Les paysans maliens tirent toujours le diable par la queue malgré les atouts et les chiffres annoncés sur la croissance du secteur par les spécialistes. Tandis que l’agroalimentaire est sur le point d’exploser en Afrique, les producteurs maliens sont loin de sortir de l’agriculture de survie et des expériences d’industrialisation ont paradoxalement tourné court.
Pourtant, au Mali, des chercheurs travaillent à mettre au point de nouvelles semences, de sorgho notamment, mieux adaptées aux conditions des différentes régions. Les paysans sont intéressés, mais encore faut-il que la pauvreté ne freine pas la diffusion de ces semences.
Le contexte économique est favorable en tout cas: l’Afrique est actuellement en voie d’expansion et offre de plus en plus de possibilités lucratives aux entreprises locales, et ceci en raison de la croissance économique régulière du continent, de l’augmentation des revenus disponibles et d’une plus grande confiance des consommateurs.
Charles Brewer, directeur général de DHL Express en Afrique subsaharienne indique que l’agroalimentaire est un secteur qui connaît une croissance particulièrement marquée en Afrique. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’il englobe l’ensemble de la chaîne de valeur depuis la production agricole en passant par la transformation secondaire, la distribution et la vente au consommateur final (concept de « la fourche à la fourchette »). « Le secteur de la vente au détail est en train d’exploser en Afrique, de même que la population et la classe moyenne en Afrique. Comme conséquence de ce développement, nous constatons une augmentation à la fois des ressources disponibles et de la demande de produits agricoles et de denrées alimentaires transformées de bonne qualité, plus élevée que jamais ».
Il attire l’attention sur le récent rapport de la Banque mondiale intitulé « L’Afrique en croissance : libérer le potentiel de l’agroalimentaire» qui montre que les agriculteurs et les entreprises agroalimentaires d’Afrique pourraient générer un marché alimentaire d’un billion de dollars à l’horizon 2030 – un triplement de sa capacité actuelle qui est estimée à 313 milliards de dollars.
« Cette croissance attendue met en lumière le marché grandissant ainsi que les nombreuses opportunités qui s’offrent aux entreprises agroalimentaires et aux acteurs principaux de la chaîne de valeur associés à l’expansion de l’Afrique », indique Brewer.
Selon Hennie van der Merwe, PDG de l’Agribusiness Development Corporation (ADC), basée en Afrique du Sud, l’Afrique offre de nouvelles perspectives de marché aux entreprises agroalimentaires du fait de l’augmentation de son pouvoir d’achat, de sa demande de biens et de ses ressources terrestres non exploitées.
«L ‘Afrique connaît actuellement un regain dans le domaine de l’agroalimentaire, qui permettra non seulement d’accroître son autosuffisance alimentaire, mais également de créer des emplois et de stimuler son activité économique, notamment dans les zones rurales », ajoute Hennie van der Merwe.
Dans le contexte actuel, l’Afrique offre des prévisions de croissance en constante mais elle manque souvent de l’expertise qui permettrait de libérer le potentiel commercial de ses ressources agricoles, alors que l’Afrique du Sud est reconnue pour ses compétences dans le secteur de l’agriculture commerciale et de l’agroalimentaire.
L’une des plus grandes limites du développement de l’industrie agroalimentaire en Afrique, ce sont les contraintes en termes de capacités et de compétences humaines. «La capacité et l’expérience nécessaires au développement et à la gestion des entreprises de l’agriculture commerciale et de l’agroalimentaire font grandement défaut aux industries africaines. Ce transfert des technologies et ce renforcement des capacités seraient nécessaires pour y parvenir », a ajouté Van der Merwe
Deli Coco est mort
Selon lui, il s’agit là d’une occasion à saisir par les entreprises et pour les agriculteurs locaux souhaitant étendre leur activité à l’extérieur des frontières de la région et apporter leur expertise aux pays voisins. Au Mali, cela pourrait prendre du temps car les premières expériences ont tourné court, comme celle de Delis Coco, un biscuit à base de sorgho.
Basé à Bamako, l’entreprise qui produisait ce biscuit bien apprécié des consommateurs a fait faillite il y a près d’une dizaine d’année. Selon des chercheurs de l’IER, les paysans auraient pu avoir une source supplémentaire de revenu si l’Etat avait soutenu la valorisation du sorgho dont de nouvelles variétés peuvent remplacer le blé.
Ce qui a manqué aux Maliens, c’est probablement des partenariats. Et, aux investisseurs, Van der Merwe souligne l’importance de mettre en place des partenariats avant de se lancer dans de nouveaux projets en Afrique. «Des partenariats avec une entreprise ou une association locale dans le pays spécifiques sont nécessaires, du fait que les chefs d’entreprise ont besoin d’être assistés, guidés et parfois protégés une fois sur place. Il est également essentiel de veiller à ce que toutes les pièces maîtresses des chaînes de valeur soient en place, pour soutenir et garantir le succès de l’activité. Un partenariat avec un acteur local aiderait à effectuer une analyse minutieuse du marché, ce qui permettrait d’évaluer les besoins, les demandes et les opportunités réels du marché ».
Soumaïla T. Diarra