La crue a rendu la RN18 quasi impraticable. Or c’est la route principale d’approvisionnement des Régions de Gao, Ménaka et Kidal en denrées alimentaires et autres produits de première nécessité
La montée des eaux du fleuve Niger, amorcée depuis quelques semaines, se poursuit avec son lot de désolation et de sans abris à l’est du pays. Dans sa folle course Issa bero ou encore Bajoliba (ou le grand fleuve en langues officielles songhoy et bamanankan) rase et avale tout sur son passage. Sa colère n’épargne ni maison, ni route, ni champs. Les dernières victimes de son courroux sont les routes nationales (RN) numéros 16 et 18 (RN 16 et RN 18). Ces voies sont aujourd’hui submergées les rendant ainsi impraticables. Compliquant l’approvisionnement des Régions de Gao, Ménaka et Kidal en denrées alimentaires et autres produits de première nécessité.
La RN 18 dessert Gao, Bourem en allant à Tombouctou jusqu’en Mauritanie via Bamba. Appelée route transsaharienne, elle relève également Gao à certains pays frontaliers comme l’Algérie, le Maroc et le Niger. «C’est la seule voie par laquelle les transporteurs nationaux et internationaux, notamment ceux d’Algérie et du Maroc approvisionnent en produits locaux ou d’exportation la Région de Gao et ses différents cercles (Gao, Soni Ali Ber, Bourem et Bamba et Almoustrat) en allant vers la Région de Tombouctou», soutient Moussa Arboncana Touré, conseiller du village de Berra (Commune rurale de Soni Ali Ber).
Ce qui en fait un moteur de développement, un élément essentiel pour le déplacement des personnes et de leurs biens, explique le directeur régional des routes de Gao, Adama Cissé. Cet ingénieur en construction civile juge particulière la crue du fleuve Niger de cette année. Cette situation a, selon lui, fortement endommagé également les routes de la Région de Gao notamment celle qui donne accès au Pont de Wabaaria et la route menant à Bourem. Une autre raison, explique-t-il, l’ancienne route qui servait de digue à la nouvelle se trouvait dans un état de dégradation avancée avant la montée des eaux.
À cause de son mauvais état et de l’impact des eaux stagnantes, les revêtements et les accotements ont été arrachés. L’eau étant l’ennemi n°1 d’une route, à en croire le spécialiste. Aussi, ajoute le technicien, la RN18 a été longtemps considérée comme faisant partie du projet d’aménagement du barrage de Taoussa. Le chantier de construction de cet ouvrage gigantesque peine à démarrer «pour des raisons que nous ignorons», dit le directeur régional des routes de Gao.
Les Forces de défense et de sécurité, les autorités communales de Soni Ali Ber et les jeunes avaient posé quatre dalots (des ouvrages de drainage des eaux) pour faire évacuer en vain les eaux stagnantes sur la voie. Ces dalots qui ont été posés sur la route de Bourem, ont été submergés par les eaux, les calculs de réalisation qui ont été faits sur la base de données hydrologiques n’ont pas prévu ce cas exceptionnel de montée des eaux, estime le directeur régional des routes. Adama Cissé rassure que dès que l’eau se retire, des dispositions sont prévues pour intervenir sur les deux voies.
DÉVIATION- Ces travaux d’entretien réalisés par le génie militaire, les autorités communales de Soni Ali Ber et les jeunes des treize villages de cette commune pour protéger la RN18 ont été complètement submergés, confirme Moussa Arboncana Touré.
Son engloutissement par les eaux du Niger contraint des usagers à emprunter actuellement une déviation sur la route de Kidal. Ce qui rallonge le trajet et le temps de voyage. Situation à laquelle ils ne s’accommodent guère et expriment à qui veut l’entendre leur amertume de vivre un tel calvaire.
La submersion de la RN°18 a causé des dommages à une centaine de familles dans les trois villages de la Commune rurale de Soni Ali Ber, souligne le président de l’Association des propriétaires de tricycles de la circonscription. Nouhou Touré, habitant du village de Zindiga, révèle que certains ont investi d’énormes fortunes dans la construction de leurs maisons en banco sur la berge du fleuve Niger, sans penser à une telle crue.
C’est le cas d’Aboubacar Maïga et Hamma Maïga. Ces deux conducteurs de tricycle permettent tranquillement avec leurs familles dans des maisons établies en banco dans ce village.
Ils se sont réveillés le 24 décembre dernier les pieds dans l’eau suite à la montée des eaux. Mohamed Souleymane a dit être l’un des premiers à avoir sa maison engloutie par les eaux. Lui et sa famille ont été accueillis par un foyer. Il pointe du doigt le manque de solidarité de la part des autorités régionales estimant qu’aucune d’entre elles n’a fait le déplacement sur les lieux pour constater les dégâts. Il explique aussi que le besoin en tentes est criard et invite l’État à satisfaire ce besoin.
Au village «Hounbourey Ben», Mme Alkarimat Welt Iglass, est en train de farfouiller dans ses affaires. Elle occupe une cour avec d’autres femmes victimes de la crue. Toutes ont du mal à s’accommoder de leur nouvelle situation. Interrogée sur la montée des eaux, elle éclate en sanglots. « Notre chef de famille a vu cinq de ses maisons en banco s’écrouler du fait de la crue. Face à cette catastrophe naturelle, nous avons squatté cette cour en attendant. En cette période de grand froid, être sans abris n’est pas une situation enviable», se désole la pauvre dame. Elle réclame des couvertures pour les enfants qui sont vraiment vulnérables au froid et espère sur le soutien des autorités et des personnes de bonne volonté.
Grâce à la sensibilisation faite par la direction régionale de la protection civile de Gao et ses partenaires, on ne déplore aucune perte en vie humaine. Mais le spectacle est désolant. Les eaux continuent leur chemin jusqu’au village «Hounborey Ben», prosaïquement la peur est finie en français, pour traverser la route de Kidal. Quand arrêteront-t-elles de faire peur et mal ?
Abdrahamane TOURE / AMAP – Gao