Pour faire avaler la pilule de cette augmentation, les députés ont adopté au cours de la même session parlementaire d’autres Lois accordant des avantages considérables aux autres institutions de la République, à savoir le Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) et le Conseil économique social, et environnemental et culturel (CESEC). Par exemple au Haut-Conseil des collectivités territoriales, l’indemnité de session est fixée à 13 500 francs CFA par jour; l’indemnité mensuelle de représentation est fixée à 225 000 francs CFA pour les simples conseillers, 300 000 francs CFA pour les membres du bureau et 457 000 francs CFA pour le président; ce dernier bénéficie en plus de la gratuité du logement et d’une indemnité mensuelle d’entretien de 300 000 francs CFA pour couvrir ses frais d’électricité, d’eau et de téléphone. Les avantages accordés aux deux (02) autres institutions et à leur président se situent dans le même ordre de grandeur.
En comparant le traitement mensuel d’un député, d’un ministre ou d’un conseiller national au salaire mensuel d’un cadre supérieur (catégorie A de la fonction publique) chiffré par le chef de l’État lui-même à 202 126 francs CFA en 2004, on comprend la colère des journalistes pour stigmatiser la boulimie de nos dirigeants. Le salaire d’un cadre supérieur correspond à peu près à la valeur de la dotation mensuelle en carburant et en unités téléphoniques accordés par l’État à un député.
Safounè KOUMBA