Menaces sur la campagne agricole 2015-2016 : Des intrants de qualité douteuse sur le marché

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Il y a péril en la demeure quant à la réussite de la prochaine campagne agricole. C’est le moins que l’on puisse dire. Timac, une société italienne, fournisseur d’intrants agricoles au Mali, a en effet mis sur le marché des produits de qualité douteuse qui, non seulement compromettent de façon dangereuse la production nationale et la santé des agriculteurs, mais risquent de créer un manque à gagner au Trésor public.

C’est un vrai scandale que l’introduction d’intrants de qualité douteuse sur le marché malien par la société italienne Timac. Après le scandale des cautions techniques sur la base desquelles certains opérateurs économiques sans scrupule ont voulu casser du sucre sur le dos de l’Etat, à hauteur de plusieurs milliards de nos francs. Heureusement que le pot aux roses fut découvert à temps, voilà un autre scandale qui se profile à l’horizon, cette fois-ci avec des conséquences qui  pourraient être très fâcheuses.

En effet, pendant que les autorités remuent ciel et terre pour assurer une bonne campagne agricole en prenant des mesures idoines pour soulager les paysans, notamment la subvention du prix des intrants, malgré un contexte socio-économique très délétère, certains fournisseurs ayant bénéficié de ces marchés en ont profité pour introduire des intrants très nocifs pour la santé des paysans.

Ainsi, comme à l’accoutumée, à la veille de chaque campagne agricole, des appels d’offre sont lancés pour des quantités précises d’intrants répondant à des spécificités techniques bien déterminées. Et comme tous les ans, il y a des adjudicataires qui se croient plus malins que les autres et utilisent des subterfuges pour contourner les procédures dans le but de s’en mettre plein la poche au détriment de l’Etat, mais surtout de la campagne agricole. Cette année, certains bénéficiaires des appels d’offre se sont rabattus sur des produits de qualité pour le moins douteuse. Des soupçons de taille sont  portés par certains concurrents sur la qualité des produits de la société italienne Timac. Sur la base de ces intrants de mauvaise qualité, Timac Italie, à travers la Somadeco, se livrerait à une concurrence déloyale sur la base de prix très bas. Quand on sait qu’ils ont obtenu des tonnages conséquents, on imagine les bénéfices qu’ils engrangent.

La découverte de la boîte à pandore

Les autres sociétés adjudicataires, soucieuses de leur notoriété et sachant que la Somadeco fournit des intrants de qualité non recommandée à des prix défiant toute concurrence, se sont intéressées au processus de production de la société Timac. Elles ont commandité des analyses au près d’un laboratoire de renommée internationale, la SGS basée à Abidjan. Les résultats des analyses sont sans commentaires et confirment leurs soupçons.

En effet, la société italienne Timac fournit à la Somadeco des produits qui ne répondent nullement aux normes recommandées. D’où la faiblesse des prix proposés par la Somadeco.

Par exemple, pour la fourniture des intrants NPK et Npksb à la Cmdt au titre de la campagne

2015/2016. Quant à la qualité de granulation, Timac Italie ne produit pas de NPK à travers un processus d’acide phosphorique, comme le Maroc, la Russie ou l’Ukraine. Timac Italie utilise un processus de granulation à la vapeur, appelé «Steam Granulation», qui donne un produit dont les granules sont moins solides et plus facilement friables. Ceci est dû au caractère hétérogène des matières premières utilisées dans leur granulateur, sans ajout de lient chimique, juste par injection de vapeur pour faire tenir le mélange. Un simple test de crashage entre une tonne de NPK russe ou de DAP marocain et une tonne de NPK Timac permet de voir que les granules Timac sont faibles et voyagent mal. La solidité moyenne des granules Timac est de MPa (Kg/cm2) – 1.5-2.0, quand est de 3 MPa minimum pour les engrais chimiques utilisés dans le bulk blending ou en application direct par exemple.

Pire, pour ce qui est de la matière première utilisée comme source N, Timac utilise les sources de nitrogène les moins chères, comme l’Urée déclassée et impropre à la vente directe. Cette urée a souvent un niveau de Biuret élevé, qui peut s’avérer nocif pour les plantes si l’on dépasse certaines doses. Pour le Sulfate d’ammoniaque, Timac utilise du sulfate d’ammoniaque issu des aciéries ukrainiennes, dit «steel grade». Cette qualité de sulfate d’ammoniaque est la pire, car à teneur élevée en métaux lourds, tels que  le Cadmium, le Plomb, l’Arsenic, ou le Mercure, issus du processus industriel de production d’acier, dont c’est un déchet. Avec tous les effets négatifs sur la santé et la qualité des plantes que cela implique. Par opposition à cela, les principaux acteurs du marché maliens utilisent du sulfate d’ammoniaque Caprolactum, produit en usine à partir d’ammoniaque et d’acide sulfurique, procédé propre et apporte un produit léger en métaux lourds.

Aussi, pour le P205, la société Timac ne cherche pas loin, elle utilise un mélange composé d’une large partie de roche phosphatée égyptienne ou algérienne et de DAP déclassé et invendable en l’état. La roche phosphatée de ces deux pays se vend entre 100 et 120 dollars CFR Italie, pour une teneur autour de 29-30% P205, ce qui permet de baisser considérablement le coût de production.

La campagne agricole fortement menacée

Il est important de signaler qu’au regard des résultats des analyses du laboratoire SGS cités ci-dessus, il y a péril en la demeure si l’on sait que nombre des paysans préfèrent se procurer les intrants vendus par la société Somadeco à cause des prix très bas.

Les producteurs qui utilisent ces intrants compromettent gravement leurs récoltes qui ne seront certainement pas à hauteur des espérances. Mais aussi, le danger qu’ils font peser sur leur propre santé. Eux qui pensaient faire de bonnes affaires.  En dehors même de la concurrence déloyale à laquelle se livrent la société et son partenaire Timac Italie au détriment des 3 grandes unités productrices d’intrants: Sogefert, basée à Sikasso, Toguna à Bamako, et DPA à Ségou, il y a un grand risque de licenciement massif. Car ces unités industrielles emploient près de 600 personnes. Les conséquences de tels agissements sur la sécurité des emplois de ces personnes et sur le devenir de nos unités de production sont incommensurables.

D’autre part, des sources bien introduites rapportent que la société, dirigée par N’fa Simpara, utiliserait des subterfuges pour contourner les services de douanes. Elle ne paierait pas les droits et taxes au cordon douanier. Comme technique, elle ferait passer le produit fini qui devrait être taxé à 7,5% pour de la matière première dont la base taxable n’est que de 2,5%. Par ces tours de passe-passe, ils volent ainsi les douanes à hauteur des centaines de millions de nos francs. Ce qui fait perdre des ressources importantes aux douanes maliennes et constitue un manque à gagner important pour le Trésor public, surtout en ces temps de disette. Il est urgent que les autorités compétentes prennent leurs responsabilités face à cette situation qui risque de compromettre tous les efforts qu’elles ne cessent de déployer pour assurer à notre pays une souveraineté alimentaire. Si rien n’est fait, les conséquences qui suivront risquent de faire du problème du nord le cadet de leurs soucis. D’ores et déjà, les sociétés adjudicataires ont pris leurs responsabilités face à cette situation de concurrence déloyale en saisissant l’Organisation patronale des industries. Il reste à l’Etat de prendre les siennes. Une chose est sûre, c’est qu’il y a péril en la demeure. Affaire à suivre.

Harber MAIGA 

 

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