Depuis l’avènement de la démocratie dans notre pays, le secteur de l’agriculture est devenu la vache laitière des hommes politiques qui se servent de ses fonds à satiété dans l’impunité la plus totale. Après la gestion désastreuse des 17 milliards de F CFA dans l’achat d’engrais pour la campagne agricole 2022-2023, dont aucun audit n’est tombé encore pour sanctionner les responsables de ce crime contre les paysans, le gouvernement vient de décider de l’importation et de l’utilisation des pesticides au titre exceptionnel de la campagne agricole 2023-2024.
Au Mali, le ministère du Développement rural, chargé d’assurer l’autosuffisante alimentaire aux Maliens, n’est qu’une coquille vide. Il n’est jamais parvenu, depuis l’arrivée au pouvoir des loups déguisés en agneaux, à être le véritable levier du développement économique de notre pays. Et cela, malgré les énormes potentialités agricoles dont dispose le Mali pour relever le défi du bien-être de sa population. Mais, là où ce département excelle et dont il est connu de tous, ce sont les affaires sulfureuses de surfacturations des intrants agricoles destinés aux pauvres paysans qui récoltent chaque année la mauvaise gestion des agents véreux de l’État et leurs complices qui raflent les subventions au détriment des vrais acteurs du secteur.
La nouvelle est tombée dans la nuit du vendredi 14 avril 2023. Le Conseil des ministres a adopté un projet de décret relatif à l’importation et à l’utilisation des pesticides à titre exceptionnel pour la campagne agricole 2023-2024. Le communiqué nous apprend que la campagne cotonnière 2022-2023 a été marquée par une invasion massive d’insectes nuisibles appelés jassides sur les champs de toutes les filiales cotonnières des zones CMDT (Compagnie malienne pour le Développement des textiles) et OHVN (Office de la Haute vallée du Niger), où des dégâts importants ont été enregistrés principalement sur le coton et d’autres cultures.
L’analyse des échantillons de jassides collectés a montré la présence de plusieurs espèces nuisibles aux cultures. Pour lutter contre ces espèces nuisibles, les chercheurs du Programme régional de production intégrée du coton en Afrique (PR-PICA) ont proposé de nouvelles matières actives. Le projet de décret est adopté en vue de permettre, à titre exceptionnel, l’importation et l’utilisation de ces matières pour la campagne agricole 2023-2024. Tout cela est beau, si c’est pour sauver l’année agricole afin que les paysans puissent respirer et donner le meilleur d’eux- mêmes pour l’atteinte de l’autosuffisante alimentaire. Mais, malheureusement, il s’agit d’une autre entourloupe qui ne dit pas son nom.
Même si le montant n’a pas encore été dévoilé, il sera question de milliards qui sortiront des caisses de l’État pour le marché des pesticides et dont l’attribution se ferait comme d’habitude : la mafia au premier plan. Elle va bénéficier de l’achat des pesticides avec la complicité des cadres de l’administration avant qu’ils se partagent l’argent sur le dos du pauvre paysan.
Certes, l’importation et l’utilisation des pesticides sont décidées par le gouvernement, mais la qualité et la marque de ce produit restent inconnues du grand public. Et, c’est là que se joue la grande escroquerie. Elle consiste toujours à inonder les zones agricoles des produits de mauvaise qualité, achetés à vil prix et surfacturés à prix d’or ou se procurer des produits qui ne sont plus utilisés dans les pays d’importation, mais qui cherchent quelqu’un qui peut débarrasser leurs magasins des intrants nocifs. Comme ce fut l’affaire des engrais ‘‘frelatés’’ en 2015 dont une des conséquences a été la baisse de la production agricole et l’endettement des paysans.
Pourtant, l’espoir était né avec le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, qui avait donné l’assurance à ses compatriotes quant à l’utilisation judicieuse des fonds de l’État. Malheureusement, l’espoir a été de courte durée. La lumière n’est pas encore faite sur les 17 milliards de FCFA de la campagne agricole 2022-2023. Les responsables de crime se la coulent douce, alors que les paysans désespérément croulent sous le poids de la dette. Il était bon au lieu de décider d’une autre entourloupe en vue de tirer cette affaire au clair avant de lancer un autre marché à coût de milliards de nos francs qui vont tomber dans les poches de la mafia qui bénéficie de toutes les subventions, laissant sur le quai les vrais acteurs du monde agricole.
Le monde rural de scandale en scandale
Trop, c’est trop ! Depuis l’avènement de la démocratie dans notre pays en 1991, le monde agricole est devenu la vache laitière des hommes politiques. Au lieu qu’il serve de moteur de développement pour notre pays, il est cloué au sol par des affaires de détournements des fonds devant apporter de l’assistance aux agriculteurs maliens. Le régime de l’ADEMA-PASJ (Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice), incarné par le président Alpha Oumar Konaré, est le premier à casser le monopole détenu par la Compagnie malienne pour le développement textile (CMDT) de l’achat des intrants agricoles. Bonjour les dégâts ! La libéralisation prônée par le président Konaré s’est révélé un cauchemar chez les paysans et une aubaine pour les hommes politiques du pouvoir en place.
À la fin des années 1990, éclate le plus grand scandale du siècle à la CMDT. Les surfacturations se sont élevées à coût de milliards de F CFA. Dans les rapports de contrôle, les Bic de 75 F CFA étaient facturés à 1000 F CFA, des blocs-notes de 750 F CFA à 5000 F CFA, etc. les secousses de l’affaire CMDT ont été ressenties dans la cour de l’ORTM. Que dire des factures de la fête du coton en 1998 à Kola (Dioïla) ? Ébahi par ces pratiques des ‘‘démocrates’’, le peuple s’attendait à des sanctions contre les responsables des malversations. Malheureusement pour lui, l’affaire CMDT s’est terminée en queue de poisson. Et les délinquants financiers sont toujours au-devant de la scène politique en train de narguer les Maliens par l’argent qu’ils sont malhonnêtement pris dans le Trésor public.
En 2015, un scandale éclate dans le monde agricole. Il s’agit de l’affaire dite des engrais ‘‘frelatés’’. Les 65 milliards de FCFA destinés à l’achat des intrants agricoles sont partis en fumée. Les paysans ont pris leur mal en patience. Et les hommes à la tête de l’affaire n’ont jamais été inquiétés. Impunité oblige ! Ils ont bénéficié de la couverture de leur parti au pouvoir, le Rassemblement pour le Mali (RPM).
En 2022. Coup de théâtre. La ratification de la transition est au cœur d’un scandale de 17 milliards de F CFA. L’achat d’engrais a encore tourné au vinaigre pour les pauvres paysans. Le marché des intrants a été attribué à des néophytes, mais des hommes proches du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), le parti du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga.
À y regarder de près, tous ces scandales ont servi la cause des hommes politiques. L’argent issu de ce banditisme se sert à constituer un clan de riches malhonnêtes. Avant qu’un autre scandale éclate autour de l’importation et de l’utilisation des pesticides, il serait bon de secouer le cocotier en auditant l’affaire des 17 milliards de FCFA de l’année dernière et de transmettre aussi les autres dossiers de surfacturations du monde agricole à la justice.
Yoro SOW