Ici, on s’accorde à dire que l’opérateur économique Modibo Kéita, PDG du groupe GDCM, ne recule devant rien pour obtenir la réalisation du complexe projet industriel dans l’Office. À lui seul, Modibo Kéita s’est procuré plusieurs centaines d’hectares de surface exploitable à l’Office. Cette surface, Modibo Kéita est accusé de l’avoir arrachée aux véritables propriétaires terriens des villages, avec la complicité de la direction de l’Office du Niger. Au mépris du droit coutumier qui accorde la propriété des champs à des indigènes qui n’ont d’autres activités que l’exploitation de la terre.
Aujourd’hui, à cause des pratiques du genre, des villages entiers tendent à disparaitre, parce que les habitants sont dépourvus de terres cultivables pour survivre depuis l’apparition des prédateurs fonciers. Dans tous les villages victimes, on ne parle que des noms du PDG de GDCM et des responsables véreux, parce que sans vergogne, tapis dans l’ombre à l’Office du Niger.
Le danger, c’est quand la direction de l’Office du Niger se fait complice de l’arnaque des terres dans la zone au détriment de pauvres paysans.
Le village de Sahou et de Sanan, victimes de la pratique, ressemble aujourd’hui à des fantômes, car il n’y a plus d’école et de centre de santé pour les populations. À Sanamandougou, des salles de classe de fortune ne reçoivent plus d’élèves. On dit que Modibo Kéita et ses affidés sont les responsables de la fermeture des classes. Pourtant il se dit ailleurs que le PDG de GDCM a fait construire des salles de classe pour les villages victimes. “Il n’en est rien. Modibo a plutôt rendu les villages malheureux à cause de son projet de culture de blé”, rétorque un exploitant victime de l’accaparement des terres.
Les villages ne demandent qu’à pouvoir jouir de leurs terres, héritage de leurs ancêtres. “Nous sommes fatigués, nous avons faim, Modibo GDCM et la direction de l’Office du Niger nous ont tués, ils ont assassiné notre espoir”, a déclaré le chef de village de Sanamandougou qui se plaint de la situation dans laquelle des centaines de ménages qui vivaient sur la terre de leurs ancêtres ont été mis au chômage à cause des agissements d’un opérateur dont les soutiens se cachent à la direction de l’Office du Niger.
“Notre malheur s’explique par le fait que des agents de l’Office ne résistent pas à la tentation de l’argent des magnats. Les plus sadiques soient-ils”, a dit un autre chef de village venu apporter son soutien à villageoise victimes.
Les villageois se coalisent contre le PDG de GDCM
2Les populations de Sanamadougou et Sahou dans l’arrondissement de Sansanding, cercle de Ségou, ne décolèrent pas contre le Président Directeur Général (PDG) du Grand Distributeur de Céréales au Mali (GDCM), M. Modibo Kéita, dans ses actions qualifiées par ses adversaires d’accaparement des terres en vue de réaliser son projet de culture de blé. Il n’y a pas longtemps, les populations s’étaient données rendez-vous dans le village de Sanamadougou pour fustiger les actions du PDG du GDCM à travers un grand rassemblement. “Les populations de Sanamadougou et de Sahou ont faim et même très faim à cause des agissements négatifs et anti-démocratiques de Modibo Kéïta, le nanti et des autorités régionales….”, ont dit les villageois venus répondre à ce grand rassemblement à Sanamadougou.
Selon les chefs des villages, le PDG Modibo Kéita a assassiné tout espoir dans les villages à cause d’un projet agro-industriel qu’il a réalisé sur des terres arrachées à de pauvres exploitants agricoles. “Nous nous battrons jusqu’à l’ultime sacrifice pour être en posession de nos terres…”, a martelé un autre chef de village qui ne comprend pas ce qui se passe à Sanamadougou et à Sahou.
Les participants à ce meeting, selon différentes sources, sont venus de Niono, Séribala, Sahou, Gomakoro, Soungo, Madina, Sabalibougou, Thin, Nielera, Ladji Wèrè, Welentiguila Bamanan, Tinegolola, Gomabougou….
Tous ces villages sont décidés à s’unir contre les actions de Modibo Kéïta qu’ils accusent d’accaparer leurs terres de culture.
Depuis 2009, les villageois mènent un bras de fer avec le patron de GDCM autour de l’accaparement des terres de culture à l’Office du Niger. Plus de 6.000 ménages sont menacés par la réalisation du projet de Modibo Kéita qui aurait investi des milliards de F CFA sur des terres faisant l’objet de contentieux. A l’époque, l’affaire avait fait un grand bruit avec la descente musclée des forces de l’ordre réquisitionnées par des hommes à la solde du richissime opérateur économique. On avait compté de nombreuses victimes dans cette opération. Dans le village de Sanamadougou, on avait déploré des morts, des blessés et des chefs de familles jetés en prison pendant plusieurs mois.
Actuellement, c’est parce qu’il n’y a plus de terre cultivable par les villageois qu’ils se sont concertés pour envisager la conduite à tenir. Les villageois, à travers ce dernier rassemblement à Sanamadougou, entendent faire une coalition contre le PDG de GDCM responsable, selon eux, de tous les malheurs qui frappent les pauvres paysans à l’Office du Niger.
