L’année 2014 est sans nul doute un moment décisif dans le processus de la décentralisation avec la création d’un ministère uniquement dédié à son nom et la nomination à la tête de ce ministère Ousmane Sy qui fût l’un des plus grands et fervents artisans du processus de la décentralisation.
L’équipe de KayesInfos s’est déplacé pour rencontrer Bandiougou Diawara, Président du Conseil de Régional pour faire l’état des lieux de la décentralisation dans la région de Kayes. Suivez cet entretien…
KayesInfos : Pouvez-vous nous faire l’état des lieux de la décentralisation dans la région de Kayes ?
Je voudrai aborder l’état des lieux de la décentralisation à travers essentiellement deux points : les acquis de la décentralisation et les principales contraintes et je terminerai par une conclusion consacrée aux perspectives.
Acquis de la décentralisation et les principales contraintes ?
Abordant le premier point relatif aux acquis de la décentralisation en région de Kayes ; je voudrais commencer par affirmer que la quasi-totalité des collectivités territoriales ont construit un siège et fonctionnement assez bien.
En effet, avec l’accompagnement des représentants de l’Etat et l’appui de certains services déconcentrés, les sessions réglementaires se tiennent assez normalement, excepté quelques cas marginaux où des difficultés financières empêchent la tenue de plus d’une session par an. Il en est de même pour le fonctionnement des commissions de travail.
Quant au personnel, la situation est assez disparate avec des hauts et des bas. Dans certaines collectivités, le personnel se résume en la seule personne du Secrétaire général ou du régisseur qui fait office de tout malgré la fonction publique des collectivités. Le manque de ressources financières ne permet pas aux collectivités de disposer d’agents à souhait. Malgré ce contexte assez contraignant, les collectivités ont réalisé des prouesses notamment :
– la construction et/ou l’équipement d’écoles ; de centres de santé ; des forages et points d’eau modernes ;
– la construction de pistes ou de ponts ;
– la construction de micro barrages ;
– l’aménagement de périmètres agricoles et maraîchers ;
– la construction de banques de céréales ;
– la construction de centres d’accueil dans six chefs lieux de cercle en vue de faire des villes secondaires de véritables centres attractifs et attrayants ;
– la construction de salle de spectacle à Nioro ;
– la construction de salle de gymnastique et de terrains de foot.
Toutes ces réalisations ont pu être faites grâce notamment :
– au financement de l’Agence Nationale d’Investissement des Collectivités, de la diaspora de la coopération décentralisée et de l’Etat à travers des subventions.
– Le budget spécial d’investissement a permis à la collectivité région de faire des réalisations de grande envergure notamment la construction rurale inter collectivité Dialafara, Gounfan
– La dotation exceptionnelle suite à la cession de la SOTELMA, d’un milliard de francs CFA, première opération du genre au Mali dont les acquis sont très appréciés aujourd’hui dans chacun des cercles
– La coopération décentralisée apporte énormément et qualitativement à la région où tous les types de coopération existent comme celles de régions, des communes, des intercommunalités, des syndicats.
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La région compte plus de 100 coopérations décentralisées/jumelages ce qui fait d’elle le plus de partenariat. Ces coopérations sont intra-nationales, sous régionales et internationales.
Les interventions des partenaires de la coopération décentralisée/jumelage concernent tous les secteurs sans oublier l’indispensable appui institutionnel apporté aux collectivités.
Le deuxième volet concernant toujours les acquis est celui de l’implication et la présence des migrants de la région qui sont de véritables atouts. La contribution des migrants dans le développement de nos territoires est inestimable et a permis de réaliser par endroit la quasi-totalité de certains ouvrages ou équipements.
Aujourd’hui, une réflexion est en cours pour maximiser l’apport des migrants en l’intégrant dans une démarche d’économie qui fera du migrant un acteur économique ; tout est mis en œuvre pour cela avec la construction et le fonctionnement d’un guichet unique devant accélérer la création d’entreprises ; la mise en place d’une plate forme de services et le travail d’identification, de priorisation de filières porteuses. Après des réalisations durant des décennies dans les secteurs sociaux ; de plus en plus les différents plans de développement des collectivités territoriales privilégient le développement économique local avec la valorisation et la promotion de produits des territoires.
