Finis les tas de mangues et de pommes de terre pourries sur les marchés et dans les vergers dans la 3ème région du Mali, faute de centres de conditionnement. Grâce au Programme Compétitivité et Diversification Agricoles (PCDA), la capitale du Kénédougou dispose désormais d’un pôle de conditionnement de la mangue et de la pomme de terre d’une capacité de stockage de plus de 300 tonnes.
L’imposante infrastructure, qui a coûté plus de 2 milliards de FCFA, a été inaugurée le vendredi 27 juin 2014 par le Premier ministre, chef du Gouvernement, Moussa Mara. Répondant au double objectif de centraliser l’offre, en vue de faciliter le commerce de ces produits, et de permettre une meilleure conservation des produits collectés, le pôle de conditionnement de Sikasso, bâti sur une superficie totale de 2,5 ha, est situé dans sa zone aéroportuaire.
L’infrastructure est destinée à recevoir d’importantes quantités de produits agricoles, à des fins d’exportation sous-régionale et internationale. Le service consistera à réceptionner un produit nécessitant un refroidissement rapide pour qu’il soit conforme aux conditions optimales d’expédition par voie maritime, par conteneurs.
Le pôle mangue comprend entre autres une aire de réception, tri et traitement de la mangue; deux tunnels de pré-refroidissement, d’une capacité de 22 tonnes, permettant de descendre la température de 35 °C à 8 °C en 8 heures; une aire d’expédition réfrigérée à +12°C / +15°C; un espace de formage de carton, un bloc administration et des locaux sociaux. La capacité de traitement de ce pôle est de 3 conteneurs (66 tonnes de produit) en 24 heures.
Quant au pôle de centralisation de la pomme de terre, il est destiné à recevoir et à stocker d’importantes quantités de pommes de terre et à fournir le marché domestique à des fins d’exportation sous-régionale. Il propose des services de stockage, conditionnement et de mutualisation des transports, en vue de l’expédition par les commerçants.
Le centre de réception est doté de chambres froides en positif et de magasins de stockage non réfrigérés. Il se compose d’une aire de réception d’une capacité de traitement de 300 tonnes, équipée de bascules; d’un entrepôt de conditionnement et de stockage (intrants et petits matériels) de courte durée, d’un bloc administration et de locaux sociaux pour ne citer que ceci.
Outre le groupage des acteurs, ce pôle renforcera les relations d’affaires entre les différentes familles de l’interprofession. Cette industrie constitue donc un fort potentiel pour le Mali et un facteur de diversification appréciable par rapport au coton, compte tenu de l’ouverture du marché européen aux fruits et légumes provenant de notre pays.
D’où l’augmentation substantielle du taux des exportations de ce fruit. Ainsi, alors qu’au démarrage du projet, en 2006, les quantités des mangues exportées en Europe étaient seulement de 3 500 tonnes pour tout le pays, en 2013 ces quantités exportées vers l’Europe et dans la sous-région étaient de 26 000 tonnes au Mali et de plus de 15 000 tonnes pour Sikasso, pour un chiffre d’affaire de plus de 5 milliards de FCFA pour la 3ème région, Sikasso constituant en moyenne environ 60% des exportations du pays.
En plus de la station de Sikasso, d’un coût de plus de 2 milliards de FCFA, le projet a investi 500 millions de FCFA pour le Plaza de Bamako et 900 millions de FCFA pour le pôle de centralisation de l’échalote / oignon à Niono, afin d’améliorer la qualité de ces produits par un meilleur conditionnement et une meilleure conservation.
Pour Paul Martin, représentant du Directeur des opérations de la Banque Mondiale, l’enjeu de la filière mangue pomme de terre est aujourd’hui d’augmenter les quantités exportées et en même temps de «valoriser» le facteur «qualité supérieure reconnue» du produit malien et ouest africain par rapport à la concurrence.
Toutes choses qui nécessitent, selon lui, des investissements importants pour l’extension des vergers de mangues d’exportation, en plus d’une massive conversion des vergers actuels. A l’en croire, la bonne utilisation de ces infrastructures va permettre une meilleure régulation des marchés nationaux tout le long de l’année, tout en garantissant à la fois un prix compétitif pour les producteurs, les distributeurs et les consommateurs.
Pour le ministre Mamadou Diarra, assurant l’intérim de son homologue du Développement Rural, les infrastructures comme le pôle de Sikasso font partie des conditions essentielles au développement des filières fruits et légumes et d’exploitation d’ouvertures stratégiques. Selon lui, pour l’amélioration de la compétitivité d’une gamme diversifiée de produits agricoles, il est essentiel que les opérateurs maliens puissent avoir accès à un dispositif et à une logistique post-récolte garantissant la fluidité maîtrisée dans l’enchaînement des opérations, le maintien d’une chaîne de froid ininterrompue (maintien de la qualité) et la possibilité d’offrir des produits à forte valeur ajoutée à moindre coût.
En coupant le ruban symbolique de ce centre de conditionnement, le Premier ministre Moussa Mara a remercié tous ceux qui ont concouru à la réalisation de cette infrastructure qui, selon lui, va aider le secteur de l’agriculture et de l’agro-industrie du Mali de manière significative. Pour le chef du Gouvernement, avec ce pôle de conditionnement, c’est l’amorce de cette politique de mise en valeur des produits de notre agriculture par laquelle la politique de développement de notre pays passera. Elle va permettre l’interprofession de plusieurs acteurs.
Signalons que, pour cette inauguration, le PM était accompagné des ministres de l’Intérieur et de la Sécurité, Sada Samaké, de l’Urbanisme et de l’Habitat, Mamadou Diarra et des autorités politiques et administratives de la 3ème région.
