Tension intercommunautaire à Bougouni :La ville en état de siège durant 48 heures

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Les populations des Communes de Bougouni et Kola ont vécu deux folles journées le samedi et dimanche derniers. En effet, pour des banalités, elles ont failli en venir aux armes obligeant du coup l’administration à demander du renfort afin de contenir le mouvement insurrectionnel qui pointait à l’horizon. Armées, depuis un certain temps, jusqu’aux dents, ces populations ont pratiquement transformé la ville de Bougouni en une véritable poudrière. La tension qui a atteint son paroxysme, dimanche dernier, semble baisser d’intensité. Mais jusqu’à quand ?

Les tensions sociales à Bougouni sont devenues monnaie courante ces dernières années. Pour des banalités, certaines populations prennent la clé des rues et n’hésitent pas, un seul instant, à se rendre justice. Tous les fonctionnaires de l’Etat ont presque fait les frais de cette situation de non droit à laquelle certains groupes sociaux de la ville de Bougouni se livrent.

Le dernier cas en date remonte au week-end passé, où, n’eût été la sagesse doublée du sens de la responsabilité du maire de la Commune rurale de Kola, Bissi Coulibaly, on aurait assisté à un carnage digne d’une autre époque.

Le comble est que les représentants de l’Etat, avec à leur tête le préfet, Siraba Coulibaly, sont comme inexistants. D’après les différents témoignages recueillis, seul le président du Tribunal, Zantigui Traoré, tente de résister aux fauteurs de troubles. "On se demande si les autres ne sont pas complices ou partisans" a déploré un natif de Bougouni.

Pour comprendre une partie de la vérité de ce qui est à l’origine de cette tension, il faut remonter loin dans le temps, jusqu’en 1885, date à laquelle le conquérant Almamy Samory Touré jette son dévolu sur cette parti du Mali, alors Soudan français. Après un échec qu’il aurait lui-même reconnu, Samory et ses troupes auraient bénéficié de complicités internes et auraient repris le dessus. Conséquences, ils tuèrent un nombre important de braves guerriers dans les clans des Diakité, Coulibaly, Koné, etc. Ceux-ci ont tous été enterrés dans une fosse commune dans le village de Souroukoula ou Kola Sokoura, un des neuf villages de la Commune rurale de Kola.

En reconnaissance à leur courage et bravoure, le Conseil communal de Kola a décidé de chercher les moyens financiers afin de procéder à la clôture du site de la fosse commune. Grâce à des bonnes volontés, ce vœu est réalisé et l’inauguration a eu lieu en grande pompe. "Ce site n’est pas la propriété du seul village de Souroukoula ou de la seule Commune de Kola. Il appartient à tout le Mali, car il renferme une page glorieuse de l’histoire de tout un peuple" a dit Bissi Coulibaly, maire de Kola. Quelques jours après l’inauguration, certains Diakité se seraient réunis pour manifester leur mécontentement au motif qu’ils n’auraient pas été consultés ou associés. Pour cela, ils auraient souhaité délocaliser le site de Souroukoula à Tola, un village de la Commune de Bougouni, situé à 10 km. Ils ont mis leur menace à exécution en tenant deux réunions à Tola, le vendredi 8 avril et le jeudi 14 avril, au cours desquels, il a été décidé d’aller purement et simplement détruire le mur de clôture du site.

Dans cette sale besogne, ils ont arraché et emporté le panneau géant et détruit certaines parties de la clôture. Saisi par le maire de Kola, le préfet conseille de prendre attache avec la gendarmerie qui a dépêché des éléments pour faire des constats. Lors des enquêtes préliminaires, le chef du village de Tola, Bréma Diakité, aurait avoué que c’est lui qui a envoyé des gens commettre les dégâts. Il n’a jamais été inquiété et ne le sera probablement jamais parce qu’il est Diakité, la lignée des justiciers. Le samedi 7 mai, prétextant qu’un natif de Souroukoula cultive un champ qui leur appartient, certains Diakité se sont munis d’armes à feu pour aller le déloger. Les parents de ce dernier qui ont vu ce cortège impressionnant, auraient préparé la riposte. Pris de peur, les "assaillants" rebroussent chemin mais deux à trois, munis de leurs armes, ont été capturés.

Lorsque cette nouvelle est arrivée à Bougouni, les Diakité de Dougounina, un quartier de Bougouni, ont décidé de laver ce qu’ils qualifient d’affront. Ils envoient une mission punitive qui a consisté à aller enlever des natifs de Kola résidant à Bougouni.

Deux d’entre eux ont été ligotés et offerts au chef du quartier. Comme si cela ne suffisait pas, dans la nuit du samedi à dimanche, certains Diakité, toujours munis d’armes à feu, se sont rendus à Tola afin de parachever l’œuvre de destruction du site qu’ils ont commencée. L’infatigable maire sollicite le Commandant de brigade de la gendarmerie, Cheick Oumar Sidibé. "Ce dernier m’a supplié d’user de tous les moyens pour dissuader les populations de ma Commune à garder leur calme et à ne pas répondre aux actes de violences dont ils sont l’objet" a confié le maire de Kola qui, en compagnie de certaines bonnes volontés, a passé toute la journée à s’interposer et à calmer ses populations.

Le dimanche 8 mai, ils ont détruit tous les murs de clôture du site devant les forces de sécurité qui n’ont pas levé le petit doigt. Visiblement animés d’une volonté de guerre, ils auraient promis de raser les villages de Souroukoula et Djambala. Approché pour avoir sa version des faits, au-delà des graves accusations de connivence et de complicité qui pèsent sur lui, le préfet s’est contenté de nous lancer : "Il fallait prendre rendez-vous avant de venir. Je n’ai pas le temps car j’ai beaucoup à faire". Sauf que dans ce qu’il appelle travail, il ne fait pas face au problème qui enflamme son cercle. Au contraire, il contribuerait, d’après des témoignages concordants, à attiser le feu en faisant de l’impunité la règle qui régit sa cité. Ce qui, du coup, interpelle le ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, le Général Kafougouna Koné, à prendre ses responsabilités, à temps, pour éviter un carnage entre des populations qui partagent tout.

D’ailleurs, le maire de la Commune rurale de Kola, Bissi Coulibaly, résume bien la situation : "Le problème fondamental de Bougouni est le manque d’autorité. Ils vont attendre qu’il y ait un carnage pour agir certainement". Ceci est d’autant plus vrai qu’il a réussi à calmer ses populations quand bien même elles avaient été lésées. Mais pourra-t-il éternellement continuer à les contenir ? Rien n’est moins sûr. Le pire est que face à cette situation explosive, les personnalités de la Commune, le ministre Tiémoko Sangaré, les députés Siraba Diarra et Djinè Moussa Diakité de l’Adema, André Traoré du MPR et Soungalo Togola du Barica ayant viré à l’Adema, ne font rien pour apaiser. Ils sont même accusés de soutenir les Diakité qui jouent aux justiciers dans la Commune de Bougouni qu’ils érigent en un véritable no man’s land.

Dans tous les cas, par ce papier, nous entendons attirer l’attention des plus hautes autorités sur cette tension qui, si rien n’est fait, va indubitablement dégénérer. Car, nul ne peut faire entendre raison à certains Diakité qui se disent "propriétaires" de Bougouni sans qu’ils ne veuillent lui faire la peau.

Diakaridia YOSSI

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