ACCIDENTS DE TRAVAIL : Près de 70 % des employeurs ne respectent pas les normes

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A l’instar des autres personnes juridiques, les entreprises ont l’obligation de réparer le préjudice résultant de leur action ou inaction.

Bamako, le 5 avril 2005. Alors qu’il retournait chez lui à la maison après une journée de durs labeurs au service, Boubacar Diarra, agent dans une entreprise de la place est fauché par une Yamaha 100 conduite par deux jeunes qui roulaient à tombeau ouvert. Transporté aussitôt à l’urgence de l’hôpital Gabriel Touré, il a reçu les premiers soins.

« Au cours de l’accident, j’ai perdu deux dents et mes prothèses dentaires. Aujourd’hui, malgré un rétablissement apparent, je sens toujours des douleurs au niveau de ma poitrine et de la vision. Je n’ai pas les moyens de suivre le reste du traitement même si après l’accident mon entreprise a fait la déclaration au niveau du service des accidents de travail de l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) qui m’a attribué un numéro. Je suis toujours avec mes problèmes presque sans solution parce que l’INPS ne m’a pas encore pris en charge à ce jour », témoigne M. Diarra, victime d’un accident de travail.

Tout employé (travailleur), régi par le code du travail qui est victime d’un choc survenu sur son lieu du travail ou victime d’un accident de trajet (de la maison vers le service ou du service vers la maison sans détours) est considéré comme un accidenté du travail.

A l’instar des personnes juridiques, les entreprises ont l’obligation de réparer le préjudice résultant de leur action ou inaction. La question de la responsabilité sociale d’entreprise au Mali revêt donc une importance toute particulière en ce sens qu’elle concerne les règles sociales devant être adoptées par les entreprises en vue de protéger les travailleurs. Les entreprises doivent prendre des mesures d’hygiène, de sécurité et verser des cotisations à l’INPS.

Ces cotisations sont destinées à couvrir éventuellement les frais d’accident et maladie des travailleurs. Si ces mesures ne sont pas exécutées, le travailleur se trouve en situation d’insécurité. Or, les cas d’accidents sur les lieux du travail sont fréquents. Il en est ainsi des amputations de bras, de doigts, de pieds, chocs à la tête, brûlures atroces, des cas de démangeaison provoqués par des produits toxiques…

« Quelqu’un qui est dans des détergents a besoin de protection. C’est conscient de cela que nous avons pris des dispositions en dotant nos travailleurs de blouse, de gants, de bottes et de cache-nez pour éviter, du moins minimiser les conséquences des accidents de travail. D’autre part, nous avons un médecin qui passe régulièrement pour des accidents de travail et un comité d’hygiène fonctionne au niveau de l’usine. Les machines que nous avons sont protégées. En définitive, les accidents sont rares dans notre entreprise. Et les quelques rares cas observés sont dus à l’inobservation des dispositions de sécurité », se défend Monzon Kéita de la Société des détergents du Mali (Sodema).

 

Entorses

Toutefois, selon des données provenant du service de prévention des risques professionnels qui a pour missions la recherche, l’analyse et la mise en œuvre des moyens et procédés qui concourent à éviter les accidents du travail et les maladies professionnelles par la sensibilisation, l’éducation et la formation des employeurs et des travailleurs sur les dangers du travail et ses conséquences, seuls 30 % des employeurs respectent les normes.

Les anomalies constatées auprès des entreprises ont pour noms : le manque ou la vétusté d’équipements de protection individuelle, le dysfonctionnement des comités d’hygiène de sécurité, etc. Toutes choses qui relèvent de la problématique des moyens.

Les enquêtes du service de prévention des risques professionnels de l’INPS révèlent que sur 30 entreprises, 3 à 5 d’entre elles disposent des comités d’hygiène fonctionnels. De janvier 2004 à novembre 2005, le service de prévention des risques professionnels a enregistré 474 accidents du travail dans 34 entreprises. Par ailleurs, 86 accidents de travail graves dont 4 mortels et 384 accidents du travail légers ont été enregistrés.

Au-delà des mesures préventives, dans toute entreprise sérieuse, les travailleurs doivent être immatriculés à l’INPS. Cela s’appelle tache sociale que l’employeur doit assumer vis-à-vis de son employé.

L’employeur doit s’acquitter de ses cotisations pour permettre à l’employé de bénéficier des prestations sociales : allocation familiale en matière d’accident de travail et des maladies professionnelles, de protection contre la maladie et de prise en charge en matière de pension de retraite et d’invalidité.

En cas d’accident de travail, la responsabilité sociale d’une entreprise peut être engagée. Car, l’employeur doit déclarer l’accident dans les 48 h. Pour cela, la déclaration est accompagnée de certaines pièces suivantes pour le paiement des droits : la déclaration d’un certificat de cessation de paiement ou de maintien de salaire, le bulletin de salaire.

L’entreprise est aussi tenue de diriger la victime sur le centre médical le plus proche tout en assurant les premiers soins. Hélas ! « Il est assez fréquent de voir un accidenté grave d’une société licencié pour raison d’insuffisance de force de travail alors que la loi dispose que l’employeur, dans la mesure de ses possibilités, reclasse les victimes d’accident de travail même s’il faut un changement de poste de travail », explique un des responsables du service des accidents de travail de l’INPS.

Les accidentés de travail doivent être acceptés socialement même si leur capacité de production a diminué. Autre constat : certaines entreprises ne font pas la déclaration dans les 48 h qui suivent l’accident. Dans ces cas, l’entreprise doit prendre en charge le salaire de la victime pendant toute la durée de l’incapacité temporaire de travail ainsi que les frais médicaux. Ce qui ne suit pas le plus souvent.

« J’ai chuté du haut du coton en 2003 et j’ai perdu 3 dents. Depuis, malgré mes va-et-vient à l’INPS, rien à faire. C’est tout dernièrement qu’ils m’ont fait savoir que mon dossier n’était pas complet. Il manque le bulletin d’embauche signé et cacheté par ma direction. J’ai compris que mon employeur n’a pas pris le problème au sérieux. Je ne devrais pas passer au commissariat pour avoir le procès-verbal (PV) de l’accident encore moins chez le médecin traitant pour chercher le constat écrit. C’est le service qui devrait faire tout ça, mais il a failli dans la recherche des éléments constitutifs de mon dossier. Il ne m’a octroyé que 70 000 F CFA pour les besoins de consultation. A ce jour, je ne bénéficie d’aucun suivi médical digne de ce nom. Présentement, je ne travaille pas. J’ai des problèmes de vision et je connais des problèmes dans le paiement de ma prime journalière », se plaint un ouvrier d’une société de la place.

Comme quoi la sécurité, pour les accidentés, a encore beaucoup de chemin à faire dans le Mali qui se dit dédié à l’affirmation des droits humains.

Mohamed Daou

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