Adoption de la loi de finances 2017 : «Ce budget est rigoureux, responsable, équilibré, et c’est un budget de développement», déclare Boubou Cissé

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Boubou Cissé, ex-ministre de l'économie et des finances

Les élus de la nation ont adopté jeudi 15 décembre 2016 la loi de finances 2017. Cette année, le budget est chiffré à 2013 milliards (recettes) et 2270 milliards (dépenses), pour un déficit de 257 milliards. 330 milliards sont prévus pour l’armée, alors que 460 milliards soit 26% du budget constituent  la masse salariale nationale. Avant son adoption, il y a eu des débats intenses. Chaque groupe parlementaire a pu échanger avec le ministre de l’Economie et des Finances, qui a été très bien accueilli par des applaudissements nourris de l’ensemble des députés.

L’Assemblée nationale du Mali a adopté le projet de loi portant loi de finances pour l’exercice 2017 : 104 voix pour, 24 contre et zéro abstention. Les prévisions budgétaires de la loi de finances initiale 2017 s’élèvent à 2 013 578 104 000 Fcfa de recettes et 2 270 647 113 000 Fcfa de dépenses, soit un montant de déficit prévisionnel de 257 069 009 000 Fcfa.

Si les députés de la majorité (les groupes parlementaires RPM, APM et l’Adéma) ont adopté ce budget d’Etat 2017, ceux de l’opposition (groupe parlementaire VRD et ADP-Maliba/ Sadi l’ont rejeté. Selon ces derniers, les différentes allocations budgétaires ne répondent pas suffisamment aux aspirations du peuple malien, entre autres, les questions de sécurité, l’absence d’une ligne budgétaire claire prenant en compte l’accompagnement des commerçants déguerpis pour leur réinstallation.

Dans sa réponse, le ministre de l’Economie et des Finances, Dr. Boubou Cissé, a donné des assurances. Car, pour lui, ce budget est rigoureux, responsable et équilibré. «Il est responsable parce qu’il respecte les équilibres macro-économiques de la sous-région -respect strict des engagements vis-à-vis de la Cédéao et de l’Uemoa. Tout comme les engagements pris au niveau du FMI et de la Banque mondiale. Il respecte aussi les critères d’investissement dans le pays. C’est pourquoi je dis que c’est un budget responsable, rigoureux, de développement.  Il soutient les actions de croissance économique pour une meilleure amélioration du bien-être de nos populations», a-t-il déclaré.

Il ajoutera que ce budget est responsable dans la mesure où il respecte les équilibres macro-économiques avec la maîtrise du taux d’inflation à 1%. Toutes choses qui constituent des éléments de stabilité de l’inflation. Dans le domaine du riz par exemple : «Nous avons une politique budgétaire et une situation saine d’endettement public ou l’encourt varie entre 30 à 31%, ce qui est la moitié au niveau communautaire qui est de 70%. Le tout avec une soutenabilité de la dette, car le déficit actuel est de 4% du PIB grâce aux efforts consentis ; il était de 5%. De 4,3% en 2016-2017, il sera de 4% et en 2019, 3%. Ce qui est l’objectif de la norme communautaire», a-t-il indiqué.

D’après Boubou Cissé, ministre de l’Economie et des Finances, le budget 2017 confirme par ailleurs les orientations du président de la République, contenues dans la déclaration de politique générale du Premier ministre. Selon lui, c’est un budget de développement qui soutient la création d’emploi, surtout l’emploi des jeunes, avec une enveloppe de 446 milliards de Fcfa.

Aux dires du ministre Cissé, l’administration, l’armée et la sécurité ont leur part dans ce budget. Idem pour les établissements qui promeuvent l’emploi, ils bénéficient de 57 milliards pour le financement de projets structurants. «Il y aura la réhabilitation et la construction de nouvelles routes qui vont créer de l’emploi ; 360 milliards de Fcfa sont prévus à cet effet», a-t-il assuré. Le secteur de l’eau et celui de l’électricité n’ont pas été oubliés, ils connaissent une augmentation de 10%, même si la plupart des financements dans ce domaine sont soutenus par les partenaires techniques et financiers, a-t-il reconnu.

Malgré tout, le député Kalilou Ouattara estime que les milliards votés ne servent à rien. Il argumente : «Tous les ans, le budget est adopté, mais les populations ne voient rien…». Réplique du ministre Cissé : «Les milliards votés servent à quelque chose. Les salaires des 100 000 personnes pour 460 milliards Fcfa, c’est dans le budget. Les dépenses d’investissement, les programmes sociaux, 26% du budget national, tout comme les secteurs de la santé, l’éducation sont des efforts consentis par le gouvernement. Beaucoup de choses sont faites même à Bamako. Dire  que rien n’est fait, c’est ne pas voir les efforts consentis à longueur de journée».