“Nous sommes derrière la loi”, a déclaré le chef de village de Sahou, outré par le problème de l’accaparement des terres par l’opérateur économique Modibo Kéita avec la complicité de hauts cadres de l’administration malienne. Plusieurs ministères ont été saisis du dossier, même le Premier ministre.
De sources informées, le Premier ministre d’alors Moussa Mara voulait savoir plus sur cette affaire de terre qui met dos à dos un opérateur économique et des villageois.
Selon nos informations, l’opérateur économique Modibo Kéita, PDG du groupe GDCM, se serait accaparé de plusieurs centaines d’hectares de terre entre Sanamadougou et Sahou. Des plantations et des habitations ont été détruites. Lors du même rassemblement à Sanamadougou, les populations ont expliqué leur détermination à mener le combat dans l’union jusqu’à la victoire finale.
L’homme de tous les râteliers
Autrefois simple marchand de riz à Bamako, il est devenu un nabab de la production et de l’importation de céréales, à la tête entre autres des Moulins Modernes du Mali (M3), société créée en 2007 à Ségou, et de Grand distributeur céréalier du Mali (GDCM).
“Je n’ai jamais fait de politique, ce n’est pas mon travail. Je ne suis qu’un simple vendeur de riz qui travaille du matin au soir, et qui créé des emplois pour son pays. Mais bon… si certains hommes politique me sollicitent, on se voit et on discute”, a-t-il dit à un journal.
Son nom figure dans les documents SwissLeaks auxquels a eu accès « Le Monde » Afrique, provenant de HSBC Private Bank à Genève. “J’ai un compte bancaire à Paris, mais je n’ai jamais eu de comptes chez HSBC”, dit-il. Avant de se reprendre : “Il n’y a pas d’argent sur le compte en Suisse.”
L’ascension fulgurante de cet autodidacte de 47 ans, aujourd’hui milliardaire en francs Cfa, est en partie due à son entregent politique. Les présidents du Mali et leurs premiers cercles, il les observe, les apprivoise et les côtoie de longue date. Moussa Traoré, puis Amadou Toumani Touré, jusqu’à l’actuel chef de l’État Ibrahim Boubacar Keïta, tous ont eu à faire à cet homme d’affaires qui tire sa force de grains de riz, aliment de base au Mali. “Si tu tiens le cours du riz, tu tiens le Mali”, s’amuse un ancien Ministre qui a bien connu Modibo Keïta.
Lui et Gérard Achcar, l’autre géant de l’agroalimentaire au Mali, se regardent en chien de faïence. L’ironie veut que ces deux concurrents se retrouvent sans le savoir réunis dans les livres de HSBC Private Bank à Genève.
Ses débuts, Modibo Keïta les fait aux côtés d’un autre importateur de riz et de sucre, Bakoré Sylla. Entre Mopti et Bamako, au début des années 1990, ce redoutable négociant soninké initie Modibo Keïta aux arcanes du business et de la politique. Sylla tire parti de son quasi-monopole sur le riz et, pour le préserver, consacre un pan de sa richesse à la subvention de campagnes électorales.
Selon plusieurs sources, Sylla fut le grand argentier de la campagne d’Alpha Oumar Konaré, élu président en juin 1992. Dix ans plus tard, il fera l’erreur de miser sur la candidature du “super-Ministre d’État”, Soumaïla Cissé, pour succéder à Konaré.
De son côté, Modibo Keïta se serait rapproché de Lobbo Traoré pour apporter son soutien à son époux, Amadou Toumani Touré (ATT), qui remportera la présidentielle en juin 2002. “C’est son meilleur coup politico-affairiste, car Modibo Keïta va casser le monopole de son parrain Sylla, trop lié aux ennemis d’ATT, obtenir les marchés publics et s’imposer dans le paysage économique malien”, estime un observateur.
Modibo Keïta livre une autre version : “J’avais un magasin de riz plus important que Bakoré Sylla avec qui j’ai collaboré d’égal à égal. Je ne connais pas Lobbo Traoré. Quant à ATT, il m’est arrivé de lui livrer des informations sur l’état des récoltes, en tant que simple vendeur de riz.”
Pourtant, plusieurs sources expliquent que grâce à ses liens étroits avec ATT, Modibo Keïta va jouir sans retenue des exonérations de taxe sur l’importation de riz, faisant fi de la contrepartie de le revendre à bas-prix. Pareil sur le blé. “Il a des membres influents des douanes avec lui, le système est trop bien huilé. Avec sa fortune, il peut acheter tout le Mali”, soupire un fonctionnaire à Bamako. D’autres le soupçonnent d’exporter discrètement une partie de son riz importé ou produit sur ses terres.
“Deux millions de tonnes de riz ont été produites durant la saison 2012-2013. Or un million de tonnes suffit à couvrir les besoins du pays. Lui continue en plus d’importer du riz de Thaïlande. Où passe tout ce riz ? Officiellement, le Mali n’en exporte pas un grain”, poursuit le fonctionnaire. “J’importe le riz de Thaïlande, du Vietnam ou d’Inde car sinon, on meurt de faim”, balaie Modibo Keïta.
