Lancement de la campagne agricole à Molodo : Et si l’on changeait d’habitudes alimentaires ?

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Tandis que le ciel se fait encore prier pour ouvrir ses vannes d’eau et asseoir pour de bon l’hivernage  2011-2012, à Molodo, dans la zone Office du Niger où la production n’est pas directement liée à la pluviométrie du moment, le ministre délégué auprès du Premier ministre, Abou Sow, procédait au lancement de la prochaine campagne agricole. Mais les réalités soutiennent-ils les espoirs ?

 Avec 630. 000 tonnes de riz paddy produits au cours de la précédente campagne sur 100 000 hectares de terres aménagées, l’Office du Niger a émergé comme la solution à l’autosuffisance alimentaire, surtout avec le projet pharaonique du Millenium Challenge Account  financé par les Américains, qui prévoit d’accroître à près  de 150 000 hectares les surfaces cultivables. Jamais donc le rêve ne s’est approché de si près de la réalité : un Mali sans famine ni disette, c’est désormais possible. Mais la politique des grands barrages au profit de la mono- culture rizicole sur de grands espaces aménagés dans un pays semi désertique est elle réaliste ?

ATT avec un cœur de lion veut changer le destin agricole d’un pays semi désertique.

C’est tout à l’honneur du Président Amadou Toumani Touré d’avoir, en si peu de temps, montré par la pratique que l’on pouvait changer le visage de l’agriculture malienne. C’est la preuve que sur des dossiers comme celui-là, le président de la République est un homme d’action. On imagine ATT révolté, comme beaucoup de nos compatriotes, par les famines récurrentes de l’époque du général Moussa Traoré où on a du appeler au secours la communauté internationale pour éviter des catastrophes humanitaires. Et en voilà donc un qui, une fois en position de décideur, a voulu prendre le taureau par les cornes et éviter que pour le ventre, on ne tende plus jamais la sébile. Pendant plus de 30 ans, on a, en effet, tourné en rond alors que le colonisateur français, dans les années 1930-40, voyait déjà en l’Office du Niger le grenier de l’Afrique de l’Ouest. En engageant des travaux pharaoniques d’aménagement de nouvelles terres, la nouvelle politique agricole a sans doute ouvert des perspectives de développement pour notre pays. Et si ATT rêve d’agro- industrie à partir des chantiers de l’Office du Niger comme ceux de Sélingué, il a parfaitement raison en ce que, dans les deux cas, les conditions sont réunies. Reste qu’il faut penser cette politique de l’agro- industrielle indépendamment de tout ce que l’on est en train de faire maintenant. Mais, pour avoir voulu mettre en œuvre seulement en 2000 ce que qu’on aurait dû faire 50 ans plus tôt, on s’est forcément trompé d’époque.

La pluviométrie ne suit pas et il faut le comprendre maintenant

En effet, les prévisions optimistes du colon français en phase avec les conditions climatiques de l’époque datent déjà d’un demi siècle. Entre temps, la pluviométrie est allée se détériorant, année après année, et le fleuve Niger, par endroits en période d’étiage, n’est qu’un filet d’eau qu’hommes et bêtes traversent allègrement à pied. Les changements climatiques sont, depuis longtemps, sortis de l’ordre de la simple alerte d’intellectuels spécialisés dans l’environnement à des réalités beaucoup plus angoissantes où, par exemple, la saison pluvieuse dure désormais trois mois au lieu de six, voire sept  mois il y a quarante ans. Il est vrai, par ailleurs, que des recherches tous azimuts sont menées un peu partout pour adapter le riz réputé légumineuse grande consommatrice d’eau à une herbe plus adaptée aux zones arides. Mais, quoiqu’on fasse, la culture du riz s’accompagne toujours d’une déforestation massive, le riz ayant besoin de soleil et ne peut donc croître à l’ombre d’une autre plante. Les pays asiatiques, dont certains comme la Thaïlande qui ont bâti leurs économies sur la culture du riz, commencent à subir les conséquences de la baisse par endroits du niveau du fleuve Mékong et on sait que dans le moyen terme, ces pays devront réajuster leurs politiques agricoles.

Il faut retourner à d’autres habitudes alimentaires
 
Nous avons bien conscience de prêcher dans le désert en proposant l’impossible, à savoir le changement d’habitudes alimentaires. Si on ne le fait pas aujourd’hui, demain on y sera contraint par les réalités. Les raisons sont nombreuses. On en citera seulement deux.
Premièrement, la culture du riz détruit la nature comme en témoigne les plaines rizicoles qui peuvent s’étendre sur des centaines et des centaines d’hectares sur des terrains déboisés à cet effet, contrairement aux autres cultures qui s’accommodent d’une végétation quasi normale d’arbres de toute nature. Deuxièmement, l’usage massif de l’eau à des fins d’irrigation couplé à la baisse de la pluviométrie assèche les cours d’eau qui, ainsi, se meurent à petit feu comme c’est le cas déjà pour le Niger.
Housseyni Barry

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