Obtenir la vignette pour les engins à deux roues, n’est pas chose aisée. Les contribuables sont obligés de poireauter toute une journée dans une file interminable. La mairie ne semble pas préoccupée par la situation
Parkings à motos bondés, cour refusant du monde… Nous sommes dans la cour de la mairie du District de Bamako. Il est presque 11 heures. On se marche sur les pieds dans une file qui déborde de la cour et s’étire le long des trottoirs sur la Place de la Liberté. Des jeunes gens pour la plupart bravent le soleil et la chaleur. Certains, transis de fatigue, sont assis à même le sol. Le calvaire est insoutenable pour les contribuables venus prendre la vignette de la nouvelle année.
C’est à la « recette-perception de la mairie du district » de Bamako que la nouvelle vignette électronique est établie et délivrée. Elle remplace celle qui, jadis, était remplie à la main.
Pour accéder aux guichets où est délivré le précieux sésame, il faut accepter de souffrir le martyr. Dix guichets sont ouverts. Mais c’est insuffisant car il y a une grosse affluence. La date butoir du 31 mars n’est pas encore tout proche mais elle avance à grands pas. Selon les habitués des lieux, la cour de la mairie ne désemplit pas depuis le 28 janvier dernier, date de début de la délivrance de la nouvelle vignette.
Evidemment, les contribuables sont mécontents de cette situation difficile. Les complaintes fusent. « C’est révoltant et méprisant », lâche un jeune homme. Ses voisins acquiescent et la conversation s’engage sur l’amateurisme de la mairie. « Nous sommes tous des travailleurs. Imaginez vous-mêmes l’impact que cette longue attente peut avoir sur nos activités. La mairie devrait prendre les dispositions nécessaires qui s’imposent pour nous éviter de tels scénarios qui irritent notre sensibilité», lancent presqu’en chœur des demandeurs, l’air fatigué et désarçonnés. Un homme venu du quartier de Korofina explique qu’il est arrivé à la mairie depuis 7 heures du matin. Et vers 11 heures, il était encore très loin de mettre la main sur le sésame.
Il faut dire que tout le monde ne vit pas ce calvaire pour se procurer la vignette. Comme par magie, certains l’obtiennent sans faire la queue. Pendant que d’autres transpirent sous le soleil. Ces bienheureux utilisent surtout la magie du dessous de table. Comme partout dans ce genre de situation au Mali, les pratiques peu orthodoxes sont monnaie courante. Ici, à la mairie du District, il faut payer un intermédiaire pour ne pas poireauter dans la file longue de plusieurs centaines de mètres. Ces intermédiaires réclament entre 1.000 et 1.500 Fcfa. Et ils semblent faire de bonnes affaires.
Très nombreux dans la cour, ils vous abordent et proposent leur service dès que vous montrez un intérêt pour la vignette. Nous en avons contacté un après qu’il ait remis une vignette et un billet de 500 Fcfa à une jeune dame qui l’attendait à l’écart sous les manguiers. La mise peu soignée, notre interlocuteur essaie de nous inciter à solliciter ses services. Pour nous dissuader de patienter dans le rang, il explique que l’obtention de la vignette est un parcours du combattant. Il ajoute : « les contribuables qui sont pressés ou qui ne désirent pas faire la queue sollicitent notre service contre le paiement de 1.000 à 1.500 Fcfa par vignette pour l’obtenir en quelques minutes ».
Privilégiés. Les vignettes que vous arrivez à obtenir par ce moyen sont-elles authentiques ? « Vous n’avez pas à vous inquiéter pour cela, mon cher. Elles le sont. La nouvelle vignette est très difficile à falsifier », répond notre interlocuteur, tout en souriant. Et comme pour rassurer ses nombreux clients, il n’hésite pas à dévoiler la méthode par laquelle il arrive à accéder au guichet pour payer la vignette en un temps si court. « Je m’arrange avec les policiers qui assurent le maintien d’ordre à l’entrée du service « recette-perception ». Ceux-ci me laissent passer sans faire le rang. Ils ont bien sûr un pourcentage sur chaque carte vendue », souffle discrètement le jeune intermédiaire qui ne souhaiterait pas certainement la fin de « ce calvaire » pour les populations.
Une souffrance contre laquelle la mairie du district ne semble prendre aucune disposition. Les citoyens méritent-ils de souffrir pour s’acquitter de leur devoir de payer les impôts ? Le receveur percepteur du District, Aguissa Zouladeïni Maïga, répond évidemment par la négative. Ce chef de service relevant de la direction nationale du trésor et de la comptabilité publique explique : « Nous avons demandé à la mairie du district la mise à disposition d’autres ordinateurs et imprimantes afin d’augmenter le nombre de guichets de vente ». Cette demande attend d’être satisfaite. En attendant, le fonctionnaire compte sur l’adaptation des agents à leurs nouveaux outils de travail pour accélérer la cadence de délivrance de la vignette. N’y a-t-il pas de risque de débordement ? La foule, exaspérée par la lenteur de la délivrance de la vignette, pourrait perdre patience. Le receveur percepteur du District en est conscient. C’est pourquoi M. Maïga n’écarte pas une prorogation d’un mois du délai de délivrance de la vignette. Car, reconnaît-il, l’opération a accusé près d’un mois de retard. Elle a commencé le 28 janvier dernier. Alors que d’habitude, la délivrance de la vignette débute le 2 janvier chaque année. Ce retard est, selon lui, dû à la mise à disposition tardive (le 21 janvier) du produit et la formation des agents à la maîtrise de l’outil d’établissement de la vignette qui a duré une semaine. En attendant l’effectivité de ces mesures annoncées, l’écrasante majorité des contribuables doit se lever tôt le matin et aller patienter dans une longue queue pour obtenir le papier leur permettant de circuler normalement sur leurs engins à deux roues. Il y a toujours des « privilégiés » qui sont servis dans les bureaux feutrés de la mairie. Comme nous l’avons constaté malheureusement au passage de notre équipe de reportage.
C. M. TRAORE
des consommateurs seulement
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