L’instauration d’un système d’égalité de compétition entre les produits européens et africains accentuerait le déséquilibre de fait “Signera, signera pas ? ”
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Les pays de la CEDEAO ont choisi en bloc de réporter la signature de l’Accord global de partenariat économique avec les 27 pays de l’Union européenne prévue pour le 31 décembre prochain. Les chefs d’État de la sous-région, à leur tête, le président de la République du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, ont fait savoir leur position aux partenaires européens lors de la rencontre au sommet des chefs d’États des deux continents, à Lisbonne au Portugal, en début du mois.
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rnDéjà au mois de novembre dernier, le président sénégalais, Me Abdoulaye Wade de passage à Paris, avait fait connaître sa opposition à la conclusion d’un accord à la date indiquée. “La Commission européenne presse les États africains de signer, avant le 31 décembre, de nouveaux Accords de partenariat économique. Ce nouvel instrument de coopération multilatérale est censé prendre le relais des accords de Cotonou qui arrivent à expiration à cette date et qui, depuis sept ans, accordaient aux 46 États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (les ACP) un régime dérogatoire au principe de libre-échange et des préférences commerciales unilatérales.
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rnÉchec des expériences passées.
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rnEn l’absence de signature de ces nouveaux accords, ce serait le vide entre l’Union européenne et l’Afrique. Cette perspective est doublement catastrophique. En effet, disparaîtrait, avec les accords de Cotonou, le dispositif qui sert de base, à l’aide européenne. Et cette aide est encore plus vitale aujourd’hui pour l’Afrique, au moment où la hausse du prix entraîne celle des denrées de première nécessité et déclenche partout le mécontentement populaire et la grogne des syndicats.
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rnIl est vrai que les experts reconnaissent l’échec des accords de Cotonou et, avant eux, de ceux de Yaoundé et de Lomé, qui les ont précédés. L’objectif était d’augmenter les exportations de l’Afrique vers l’Europe, et l’on a abouti au résultat exactement inverse : les exportations de l’Europe vers l’Afrique ont augmenté de 6,5% depuis 2000, alors que les exportations africaines vers l’Europe se sont très sensiblement détériorées. Mais le système de remplacement, les APE, que propose l’UE n’est pas acceptable…”, a expliqué Me Abdoulaye Wade.
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rnEt pour cause, le continent noir est perdant dans la démarche préconisée par les partenaires européens. Selon lui, l’instauration d’un système d’égalité de compétition entre les économies européennes et africaines qui nécessite le démantèlement de la protection tarifaire en application dans nos États, est totalement asymétrique et compromet dangereusement la survie de nos économies. Pour lui, cela accentuerait un déséquilibre de fait et livrera totalement les marchés africains aux produits européens subventionnés.
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rnSur les marchés du district, nombre de consommateurs de la capitale sont étonnés que voir que la pomme de terre importée coûte le plus souvent entre 400 et 500 Fcfa le kilo, en fonction des périodes de consommation, contre 500 et 600 pour la pomme de terre produite au Mali. Idem pour l’échalote. Et les producteurs maliens souffrent beaucoup de cette concurrence déloyale. Encore que ces produits européens sont soumis au régime douanier.
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rnMe Abdoulaye Wade d’ajouter que l’industrie africaine n’a pas encore la trame nécessaire pour résister à la concurrence. Même si là où elle peut tirer des avantages comparatifs, elle n’a pas la capacité et les structures lui permettant de répondre à la demande forte européenne. Ensuite, le nouveau dispositif de désarmement tarifaire imposé par le libre-échange entraînerait immédiatement d’énormes pertes de recettes douanières pour nos pays, tandis que celles-ci constituent entre 35 et 70% des budgets de nos États.
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rnSelon lui, une étude de simulation du Centre d’étude et de recherche sur le développement a relevé qu’entre 2008 et 2015, les pertes de recettes fiscales du Sénégal passeraient de 38 à 115 milliards de Fcfa, avec le démantèlement tarifaire, dans le même ordre d’idée, le Nigeria aussi a évalué sa perte de recettes à 800 millions d’euro, environ 524,4 milliards de Fcfa. Les études ont montré que notre pays perdra plus de 200 milliards de Fcfa de recettes. Déjà la douane malienne a de plus en plus de mal à atteindre ses objectifs budgétaires.
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rnLes APD comme alternative.
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rnPour se sauver ensemble contre l’offensive des nouveaux pays émergents d’Asie et d’Amérique latine (Chine, Inde et Brésil), Me Abdoulaye Wade propose en lieu et place des APE, les Accords de partenariat et de développement. Car de l’avis du président sénégalais, les futuristes de l’économie mondiale pensent que le monde de demain sera dominé par un “quatuor” composé des États-Unis, du Brésil, de Chine et de l’Inde. L’Europe et l’Afrique sont les grands absents de ce rendez-vous.
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rnAussi propose-t-il aux dirigeants des deux continents un nouveau contrat qui s’articule autour de sept points : la dissociation du commerce et de l’aide, qui serait coadministrée ; la construction d’un espace mixte qui permettrait des investissements budgétaires de l’Europe en Afrique dans une optique keynésienne. John Maynard Keynes était un économiste et un mathématicien britannique né le 5 juin 1883 à Cambridge et décédé le 21 avril 1946 à Firle dans le Sussex suite à des complications cardiaques. Il est l’inspirateur du keynésianisme, un courant de pensée économique dont les adeptes ont retenu notamment de la richesse de ses analyses, sa position en faveur de l’intervention active de l’État à certains moments précis au sein de l’économie pour assurer le plein emploi.
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rnMe Abdoulaye Wade préconise une nouvelle démarche dans les accords entre région du monde, non pas fondée sur un accord mondial comme exige l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui lui paraît trop global et donc très réducteur. Il propose un partenariat Europe-Afrique intégrateur donc global, mais non parcellisé en 5 accords régionaux, parce qu’il considère que notre continent est une continuité géographique. Me Abdoul-aye Wade propose également des accords sur des produits homogènes : café, arachide, coton, pêche, produits miniers et manufacturiers, etc.
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rnMe Wade inscrit ces initiatives dans une dynamique de délocalisation industrielle de l’Europe vers l’Afrique. Pour lui, l’Europe ne pouvant pas concu
rrencer la Chine et l’Inde, peut tout de même délocaliser les industries qui exportent sur le continent noir. S’agissant du financement des infrastructures, Me Abdou-laye Wade estime que c’est une question de survie pour l’Europe. Car si elle ne le fait pas, c’est la Chine qui le fera plus vite et moins cher à sa place et certainement à son détriment.
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rnLes APD tels qu’ils se présentent, permettraient d’instaurer un développement équitable et mutuellement enrichissant pour nos deux continents, a conclu Me Abdoulaye Wade.
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rnA. O. DIALLO
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