Yaya Samaké, Envoyé spécial à Sikasso
Zoom sur le PCDA
Le Programme de Compétitivité et de Diversification Agricoles (PCDA) est un projet de promotion des chaines d’approvisionnement agricoles initié par le gouvernement du Mali avec le soutien financier de la Banque Mondiale. Il a pour objectif de contribuer à la levée des contraintes critiques au développement d’un certain nombre de filières commerciales agricoles, d’élevage et de pêche pour lesquelles le Mali jouit d’un avantage comparatif et d’opportunités de marché confirmées.
De sa mise en œuvre, en avril 2006, à la mise en place du fonds additionnel, en 2013, le PCDA a à son actif plusieurs réalisations en plus du pôle de Sikasso. Parmi ces réalisations, on peut entre autres citer le Périmètre Logistique Aménagé en Zone Aéroportuaire de Bamako (PLAZA) mis en œuvre par le PCDA et la Coopération Néerlandaise et ceux de Bougouni et de Yanfolila, réalisés par l’APEJ.
Pour le Coordinateur Sory Bréhima Diarra, le projet, qui travaille sur les chaines de valeurs, a pour objet de renforcer celles-ci sur des produits de l’élevage et de la pêche sur lesquels le Mali jouit d’un avantage compétitif avéré. Selon lui, le PCDA ne manque pas d’ambitions.
«Nous avons travaillé à la mise en place des vergers commerciaux. Ce sont des vergers à haute densité de production de mangues. Les productions sont ensuite transformées. Le projet a mis en place des unités de transformation qui ont aujourd’hui des capacités de près de 350 tonnes de mangues fraiches. Donc le projet travaille sur ce maillon critique. Il y a des unités ici à Sikasso et à Bamako. Ces produits sont exportés vers l’Afrique du sud et l’Europe. Ce qui fait aussi pas mal d’entrée de devises».
Vivement un autre projet pour prendre le relais du PCDA
Le projet est prévu pour être clôturé le 30 juin 2015. Le PCDA aura révolutionné le monde de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. A moins d’un an de sa clôture, la nécessité de la mise en place d’un autre projet, qui va pérenniser ses acquis, s’impose. Au niveau des responsables du projet, on affirme qu’on travaille dans ce sens.
«Si on arrivait, avec le Gouvernement, à mettre en place un autre projet pour prendre le relais de celui-ci, je pense que ce serait la meilleure des choses. Parce que nous avons vu ce que le projet a fait comme réalisations. Nous croyons que ça va être une très bonne chose, une chose salutaire, car les actions du projet vont être centrées sur les maillons sur lesquels le PCDA a faiblement travaillé.
Nous sommes dans la logique de préparer et de soumettre au Gouvernement et à la Banque Mondiale un autre projet, qui puisse prendre le relais de celui qui va bientôt se terminer. Pour la résorption du problème de financement de l’agriculture, le PCDA s’est beaucoup illustré. Il a été mis en place, il y a juste un mois, des établissements financiers et des opérateurs des filières agricoles, en présence d’une filiale de la Banque Mondiale, la Société Financière Internationale, pour élaborer une stratégie de financement de la prochaine campagne agricole.
Cette initiative a été saluée par les banques primaires de la place, qui ont promis d’appuyer le projet dans la recherche de solutions pour le financement de cette campagne agricole. Ce qui va nous permettre d’exporter entre 5 000 et 10 0000 tonnes de mangues» nous a confié Sory Bréhima Diarra.
La mangue, un chiffre d’affaires de 110 millions de FCFA en 2014
Filière porteuse, eu égard aux potentiels existants dans les bassins de production (100 000 ha), la mangue est aujourd’hui le 3ème produit agricole d’exportation du Mali, après le coton et le bétail. Pour une meilleure organisation, la filière est aujourd’hui structurée, avec l’accompagnement du PCDA, en 5 interprofessions. Il s’agit entre autres, des transformateurs, des pépiniéristes et des commerçants – exportateurs.
Les statistiques révèlent que 575 000 tonnes de mangues fraiches ont été produites dans les régions de Bamako, Koulikoro et Sikasso, sur une superficie de 100 000 ha, dont 80% de variétés exportables sont destinées aux marchés de l’Union européenne, à la sous-région et au Maghreb.
Durant la période test du PCDA, du 21 mai au 24 juin 2014, le centre de conditionnement de Sikasso a conditionné et expédié vers l’Union européenne et le Maroc 300 tonnes de mangues, pour un chiffre d’affaires de 110 millions de FCFA et 110 emplois créés.
La pomme de terre, une contribution de plus de 15 milliards de francs CFA au PIB
La filière pomme de terre mérite que l’Etat y prête plus d’attention. Avec une production de plus 93 000 tonnes, elle génère plus de 15 milliards de francs CFA du PIB. Cette information a été révélée par le Président du Groupement interprofessionnel de la pomme de terre, Harouna Konaté, à la faveur de l’inauguration du centre de conditionnement de Sikasso.
Il a assuré les autorités de l’engagement des producteurs «à relever tout le défi de rentabiliser cette infrastructure mise à notre disposition, en y conservant, non seulement la pomme de terre de consommation pour le marché national et sous-régional, mais aussi les semences de pomme de terre». Avant d’ajouter que les acteurs de la filière, particulièrement les producteurs de pomme de terre, ont besoin également de subventions sur les engrais spécifiques pour l’intensification de cette culture.
M. Konaté a expliqué que la filière avait besoin d’investissements pour la réalisation d’infrastructures de retenue d’eau ; de la construction d’autres centres de conditionnement, publics ou privés et de la promotion de PME agricoles, tel que déjà initié par le PCDA à travers sons Fonds d’Innovation et d’Investissement.
Rassemblées par Yaya Samaké