Spéculation foncière : Des terrains de foot en voie de disparition à Tombouctou

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Trois comités de jeunes des quartiers à Tombouctou se battent depuis 2019 contre un morcellement anarchique des terrains d’utilité publique. Ils reprochent au maire de la Commune urbaine, Aboubacrine Cissé, la vente du marché de Yobou-Tao et l’attribution des permis d’occupation des terrains publics aux commerçants détaillants déguerpis du marché.

L’une des conséquences majeures de la vente illégale des espaces publics de loisirs est la disparition de la distraction notamment le sport.

Selon nos informations, la mairie de Tombouctou a vendu des terrains qui servent d’espace sportif et de loisirs à la jeunesse. Elle avait procédé au morcellement, malgré l’opposition des comités de jeunes desdites localités.

‘’Les terrains en question sont situés dans le quartier Sankoré. L’emplacement exact s’appelle le terrain Azalai, situé derrière l’hôtel Bouctou. L’un des terrains est situé entre les deux hôtels Bouctou et Azalai et le bassin de rétention d’eau.  Le terrain de foot de l’Association sportive de Tombouctou (AST) qui a été vendue, est devenu une propriété privée. Celui où joue l’équipe d’Al Farouk a été donné à cette équipe comme seule bénéficiaire et ayant le droit pour tout faire. Cette affaire a provoqué des échauffourées entre les jeunes et la mairie de Tombouctou’’, indique Nadjim, un jeune de Sankoré.

Après avoir morcelé les parties à offrir, la mairie a fait une demande d’immatriculation des terrains en faveur des acquéreurs. La direction du domaine et du cadastre a mis un arrêt à ces demandes après le refus des organisations des jeunes des trois quartiers concernés. Il s’agit de Badjindé, Sankoré et Djingareyber.

‘’Les terrains ont été vendus par le maire Aboubacrine Cissé. Les commerçants détaillants du marché Yobou-Tao ont été déguerpis et le maire veut recaser ces derniers sur ces sites. Depuis 2018, cette affaire est en cours. Même cette semaine, les jeunes de Bela frandi sont partis chercher un terrain de foot jusqu’au bord du quartier », révèle Harber, un jeune de Tombouctou.

Dans une lettre, le directeur du domaine et du cadastre, Charles Diarra, avait répondu à la demande du maire concernant la procédure d’immatriculation de la parcelle de terrain sise à Tombouctou.

Le maire avait sollicité le recasement des commerçants détaillants déguerpis du marché Yobou-Tao. En effet, certaines sources affirment que ce marché a été vendu par le même maire. Cette vente du marché est donc à la base du déguerpissement de plus de 96 commerçants détaillants.

Les comités de jeunes des quartiers Sankoré, Badjindé, Djingareyber se sont massivement opposés contre cette procédure d’immatriculation. Ils ont à leur tour entrepris des révoltes et des démarches officielles pour arrêter immédiatement la procédure.

Ainsi le directeur du domaine Charles Diarra a aussi annoncé, en s’adressant au maire, que la procédure d’immatriculation était suspendue jusqu’à un accord ou main levée autour du différend entre la mairie et les jeunes.

‘’Je demande à toutes les parties de privilégier un règlement à l’amiable dudit litige. A défaut d’accord ou de main levée sous quinzaine, le dossier sera transmis conformément aux dispositions de l’article 157 et suivants du code domanial et foncier au greffe du tribunal de grande instance de Tombouctou’’, a-t-il fait savoir dans sa lettre du 30 novembre 2020.

Les jeunes estiment que ces terrains sont les seuls espaces leur servant de lieux de divertissement et d’éducation sportive.

« Le maire aurait donné des pots de vin à quelques responsables et présidents d’équipe de foot pour faire taire les critiques. Certains auraient même eu des terrains. Or, les terrains litigieux servaient aussi d’espace d’EPS pour les lycées et le second cycle de la ville. Les jeunes ont marché pendant des semaines pour revendiquer auprès de la mairie et du gouvernorat », informe Nadjim.

Dans une lettre officielle adressée le 16 juillet 2020, les comités des jeunes de Sankoré et Badjindé ont demandé au service des domaines que ledit espace soit uniquement un complexe sportif pour les deux quartiers.

Comme réponse, la direction régionale des domaines et du cadastre de Tombouctou a écrit le 17 novembre 2020 aux différents comités des jeunes de la Commune urbaine de Tombouctou. Ces groupements de jeunes avaient envoyé une lettre aux domaines le 10 juillet 2020 relative à la demande d’attribution de la parcelle de terrain sise à Tombouctou entre l’hôtel Bouctou et le bassin de rétention d’eau. Le placard relatif à cette publication a été envoyé en l’auditoire au Tribunal de grande instance de Tombouctou pour affichage.

Selon notre source, en dehors de Sankoré, d’autres localités étaient concernées par cette vente illicite. Il fait allusion à Bêlafrandi où les gens se sont opposés à temps à la vente. La mairie n’a pas pu effectuer la vente des terrains de ce quartier. Pour Nadjim, ce sont des bailleurs qui poussent la mairie à vendre ces espaces publics.

‘’D’après les études du domaine, c’est une ancienne marque et après quelques travaux que nous avons effectués, il y a deux bassins de rétention d’eaux.  S’ils sont remplis on les déverse sur cet espace public. Tous les joueurs on a l’habitude de jouer. Les élèves ont l’habitude de faire de l’éducation physique et sportive et ces espaces servent d’un lieu de loisirs. Après nos travaux, nous avons remarqué que l’endroit a été morcelé. Le maire a donné des permis d’occuper à des commerçants détaillants. C’est vrai qu’il a donné à des commerçants qui ont été déguerpis, mais il en a profité pour donner aussi à ses partisans politiques. Il a vendu le cinquième aussi. Nous avons écrit au gouverneur, au directeur du domaines, à celui de l’urbanisme et à la préfecture’’, déclare Abdoulaye, membre Ali Beyrey, président du comité des jeunes Sankoré.

‘’C’est la seule porte de sortie de notre quartier Badjindé. Ces terrains relient le quartier aux autres quartiers de la ville. Les deux marchés se trouvent entre Sankoré et Badjinden. Ils ont vendu toutes les parcelles qui se trouvent dans les deux marchés. Les enfants et les joueurs les utilisent comme terrains de sport. C’est la mairie qui a remis des permis aux gens pour occuper les terrains. Charles Diarra nous a beaucoup aidé, mais malheureusement il a été affecté dans une autre localité’’, explique Madjid, président du comité des jeunes de Badjinden.

Les terres ont été attribuées aux commerçants mais le domaine n’a pas encore attribué des numéros à ces parcelles pour valider le recasement. Au cours de cette enquête, beaucoup de nos interlocuteurs ont d’abord hésité avant de se prononcer sur le sujet qui, selon eux, fait l’objet de menaces.

Enquête réalisée par

Fatoumata Kané avec  Twindi Investigation

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