À cœur ouvert, le président par intérim du Conseil de cercle de Kayes, Mamoudou Bah dit Makambo, accueillant une délégation de l’Union des journalistes reporters du Mali dans son bureau, a déballé les tristes réalités qui les assaillent. Parmi elles, le retour de Dr. Timbo à la tête du Conseil de cercle, celui-là même qui est soupçonné de détournement de deniers publics. Une situation perçue par les notabilités, les autres conseillers et une large frange de la population comme une atteinte à leur dignité. Selon Makambo, ils n’ont rien contre sa personne, mais ils estiment qu’un seul individu ne peut pas tenir tête à toute une communauté.
« Nous, les 30 conseillers, sommes sereins, nous n’allons jamais siéger avec Timbo. Un seul individu ne peut pas tenir tête à toute une communauté. C’est un acte administratif que nous avons fait et qui a été violé. Timbo ne peut pas être au-dessus de cet acte administratif qui est la délibération de 30 conseillers.
Nous sommes campés sur notre position. Au cas où la justice reste campée sur sa position, nous n’allons jamais accepter que Timbo revienne. Ça passe ou ça casse. On ne peut pas nous l’imposer. Nous avons été élus par nos communautés et lui, il a été élu par nous. On se plaint de lui car il a failli à sa mission.
À défaut, nous sommes prêts à une démission collective pour la sauvegarde de cette collectivité. Nous préférons même l’arrivée d’une délégation spéciale que de le voir retourner. J’interpelle les autorités pour la bonne marche de notre collectivité. Par une décision du ministère de l’Administration territoriale, il peut être révoqué. Nous l’interpellons pour sa destitution », a fait comprendre Mamoudou Bah.
Qu’est-ce qui est donc à l’origine de cet imbroglio au sein du conseil de cercle de Kayes ?
Épinglé en septembre 2021, après le rapport accablant du bureau du Vérificateur général, pour des faits présumés d’atteinte aux biens publics, délit de favoritisme portant sur une affaire de 1,5 milliard de FCFA, Dr. Modibo Timbo, président du conseil de cercle de Kayes, a recouvré sa liberté provisoire après six mois de détention, contre le paiement de 50 millions FCFA de caution.
Il a alors voulu retourner aux affaires. Mais ses collaborateurs ne sont pas prêts à le recevoir. Pire, même au sein de l’opinion publique, son retour à la tête du conseil de cercle avant d’être blanchi par la justice n’est pas souhaité.
« Après son incarcération, pendant le mois de février, nous avons appris par rumeur qu’il cherche la liberté provisoire. 1/3 des conseillers m’ont envoyé une correspondance afin de convoquer une session extraordinaire. J’ai demandé les raisons, ils m’ont dit que l’objectif, c’est de demander la révocation de Timbo parce qu’ils ne veulent plus qu’il revienne aux affaires. C’est ainsi que j’ai envoyé des correspondances à tous les conseillers », a expliqué Makambo.
D’après lui, ils ont connu une mandature douloureuse avec le décès de 11 conseillers sur les 59. Sur les 48 restants, il y a eu 6 cas d’exode et 4 conseillers en incapacité de travail ; ce qui fait 32 conseillers en exercice.
Venons-en donc à la session qui a demandé la révocation de Dr. Timbo, comme seul point à l’ordre du jour. D’après Makambo, après proposition, 30 conseillers ont voté pour et deux (2) se sont abstenus. Ils en ont informé la tutelle et tout se passait bien jusqu’au 04 avril, jour où Dr. Timbo a recouvré la liberté provisoire. Et peu de temps après, à travers un extrait primitif non exécutoire, il est allé voir le préfet en lui apportant une décision pour mettre fin à l’intérim. « C’est ce que les conseillers n’ont pas aimé », dit-il.
Alors qu’avant sa sortie de prison, les conseillers avaient formé une délégation de 5 conseillers pour se rendre chez le même préfet pour lui rappeler leur proposition de révocation qu’il n’avait pas remontée. Ainsi, ce dernier leur a demandé de faire cela par écrit. Après avoir reçu la correspondance, le préfet a pris sa décision de révocation. De cette décision à maintenant, il s’est passé beaucoup de choses.
« C’est ainsi qu’ils ont attaqué la décision du préfet au niveau du tribunal administratif de Kayes. Le tribunal a donc suspendu la décision parce que l’article 231 n’a pas été respecté. Car une délibération doit être répondue dans un délai de 30 jours.
Il a saisi la Cour suprême et le 4 août 2021, l’instance suprême nous a notifié de lever la suspension. Les conseillers ont dit que c’était le référé. À travers un huissier, il voulait venir qu’on fasse la passation de service, je lui ai dit d’aller voir la tutelle d’abord.
C’est après que le conseil local de la jeunesse et la société civile sont allés voir le préfet pour l’informer que la Cour suprême a cassé sa décision et que Timbo veut revenir. Ce dernier les a rassurés en disant que l’intérêt supérieur prime sur tout, qu’ils restent donc tranquilles.
D’après ces conseillers, le préfet a dit qu’il était en train de faire un rapport et n’était pas prêt à faire la passation. Et le 21 août, la justice a proclamé le jugement de fond pour annuler complètement la décision. Puis, Timbo a fui, il est allé à Bamako », a indiqué Makambo.
Alors, qui bloque sa demande de révocation ? Makambo dit soupçonner un cousin direct de Timbo qui serait procureur général. Makambo affirme avoir également attaqué directement la décision du tribunal administratif de Kayes au niveau de la Cour suprême. « Nous sommes à l’attente de cette décision. En tout cas, nous sommes campés sur notre position », a-t-il insisté.
Joint au téléphone par nos soins afin d’entendre aussi sa version des faits, Dr. Modibo Timbo, en séjour à Bamako, après avoir accepté le rendez-vous, s’est ravisé le jour-j. La raison : son avocat lui aurait déconseillé de se prononcer sur ce sujet qui, dit-il, est toujours pendant devant la justice.
Moussa Sékou Diaby/UJRM
De retour de Kayes