Pour juguler la crise de la farine et du pain, deux gros importateurs et un producteur de farine ont accepté de voler au secours de l’Etat. Ils ont subventionné de leurs poches 6000 tonnes de farine pour 300 millions de F CFA. Mais pour quel intérêt ?
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Le ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Commerce, incapable d’accorder ses violons avec le Cadre de concertation de la filière, pain (CCFP) pour une diminution de prix du pain, a demandé le soutien des opérateurs économiques. Ceux-ci ont accepté de mettre la main à la poche.
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L’accord signé entre les Grands moulins du Mali (GMM), Grand grenier du bonheur (GGB) et Grand distributeur céréalier du Mali (GDCM) et le Cadre de concertation de la filière pain (CCFP), dans la nuit de mercredi à jeudi 22 novembre 2007, porte sur la subvention de 6000 tonnes de farine. Le coût de l’opération est de 300 millions de nos francs pendant un mois (du 15 novembre au 15 décembre 2007). Les trois sociétés versent, chacune, sur fonds propres, la bagatelle de 100 millions de F CFA. La farine subventionnée sera distribuée par GGB à raison de 17 500 F CFA au lieu de 20 000 F.
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A première vue, la subvention de 6000 tonnes de farine par GMM, GGB et GDCM paraît salutaire. Elle survient à un moment où l’augmentation du prix du pain avait atteint des seuils inquiétants. La baguette avait grimpé de 125 à 150 F CFA et le gros pain de 250 à 300 F CFA avec une diminution de poids en sus. Des associations de consommateurs avaient crié au scandale en demandant le boycott de cette denrée de première nécessité. L’UNTM avait elle aussi dénoncé la trahison des pouvoirs publics. Il a fallu de peu pour déclencher les émeutes du pain.
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Le Mali à l’envers
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Le geste salutaire de ces opérateurs économiques suscite pourtant bien d’interrogations. Bien de gens se demandent si nous sommes dans un Mali qui marche à rebours d’autant plus que, pendant ces cinq dernières années, le monde des affaires malien a défrayé la chronique par les scandales des exonérations.
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Il faut dire que l’exonération est une faveur accordée à un commerçant, selon la bonne discrétion du ministre des Finances après un avis favorable de la direction nationale du commerce et de la concurrence, en vue d’importer des biens de consommations pour pallier une situation conjoncturelle. Certains en ont même fait leur chasse gardée et des exonérations continuent d’être distribuées à tour de bras. Même des non-commerçants en bénéficient pour les revendre ensuite aux plus nantis.
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C’est l’Etat qui a l’habitude de donner. C’est son tour d’être servi. Tout cela se résume à un rapport d’intérêt, un jeu de « donnant-donnant ». Dans cette situation, l’Etat a tout à perdre. Le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Commerce, Mme Bah Néné Sy, qui croyait ainsi sauver sa tête met le doigt dans un engrenage et tout un Etat avec elle.
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La main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit, dit l’adage. Est bien naïf celui qui croit qu’un individu, de surcroît un commerçant, accepte de débourser rubis sur l’ongle, la somme de 100 millions de F CFA pour les beaux yeux d’un Etat.
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Abdrahamane Dicko
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