Les débats autour du projet de loi de finances 2017 ont occupé la moitié de la journée. Le ton sera donné par les députés de l’opposition parlementaire, en l’occurrence le groupe Vigilance républicaine et démocratique (VRD) et l’ADP-Maliba/Sadi, qui ont totalement rejeté ledit projet de loi. Selon le président du groupe VRD, l’honorable Mody N’Diaye, les projections des ressources intérieures sont peu pertinentes. Avant d’ajouter qu’il y a une absence criarde d’ambitions pour booster l’économie nationale. «Le Gouvernement opte pratiquement pour les mêmes recettes utilisées depuis plus d’une dizaine d’années  concernant l’agriculture, un secteur doté de seulement 8% du budget 2017 et toujours exposé aux aléas climatiques. Ce secteur peine à assurer la sécurité alimentaire. Par ailleurs, aucune initiative de vitalité rigoureuse, concernant le secteur manufacturier, n’est entreprise, affectant négativement la création d’emploi et le potentiel de valeurs ajoutées. L’allocation des dépenses est inappropriée car elle ne prend pas en compte les préoccupations sécuritaires au titre de l’équipement des forces de sécurité. Le budget d’équipement de la sécurité connaît une diminution d’environ 50% sur son niveau de 2016 et le secteur ne dispose pas encore de loi d’orientation, longtemps annoncée et toujours en cours de préparation. Ce retard  injustifié est néfaste à la création des conditions sécuritaires pour attirer les investisseurs», a souligné l’honorable Mody N’Diaye.

À l’en croire, une ligne d’au moins 12 milliards Fcfa pour couvrir les coupes budgétaires paraît injustifiée. En outre, il a fait savoir que l’allocation budgétaire de 2017 des Collectivités territoriales est timide et son niveau n’assure nullement le changement qualitatif du cadre de vie des collectivités. «La loi de finances 2017, à l’image de celles qui l’ont précédée, se caractérise par une absence totale de vision, à même de profiter de l’après sortie de crise, toujours favorable à des taux de croissance très élevés. Malheureusement, encore une fois de plus, la dernière loi de finances de pleine année du présent quinquennat est une occasion ratée. Le Gouvernement ne parvient toujours pas à mettre en œuvre une politique budgétaire vigoureuse pour prendre en charge les préoccupations majeures, notamment celles liées aujourd’hui à la sécurité et à l’amélioration de la compétitivité de notre pays», a fait remarquer Mody N’Diaye.

Il a aussi fait savoir que depuis 2014, le montant cumulé des budgets d’Etat, y compris celui de 2017 en cours d’adoption par l’Assemblée nationale, s’élève à environ 8 000 milliards de Fcfa. Le groupe VRD incite le gouvernement à reprendre le projet de loi de finances 2017 pour tenir compte des insuffisances. Il sera appuyé par le représentant du groupe parlementaire Adp-Maliba/Sadi, l’honorable Bakary Diarra, qui indique : «les différentes allocations budgétaires ne répondent pas suffisamment aux aspirations du peuple malien, notamment les questions de sécurité, de soutien aux entreprises en difficulté et la recherche minière. Le groupe Adp-Maliba/Sadi dénonce l’absence d’une ligne budgétaire claire prenant en compte l’accompagnement des commerçants déguerpis pour leur réinstallation. Il convient de rappeler la recrudescence des attaques sur l’ensemble du territoire national, d’où la nécessité de renforcer les moyens mis à la disposition de nos forces de défense et de sécurité. Pire, ce budget, qui n’accorde pas une place de choix à la lutte contre la corruption, ouvre la voie à l’impunité et à la délinquance financière avec la pression fiscale annoncée».

Par contre, la majorité (les groupes parlementaires RPM, APM et Adéma) affiche son attachement indéfectible à ce budget. Le Rassemblement pour le Mali (Rpm) a indiqué que le budget 2017 est objectif, réaliste et réalisable, juste et équitable. Idem pour le groupe Alliance pour le Mali (Apm) et l’Adéma. «Le budget est réaliste et sincère. Il tient compte des conditions macro-économiques. Près de 448 milliards de Fcfa seront injectés pour l’emploi jeune. C’est un budget qui lutte contre la pauvreté», a déclaré le président du groupe Adéma-Pasj, l’honorable Issa Togo.

Pour Me Zoumana N’Tji Doumbia du groupe Apm, ce budget permet de booster l’économie malienne. Le ministre Boubou Cissé ne dira pas, non plus, le contraire. «Le budget est responsable parce qu’il respecte les grands équilibres macroéconomiques. C’est un budget qui respecte tous les engagements communautaires et internationaux. Il n’y a pas de risque de dérapage budgétaire. Ce n’est pas un budget d’austérité, car il permet de financer un certain nombre de projets importants. Des mesures sont en train d’être prises pour encadrer les exonérations», a promis le ministre.

Après les débats, le projet de loi de finances 2017 a été adopté à la majorité des députés présents : 104 voix pour, 24 contre et zéro abstention.

Kassim TRAORE et Békaye DEMBELE

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