Créé par le gouvernement avec l’appui technique et financier de la Banque mondiale, le PCDA entend booster le secteur rural grâce à la création d’un environnement propice à l’émergence de l’entreprenariat agricole. Et ça marche.
La dixième mission conjointe d’appui technique composée des représentants du gouvernement, conduite par le coordinateur de l’Unité de coordination du Programme de compétitivité et de diversification agricole (UCP-PCDA), le Dr Gagny Timbo, et la représentation nationale de la Banque mondiale à Bamako, conduite par la chargée du programme PCDA, Mme Sangho Yayandé Kassé, appuyée par une équipe d’experts de Bamako et de Washington, a bouclé mercredi une longue visite de terrain qui l’a conduite dans les zones d’intervention du PCDA. Cette tournée a débuté par les exploitations installées dans la périphérie de la capitale. Celles-ci relèvent de la coordination régionale du PCDA de Koulikoro.
La mission s’est poursuivie à Ségou, Mopti pour se terminer à Sikasso, la semaine dernière. Elle intervient à un moment où le programme tire vers sa fin. Si la clôture du PCDA, a rappelé son coordinateur Gagny Timbo, est prévue pour décembre 2012, les bénéficiaires ont, eux, souhaité une prolongation du programme pour leur permettre de mieux assimiler les enseignements prodigués. Le PCDA a été créé en 2006 par le gouvernement avec l’appui technique et financier de la Banque mondiale dans le but de booster le secteur rural grâce à la création d’un environnement propice à l’émergence de l’entreprenariat agricole au Mali. A mi-chemin de sa clôture, plusieurs exploitations managées par les experts du programme, sont en train de s’installer dans le secteur aussi bien dans la périphérie de la capitale qu’à l’intérieur du pays. Ce sont des plantations commerciales de papayes, de mangues et des parcs d’embouche bovine. Les produits qui sortent sont exclusivement destinés au marché. Sékou Diarra, homme d’affaires reconverti en exploitant agricole, explique ainsi qu’une saison de sous-culture de melon lui rapporte environ 4,5 millions de Fcfa pour un investissement de 450 000 Fcfa. Cela s’appelle de l’agrobusiness. Cette démarche innovante qu’on appelle aussi entreprenariat agricole se démarque totalement de l’agriculture de subsistance. Grâce à l’accompagnement du PCDA, cette activité commence à faire du chemin dans notre pays. Durant sept jours, les missionnaires ont parcouru toutes les exploitations agricoles et d’embouche bovine encadrées par le PCDA dans les quatre régions. Ils ont mesuré la détermination des exploitants rencontrés sur leur domaine à relever le défi du changement qu’ils se sont imposés. Ils ont discuté avec eux de l’évolution de leurs exploitations, de leurs appréhensions ainsi que de leurs espoirs quand aux retombées du projet. Le constat global est plutôt encourageant. A Koulikoro, la mission s’est rendue dans les centres de démonstration, de diffusion et de prestation (CDDP) entretenus par des éléments de la coordination régionale du PCDA Bamako/Koulikoro à Sotuba, à Faladié, sur la route de l’aéroport. Le premier comprend des exploitations expérimentales de banane plantain, de papaye et de mangue. Objectif : étudier les options optimales pour rentabiliser une exploitation commerciale. Pour ce faire, les experts expérimentent les différentes techniques d’irrigation et les nouvelles variétés de spéculations introduites dans notre pays par le PCDA. Il s’agit par exemple de la papaye solo importée de Côte d’Ivoire. Ils expérimentent aussi de nouveaux matériels d’irrigation de technologie israélienne. Le CDDP qui se trouve sur la station de conditionnement de la mangue au Plazza à Faladié travaille sur la culture mixte : papaye et mangue. Au sortir de ses deux champs d’expérimentation, les responsables de la Banque mondiale venus de Washington et leurs partenaires étaient suffisamment briefés pour s’entretenir avec les promoteurs des sous projets.
LE GOUTTE A GOUTTE. Tout a commencé par les centres de démonstration, de diffusion et de prestation. Les CDDP, expliquent les responsables du PCDA, sont la première génération des projets développés par le programme. L’objectif recherché au départ par le gouvernement en mettant en place le PCDA, était de contribuer à l’émergence de l’entreprenariat privé dans le secteur agricole. Ce qui n’était possible qu’en valorisant les spéculations et certaines activités culturales jusque-là considérées comme secondaires, notamment les filières échalote et mangue et la production laitière.
La valorisation a également consisté à introduire de nouvelles variétés de semence de papaye (solo) pour améliorer la variété locale. Cette innovation a été accompagnée par la diffusion d’une nouvelle technique d’irrigation : le système de goutte à goutte. Il permet de réaliser des économies substantielles sur le coût de production et d’accroître la rentabilité de l’exploitation. Ce système préserve l’exploitant du gaspillage de l’eau en fournissant à la plante la quantité juste nécessaire à sa croissance. Amadou Sidibé, architecte de métier mais passionné de la terre, sert aujourd’hui d’exploitant modèle dans la culture de la papaye, de l’échalote et du melon. Il fait partie de la race d’entrepreneur témoin qu’ambitionne d’installer le PCDA à travers le pays. Amadou Sidibé possède déjà une solide expérience dans la culture de la papaye. Il est propriétaire d’une première exploitation à Samaya. C’est fort de cette expérience que le PCDA a décidé d’accompagner ce pionnier de l’agrobusiness dans un projet de développement de la culture de tomate sous serre, une première dans notre pays et dans la sous-région. Le projet consiste à aménager une superficie de 5 563 m 2 entièrement couverte de serre et accessoires pour la culture de tomate hors sol dans le village de Katibougou, dans la commune rurale du Mandé.
La subvention du PCDA porte sur la fourniture et la pose de la serre et du réseau d’irrigation de goute à goute pour 25 millions de Fcfa, soit 20,5% du coût total du budget, qui s’élève à environ 129 millions de Fcfa. Le promoteur devra lui aussi apporter un équivalent d’environ 24,3 millions de Fcfa en matériels d’irrigation. La Banque malienne de solidarité (BMS-SA) soutient le projet à hauteur d’environ 72 millions de Fcfa entièrement consacrés à la fourniture de matériels d’irrigation de dernière génération. Il s’agit du système cool-net, le système de drainage pour eau d’irrigation, les sacs de « cultivation Coco » pour légume, les circulations d’air, le système électrique, le palissage de suspension tomate + support de souches, les outils design et supervision, l’écran thermique, le système de contrôle du climat et les pièces d’irrigation et réservoirs d’eau. A ce jour toute la tuyauterie est installée, il ne reste plus qu’à installer la serre. Mais d’ici là Amadou Sidibé consacre les terres aménagées à la culture du papayer et de l’échalote. Sur cette terre de papayer, le chercheur autodidacte effectue lui-même sa sélection de variétés hybrides de papayer solo, dont la semence mère est importée des Etats-Unis. Selon Amadou Sidibé, les fruits hybrides sont très prisés sur le marché. D’où son intérêt à maximiser sa production de variétés hybrides. Les autres exploitations visitées par la mission n’atteignent certes pas la taille de la ferme de Amadou Sidibé, mais chacune d’elle constitue une expérience réussie à part entière. Au delà de l’intérêt technologique introduite dans la technique agricole au Mali, elle permettra probablement de créer une nouvelle forme d’organisation du travail dans le milieu rural avec l’émergence de l’emploi salarié. Amadou Sidibé et ses homologues fermiers modernes emploient, en effet, dans leurs exploitations des dizaines d’ouvriers agricoles.
mardi 4 octobre 2011