L’exode des jeunes ruraux vers les placers et la vente des engrais par les paysans sont les défis majeurs posés à la Filiale Ouest.
La délégation conduite par le président directeur général de la Holding Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT), Kalfa Sanogo, a visité mercredi dernier le marché de coton de Siguimela, un village situé à 32 kilomètres de Kassaro, dans la zone d’intervention de la Filiale Ouest de Kita.
Il faut rappeler que la zone de Kita est la dernière née de la CMDT. C’est une ONG qui y avait expérimenté en 1992/93 la culture du coton pour pallier les pertes de revenus occasionnées chez les paysans de cette zone par la culture de l’arachide. En effet, avant de connaître son déclin, cette légumineuse faisait jadis la renommée de la contrée, mais l’abandon de sa culture par les paysans à cause des méventes à répétition avait ruiné bien des ménages. La situation était désespérée lorsque le coton est introduit et vulgarisé à grande échelle comme une culture permettant aux paysans d’engranger des revenus plus substantiels. La direction régionale de la CMDT, zone de Kita, fut créée en 1995 avant d’être érigée en Filiale Ouest en 2010.
Globalement la Filiale Ouest, selon l’administrateur général Modibo Tangara s’attend à une production de coton graine de l’ordre de 35.200 tonnes avec un rendement moyen de 915 kg à l’hectare. La production céréalière de la Filiale est de 104.382 tonnes (mil, sorgho et maïs). A l’échelle de la Filiale, l’autosuffisance alimentaire est assurée sauf pour les zones de Djidan et Kita. Il se dégage même un léger excédent céréalier de l’ordre de 8.947 tonnes, a expliqué Modibo Tangara.
La Filiale Ouest encadre plus de 20.000 exploitations paysannes dont le village de Siguimela fait partie. Le coton occupait dans cette zone 42 % des superficies cultivées en 2012 avant de descendre à 39 % en 2013. Le rendement était assez faible en 2011, soit 865 kg à l’hectare avant de remonter au cours des deux dernières campagnes pour s’établir à 1,3 tonne en 2012 et 1,031 tonne en 2013, selon les données fournies par les paysans. Mais la moyenne des producteurs n’atteint guère la tonne par hectare. Cela n’est pas surprenant pour la mission qui a appris que la vente des engrais déposés par la CMDT est en passe de devenir une règle dans cette zone.
Du coton non récolté. Cette pratique, maintes fois dénoncée, continue de plus belle. Le chef secteur de la zone l’a mentionné dans son rapport d’activités comme une des contraintes de la faible productivité de la zone d’intervention. Malgré les campagnes d’information et de sensibilisation, des paysans continuent toujours à vendre sur le marché local une partie des engrais déposés pour leurs champs.
Le président de l’Union nationale des sociétés coopératives de producteurs de coton (UNSCPC), Bakary Togola, a vigoureusement dénoncé la pratique. Il a appelé les contrevenants à se ressaisir pour ne pas décourager la nation qui fait depuis quelques années et malgré toutes les difficultés financières rencontrées, des efforts pour subventionner les intrants agricoles notamment les engrais à 12.500 Fcfa le sac de 50 kg. Cet effort de la nation est fait pour soulager le paysan des charges incompressibles de l’exploitation afin d’améliorer la productivité agricole, a rappelé Bakary Togola.
Un autre défi de taille se pose dans cette zone avec le départ massif des jeunes ruraux vers les sites d’orpaillage traditionnel. Cet exode provoque des dégâts que la délégation a constatés au cours de son passage en observant les champs de coton non récoltés. Ainsi, depuis le début de cette mission de supervision de la campagne de commercialisation et d’égrenage, c’est seulement dans la zone de Kita que la délégation a pu apercevoir des champs non récoltés. Ailleurs, dans toutes les autres filiales, les principales activités en cours sont la commercialisation et le transport du coton graine aux usines d’égrenage. Le retard considérable de Filiale Ouest est imputé par les responsables paysans et l’encadrement, au fait que les jeunes sont presque tous partis sur les sites d’orpaillage traditionnel à la recherche d’or, abandonnant les champs aux animaux en divagation et à ceux en transhumance.
Parmi les difficultés rencontrées dans la production agricole de façon générale et la culture du coton en particulier, l’administrateur général de la Filiale Ouest, Modibo Tangara, a insisté sur le péril que font peser les départs massifs vers les sites d’orpaillage traditionnel de la main d’œuvre locale. Cette situation est identique pour toutes les zones de production agricole qui jouxtent les sites d’orpaillage traditionnel. Les responsables des structures d’encadrement ont régulièrement tiré la sonnette d’alarme sur ce problème qui compromet la production agricole sans pour autant trouver une solution idoine à ce péril.
Revenus substantiels. Le manque de main d’œuvre locale se ressent sur la qualité de récolte du coton. Les quelques rares jeunes restés au village récoltent le coton avec beaucoup de résidus qui contribuent à altérer sa qualité. Or la qualité du coton est le crédo de la CMDT dans toutes ses zones d’intervention et fait l’objet de frictions entre encadrement et paysans. Ces derniers, en raison du prix rémunérateur qui est fixé à 250 Fcfa le kilogramme de coton de premier choix, veulent que toute leur production soit classée comme telle. Le classement du coton en premier choix requiert des dispositions que le paysan doit observer sur tout le processus de production (entretiens culturaux, récolte, stockage et transport sur l’aire de commercialisation). Cela n’est pas souvent le cas avec des producteurs qui tiennent pourtant à accéder au meilleur classement.
Et pour cause, le coton se révèle être une source de revenus substantiels pour les paysans de cette zone. Notamment à Siguimela où le secrétaire de la coopérative de producteurs a révélé qu’au cours de la campagne 2012-2013, le coton a rapporté 103.692.967 Fcfa de revenus nets aux paysans. En 2013, la fibre a rapporté un peu moins à savoir 66,829 millions Fcfa après déduction de toutes les créances. Un autre signe encourageant est le paiement intégral par les paysans de cette zone de toutes les créances contractées. En effet, ils sont à 100% de remboursement de leurs créances, soit 46,8 millions Fcfa en 2012 et 36,918 millions Fcfa en 2013.
Le PDG de la CMDT, Kalfa Sanogo, a salué cette attitude et rappelé que la société s’endette chaque année auprès du pool bancaire pour pouvoir payer le coton aux producteurs. Il a exhorté chaque partie à respecter les règles du jeu qui consistent pour les paysans à payer à terme échu toutes les dettes contractées pour permettre à la société de renforcer son capital de crédibilité auprès des banques qui lui font confiance.
La visite de la Filiale ouest s’est achevée par l’unité d’égrenage de coton de Kita la seule qui dessert la zone. Là, le personnel, comme ailleurs, est occupé à surveiller tout le processus de production des fibres de coton soigneusement emballées. Le ballet incessant des bennes chargeuses de coton graine, des engins de manutention qui déposent ou embarquent les balles de fibres sur d’autres véhicules et des remorques venues charger la graine de coton pour satisfaire les commandes des huileries, fait le quotidien des unités d’égrenage.
M. COULIBALY