L’un de ses concurrents, Tomota Aliou, également très proche d’ATT en profite également. Lui aussi apparaît dans les documents SwissLeaks comme titulaire d’un compte à HSBC Genève. En notable habile, Modibo Keïta se montre à la grande mosquée de Bamako et rend visite aux familles de marabouts qui comptent.
L’argent n’est pas un souci. D’autant que jusqu’en 2011, la Libye de Mouammar Kadhafi, qui a contribué à financer la campagne d’ATT, déverse des millions de pétrodollars dans ce Mali cher au Guide libyen, dont la mère serait native de Tombouctou. Dans la “ville aux 333 saints”, le colonel Kadhafi s’est fait bâtir un palais où il aime célébrer la fête du Mouloud, la naissance du Prophète.
Dans le cadre du projet Malibya, lancé en 2004, Kadhafi le bienfaiteur se voit octroyer 100 000 hectares de terres arables dans la zone de l’Office du Niger. Modibo Keïta, lui, obtient en 2010 un bail sur 7.400 hectares de cette même cette zone irriguée. Et cela sans l’étude d’impact social et environnemental pourtant nécessaire.
“En théorie, les opérateurs économiques qui avaient les moyens d’aménager un terrain devaient s’adresser à l’office du Niger. En pratique, le gouvernement gérait directement les gros contrats, notamment avec Modibo Keita et Kadhafi”, confie un syndicaliste de la zone.
Depuis la chute de Kadhafi en 2011, les terres de Malibya sont à prendre, et Modibo Keïta admet en avoir récupéré certaines. Il dit disposer aujourd’hui de 20.000 hectares dans la zone Office du Niger, où il fait pousser du riz, du blé, du maïs, des oignons et de la pomme de terre. La zone est stratégique. “60% de la production agricole provient de l’Office du Niger, dont 40% de la production de riz”, selon un consultant. Mais cela ne lui suffit pas. Il veut s’étendre sur des champs jusque-là cultivés par des villageois de Sanamadougou, lesquels, avec le soutien de certaines Ong, tentent de s’y opposer en déposant plainte. “La terre, ça ne leur appartient pas, c’est la propriété de l’Etat”, lâche froidement Modibo Keïta.
“Je respecte son travail et il fait de bonnes choses au Mali, où il est un grand opérateur économique”, estime aujourd’hui Cheikh Banny Kanté, l’ancien représentant du fonds d’investissement Libyan African Portfolio au Mali.
Modibo Keïta continue donc son épopée entrepreneuriale tous azimuts. Il s’est rapproché de son député, Karim Keïta, également président de la Commission de la défense de l’Assemblée et accessoirement fils du président. En bon stratège, il parie sur la prochaine génération de leaders. De Bamako à Genève en passant par Paris, Modibo Kéïta gère sa fortune, ses affaires et ses précieux liens politiques.
Un dérangeur même à Bamako
Les voisins le murmurent à basse voix, les passants agacés font des injures. La petite route goudronnée qui rallie la station Shell au domicile de l’opérateur économique Modibo Keïta en passant devant la boîte de nuit « Mix Club » et le Rectorat de l’USTTB est totalement impraticable de nuit comme de jour. Et pour cause, les nombreux gros porteurs qui passent par cette route pour aller au magasin du richissime PDG de GDCM son prioritaire.
Après le feuilleton de l’office du Niger, Modibo Keita va-t-il s’attirer encore une fois les foudres de ses voisins et des usagers de la route jonchée par ses gros porteurs ? En attendant que les jours à venir nous édifient, la tension monte du côté des voisins et des usagers. En plus d’obstruer l’axe en question, les nuisances sonores et la dégradation des routes par les gros porteurs posent un désagrément terrible selon bon nombre d’usagers. Selon eux, cette partie de l’ACI est une zone résidentielle et non un marché. Situé entre la direction de l’enseignement technique et professionnelle et le Rectorat de l’USTTB le magasin du richissime Modibo Keita est la pomme de discorde. « Si tu n’a pas de considération pour les voisins dont tu pollues l’environnement, au moins pour ton propre respect et l’accessibilité à tes magasins, l’entretien de cette route t’incombe », a fulminé un riverain très remonté.
Etre riche donne t-il tous les droits ? De toutes les façons, les victimes ont promis de se faire entendre bientôt. Dors et déjà, la jeunesse des environs entend s’organiser pour mettre fin à cette situation à l’ACI. Quant on ajoute cela à la mauvaise qualité des produits agricoles (Pomme de terre et Ognons qui pourrissent à un rythme vertigineux contrairement aux produits similaire d’ailleurs), Modibo Keita est en passe de devenir l’ennemi N°1 des Maliens. A suivre dans nos prochaines parutions l’enquête complète sur la mafia instaurée autours des produits agricoles (pommes de terre) qui ont conduit à la faillite de plusieurs petits commerçants. A suivre également l’exclusivité des propos de certains voisins de l’ACI de Modibo Keita.
Yattara Ibrahim