Péril sur la campagne agricole 2016-2017 : La décision polémique du ministre Dénon

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Dans la grande famille des distributeurs agréés d’intrants agricoles, l’heure n’est pas au calme, mais à la colère et à l’indignation en raison d’une décision très controversée du département de tutelle. En effet, dans une lettre d’information N°01126 du 20 juin 2016, dont l’objet est intitulé : «Assainissement du circuit d’approvisionnement des producteurs en intrants agricoles subventionnés», le ministre de l’Agriculture, Kassoum Dénon, n’a retenu que 12 fournisseurs d’engrais minéraux sur la quarantaine que compte notre pays. Dans la foulée, les autres distributeurs exclus, au terme d’un point de presse tenu à Faladié, ont demandé au ministre Dénon de bien vouloir revenir sur sa décision, au risque de compromettre la campagne agricole 2016-2017 qui a pourtant bien commencé.

 

Dans cette lettre adressée au Groupement des distributeurs agréés d’intrants agricoles, via le Directeur national de l’agriculture, le ministre Kassoum Dénon indique qu’«en application des recommandations issues du Conseil supérieur de l’agriculture tenu le 31 mars 2016 sous la présidence de Son Excellence El Hadj Ibrahim Boubacar Kéïta, président de la République, Chef de l’Etat, des directives spécifiques relatives à l’assainissement du circuit d’approvisionnement des producteurs en intrants agricoles, dans le cadre de la subvention, seront mises au titre de la campagne agricole 2016-2017». Compte tenu, poursuit la lettre, «des cas de mauvaise gestion de la subvention due à la pléthore des fournisseurs qui est de nature à anéantir les efforts consentis par l’Etat pour rendre les intrants de qualité au plus grand nombre de producteurs, la limitation des fournisseurs d’intrants, pour une meilleure maîtrise des dossiers de remboursement, s’avère nécessaire». C’est dans cette optique, conclut la lettre, que 12 fournisseurs d’engrais minéraux ont été retenus.

 

Et les autres ?

 

Pourtant, soulignent les membres du Groupement des distributeurs agréés d’intrants agricoles, créé en 2009 et dont le président est Yaya Thiero de la société «Mali Paysan», lors d’un point de presse organisé le 23 juin à Faladié, tous les fournisseurs du Mali avaient été conviés à une réunion le vendredi 13 mai 2016 par le Directeur national de l’agriculture. Là, il n’avait pas été question d’une telle volonté du ministre Dénon de retenir ou d’écarter certains fournisseurs de la campagne agricole 2016-2017. Et sur quelle base ? Sur ce point, le ministre, dans sa lettre parle d’ancienneté,  de capacité financière, de représentativité…Ce qui ne convainc pas les fournisseurs exclus qui pensent plutôt à une certaine complicité ou à une combine entre les grossistes et nos plus hautes autorités.

Douze fournisseurs d’engrais sur une quarantaine pour servir tous les producteurs du Mali, même ceux qui sont dans les hameaux les plus reculés, cela relève d’une utopie, disons plutôt d’un business qui ne dit pas son nom. Ce qui confirmerait cette inquiétude des membres du Groupement des distributeurs agréés d’intrants agricoles qui disent ne pas comprendre cette phrase du ministre Dénon dans sa lettre circulaire : «Les distributeurs agréés et les agro-leaders, en rapport avec les fournisseurs retenus, assureront la mise en place des intrants auprès des producteurs».

 

«Nous sommes tous commerçants, au vu de la législation malienne, car nous sommes tous enregistrés au Registre de commerce et de crédit immobilier (RCCM). Au-delà de ça, nous payons tous régulièrement nos impôts. Et il est important ici de noter que chacun d’entre nous a pris l’agrément au niveau de la Direction nationale de l’agriculture. Nous le prenions à 50.000 Fcfa, mais tout récemment, on nous a imposé 100.000 Fcfa comme frais d’agrément. Et parce que nous ne vivons que de ça, nous l’avons pris à cette somme. Nous sommes des chefs de famille et des chefs d’entreprise, car nous embauchons près d’une dizaine d’employés chacun. Cela contribue à l’épanouissement économique du pays», ont détaillé les membres du Groupement dans une déclaration.

 

Ce, avant de préciser : «Nos objectifs sont, entre autres, d’approcher les produits à la population locale ; autrement dit, d’apporter les intrants vers les agriculteurs qui se sentent absolument dans le besoin ; mais aussi et surtout de contribuer au combat du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, c’est-à-dire, la lutte contre le chômage et la pauvreté dans nos zones respectives».

 

Parlant d’engrais frelaté qui défraye encore une fois la chronique, les conférenciers estiment qu’ils n’en sont pour rien dans la chaîne de distribution, parce que ce sont les importateurs (grossistes) qui amènent les engrais dans notre pays, et eux ne font que les apporter aux paysans.

 

Un véritable plaidoyer auprès du ministre Dénon

À la question de savoir s’ils engageront un bras de fer en cas de refus du ministre de revenir sur sa décision, les membres du Groupement n’entendent pas en arriver là. «Pour continuer notre service qui contribue au développement socio-économique de la Nation, nous demandons et supplions Monsieur le ministre de revenir sur sa décision ; de laisser les chefs de famille continuer à vivre dignement et à aider autrui qui dépend de nos prestations», plaide Sidi Diabaté de la société Séné Yiriwaton.

 

Et à Chaka Kéïta d’Agri Mandé d’enchaîner : «C’est un technicien rompu à la tâche que le Premier ministre a choisi pour diriger le ministère de l’Agriculture. Kassoum Denon maîtrise le secteur et devrait s’atteler à en relever les défis. Etant Ingénieur agronome de classe exceptionnelle, l’homme est doté d’une expérience avérée dans le domaine de l’agriculture, pour prendre en charge les préoccupations du département. Son passage aux deux Offices de Ségou (Riz et Niger) plaide en sa faveur pour combler les attentes des plus hautes autorités qui ont déjà consenti d’allouer 15% du budget national au secteur agricole. Nous comptons beaucoup sur lui».

 

Puis à Alpha Cissé des Ets Faguibine de corroborer le tout : «Plus qu’un vieux routier du secteur, Kassoum Denon a passé l’essentiel de sa carrière dans les champs et a été longtemps à l’œuvre au sein de l’Opération des périmètres irrigués de Kayes (Opi), en tant que chef de la section vulgarisation et formation des paysans aux techniques de productions intenses des cultures irriguées. Il a également fait un an à la CMDT où il fut chef de zone d’expansion rurale de Koutiala et Bougouni, ce qui le conduira à l’Opération riz de Ségou. Président directeur général de l’Office du Niger, c’est à ce poste stratégique qu’il s’est révélé au grand public. Dans cette structure, en un laps de temps, il a procédé à des réformes majeures. Preuve irréfutable, l’arrivée massive de nombreux partenaires et la confiance rétablie avec les paysans. Je reste convaincu qu’il ne nous laissera pas tomber de la sorte et qu’il prendra en compte nos doléances».

 

Même conviction du côté d’Abdoulaye Tindouré de Socco-Mali, qui révèle qu’il a actuellement plus de 2000 tonnes d’engrais dans son magasin, mais qu’il ne peut pas actuellement vendre ses produits à cause de cette décision ministérielle, alors que ce sont des millions de nos francs qu’il a pris à crédit auprès des banques.

 

Espérons que le ministre, dont on dit qu’il n’a pas «un cœur de pierre», entendra ces cris de détresse du Groupement des distributeurs agréés d’intrants agricoles.

Bruno E. LOMA

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