Pour non-paiement par le trésor public de leurs factures de 2010 se chiffrant à plusieurs milliards de FCFA :Des fournisseurs d’engrais menacent de boycotter la campagne agricole 2011-2012

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La politique de l’Initiative riz va-t-elle s’arrêter ? Telle est la question que de nombreux citoyens maliens se posent au regard du bras-de-fer qui oppose aujourd’hui l’Etat et certains gros fournisseurs d’engrais qui courent derrière des factures impayées de plusieurs milliards FCFA pour la période 2010. Et cela, malgré les cautions techniques délivrées par les représentants de l’Etat dans les localités où l’engrais a été fourni. Face à la situation, des fournisseurs d’engrais sont décidés à ne pas fournir un seul kilogramme du produit à l’Etat, si ce dernier ne règle pas les factures en souffrance au niveau de ses services. Conséquence : c’est la campagne agricole de cette année qui se trouve menacée et avec elle la belle politique de l’Initiative Riz dont l’objectif est d’investir dans la production à travers des subventions, notamment en engrais, afin d’accroître le rendement et assurer une souveraineté alimentaire.

La problématique de la fameuse subvention de l’Etat concernant les engrais refait encore surface dans les débats à cause de la volonté de l’Etat de ne pas payer certains fournisseurs qu’il soupçonne de "frauder" dans le processus de livraison, tout en usant du faux afin de soutirer de l’argent au gouvernement. Parmi ces fournisseurs, un doigt accusateur est pointé vers la société Ngoumani SA de l’opérateur économique Diadié Ba de Niono. Ses factures sont en souffrance dans les rouages de l’Etat au motif qu’elles sentent une forte odeur de malversation.

Et pourtant, une lettre du directeur des Finances et du matériel du ministère de l’Economie et des finances, en date 18 février 2011, adressée au directeur général du budget, atteste l’existence des créances et en plus autorise leur paiement. Ladite lettre est ainsi libellée "…dans le cadre de la mise en œuvre de la campagne agricole 2010-2011, j’ai l’honneur de vous transmettre pour règlement des demandes de paiement de subvention des sociétés suivantes : ARC EN CIEL Sarl : quantités d’engrais en sacs (DAP 35 708 t, NPKS : 5 485 t, CC 123 t, Urée 50 711 t) montant à payer 483 268 980 FCFA. SOMADECO Sarl : quantités d’engrais en sacs (DAP 7 319 t, NPKS 23 535 t, Urée 12 526 t) montant à payer 358 473 294 FCFA. GNOUMANI SA : quantités d’engrais en sacs (DAP 89 053 t, NPKS 367 832 t, CC 8 744 t, Urée 254 954 t) montant à payer : 3 434 065 251 FCFA ". En observant ces chiffres, il ressort, à l’évidence, que la société Gnoumani Sa est le plus grand fournisseur d’engrais.

Des preuves irréfutables

La lettre en question précise que "ces subventions découlent de l’approvisionnement en engrais des producteurs et organisations paysannes". Avant d’indiquer la situation de la subvention d’engrais livré, les pièces administratives, ainsi que les factures.

Une copie de ladite lettre a été adressée, pour ampliation, à toutes les structures concernées, notamment la Direction générale du trésor, la Délégation du contrôle financier, la Cellule Initiative Riz et j’en passe, volontiers. Mieux, dans le cadre de l’approvisionnement en engrais, toutes les structures de l’Etat, notamment les Directions régionales du ministère de l’Agriculture ont attesté sur un document qui fait foi que la société Gnoumani Sa a bel et bien livré le produit à Ségou, Niono, San, Macina, Bla, Bougouni, Yoroso, Sikasso, Kita, Koulikoro. Pour chaque localité ravitaillée, des cautions techniques ont été délivrées par ceux-là mêmes qui représentent l’Etat.

La preuve de livraison des engrais par la société Gnoumani Sa est également établie sur une autre lettre du PDG de l’Office du Niger, Kassoum Denon, adressée au Secrétariat d’Etat auprès du Premier ministre chargé du développement intégré de la zone Office du Niger, actuel ministère Délégué auprès du Premier ministre chargé de la même fonction.

Dans la lettre du PDG de l’Office du Niger, il est ainsi indiqué : "Dans le cadre de l’assistance aux producteurs agricoles et à leurs organisations pour l’accès à l’engrais subventionné de l’Initiative Riz au titre de la campagne hivernale 2010-2011, j’ai l’honneur de vous faire parvenir les dossiers de demande de subvention de la société Gnoumani Sa pour avoir livré les engrais DAP, NPKS et Urée aux exploitants individuels et à leurs organisations dans la zone de Macina, Niono, Molodo, N’Débougou, Kroumari et M’Béwani. Les dossiers ci-joints se composent de cautions techniques délivrées par zones suscitées, une lettre de la société Gnoumani Sa, une copie du quitus fiscal de ladite société, ainsi que la facture de livraison par zone".

Malheureusement, la société Gnoumani Sa de Diadié Ba n’est pas la seule qui réclame de l’argent à l’Etat. D’autres sociétés comme Toguna Sa, Faso Djigui Sa, Haïdara et fils, Mali Paysan, entre autres, courent en vain derrière leur dû qui s’élève au total à plusieurs milliards de FCFA.

Parmi ces sociétés, il y en a certaines qui ont bénéficié d’un premier paiement et sont dans l’attente du second. Face à la situation, un opérateur économique soutient : "Il urge que l’Etat paye les factures en souffrance à son niveau car nous avons contracté des prêts au niveau des banques avec des taux d’intérêt qui continuent à courir". Un autre, de la société Haïdara et Fils, renchérit: "Si nous ne sommes pas payés, il sera difficile pour nous de faire face à l’approvisionnement correct du marché dans le cadre de l’Initiative riz, pour la campagne agricole de cette année. L’Etat doit, malgré tout, faire des efforts pour accompagner davantage la politique de l’Initiative Riz. Il y va de la réussite du combat pour la réduction de la pauvreté via l’instauration de la souveraineté alimentaire".

C’est en désespoir de cause que plusieurs fournisseurs d’engrais menacent de boycotter cette campagne agricole si l’Etat ne règle pas les factures de 2010 en souffrance à son niveau. Le PDG de la Société Gnoumani Sa espère que les choses ne vont pas en arriver à ce stade et espère beaucoup que l’Etat tiendra toutes ses promesses.

Quand l’Etat n’arrive pas à tenir toutes ses promesses

L’Initiative Riz, qui a été salué par tous, avait pour objectif essentiel d’investir dans la production agricole à travers des subventions, notamment en engrais, afin d’accroître le rendement et ainsi assurer une souveraineté alimentaire au Mali.

Malheureusement, au cours de certaines opérations, en occurrence celle de 2008, des opérateurs économiques, obnubilés par la recherche du gain facile, ont utilisé l’argent de l’Etat à d’autres fins. Toute chose qui a valu la dénonciation de l’opération Initiative Riz, à travers la Daf de la primature, dans le dernier rapport de la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA) déjà remis à la justice par le président de la République.

Et cela, après le rapport du Bureau du Vérificateur Général.

En effet, Ces deux structures de contrôle ont estimé que l’argent du contribuable a été gracieusement offert pour la fourniture des engrais à des opérateurs économiques qui n’ont pas fait le travail dans les règles de l’art.

Toute chose qui vaut aujourd’hui à l’ancien Premier ministre, Modibo Sidibé, auteur de l’Initiative Riz, toutes les suspicions et critiques malveillantes. Conscient de la mauvaise utilisation des fonds destinés à la subvention des engrais en 2008, le gouvernement a demandé aux opérateurs économiques évoluant dans le domaine de l’engrais de préfinancer l’approvisionnement. Ce qui fut fait. Malgré tout, l’Etat n’arrive pas à tenir toutes ses promesses.

Face à la menace de boycott des fournisseurs d’engrais, l’on peut affirmer que c’est la campagne agricole de cette année qui est en passe d’être compromise et l’Initiative Riz qui a déjà pris son envol en prendrait un sacré coup.

Alassane DIARRA

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