Le troisième volet est relatif à la création de certains projets ou dispositifs majeurs dont les plus essentiels ont été ou sont :
– Le projet d’appui à la décentralisation et au développement économique régional PADDER qui fût dans l’histoire de notre décentralisation le dispositif le plus pertinent dont les objectifs étaient de renforcer la région dans son rôle de pilote du développement régional à travers le renforcement de ses capacités et l’animation de cadres de concertation avec le privé, la société civile, les autres niveaux de collectivités, les services déconcentrés de l’Etat et les partenaires techniques et financiers.
Le PADDER a permis de réactualiser le plan stratégique de développement régional, véritable outil de planification et de programmation. La plate forme de service ; la création du centre de gestion agréé ont entraîné le renforcement de l’environnement des affaires à Kayes.
– Le projet d’appui au renforcement de la reforme administrative et au développement économique régional PARRADER a contribué à étoffer le personnel de la collectivité région tout e, lui permettant d’assumer son leadership dans le développement régional. Mais malheureusement, son appui financier et matériel à la région a été interrompu sans qu’il n’ait véritablement commencé à notre grand désarroi.
– Le dispositif de co-développement jadis financé par la coopération française est aujourd’hui financé par l’union européenne et procède par des appels à projet dont le 4è a été lancé il y a deux mois.
La région de Kayes a bénéficié des 99 % de chacun des appels à projet ; les secteurs concernés sont l’éducation, la santé, les périmètres maraîchers, les pistes, les forages, les unités de transformation.
– Les appels à projet de l’union européenne, de la Banque Mondiale, du PNUD, du Ministère français des affaires étrangères ont permis à certaines collectivités de la région de bénéficier de financement pour la réalisation des projets dans les domaines de l’animation territoriale, du tourisme, de l’agriculture, de la pêche et de la culture.
Les difficultés ?
En dépit de ces réalisations qui aujourd’hui font la fierté des collectivités territoriales ; des difficultés de tous ordres ont ralenti ce formidable élan.
Au premier rang des difficultés, nous avons l’insuffisance des ressources financières qui a très sérieusement impacté de façon négative le bon fonctionnement et la réalisation des besoins prioritaires des populations.
En effet, la modicité des indemnités de fonction, des frais de session, des frais de mission ne sont guère incitatifs et ne permettent pas de mettre les élus et les agents dans les conditions de travail.
A cela, il faut ajouter le retard de paiement des salaires avoisinant par endroit plusieurs mois tout comme ma tenue irrégulière des sessions.
Les ressources des collectivités territoriales ne permettent à aucune d’elles de faire face aux besoins des populations qui sont tous à la fois prioritaires et urgents.
Les différents transferts de compétence dont le seul effectif est celui de l’éducation n’ont pas comblé les attentes car les ressources liées au transfert n’ont fait accentuer les charges des collectivités en augmentant le volume de travail et le coût du fonctionnement sans aucune compensation.
L’insuffisance des ressources humaines est une des résultantes de la modicité des moyens des collectivités territoriales qui n’attirent pas les compétences nécessaires que ça soit au niveau des élus ou des agents.
Certaines collectivités manquent cruellement de personnel.
Les mêmes causes faisant les mêmes effets, certaines collectivités territoriales manquent presque de tout en ce qui concerne les ressources matérielles ; pas d’électrification, pas d’outils informatiques, pas de moyens de déplacement ; toutes choses qui entravent sérieusement le bon fonctionnement des collectivités. Seuls le Conseil Régional de Kayes, les Conseils de Cercle de Kayes, Kita, Nioro, Bafoulabé échappent à cette triste réalité et quelques communes dont les communes anciennes de la région.
Au delà de ces difficultés pour assurer une vraie mise en cohérence des actions de développement, la même situation est valable pour les services déconcentrés de l’Etat ainsi que les partenaires techniques et financiers de la coopération bilatérale et multilatérale.
Les perspectives ?
Les perspectives s’articulent autour de la régionalisation et du développement économique régional.
La vision du Gouvernement de la République déclinée dans la feuille de route du Premier Ministre fait de la région le centre névralgique du développement et la région de Kayes est d’ores et déjà prête à s’inscrire résolument dans cette démarche. La région est le niveau le plus pertinent de conception, d’animation et d’impulsion des stratégies de développement car étant l’interface entre l’Etat et les populations à la base d’introduction de contrat plan Etat région favorisera le dialogue entre l’Etat et la région et dotera cette dernière de moyens conséquents pour faire face à ses priorités.
A ce titre, la création d’une agence de développement, dont les contours restent à définir entre l’Etat et nous ; contribuera fortement au renforcement de la capacitation de la région.
La région de Kayes a, dans cette même logique, créé, depuis 2012, une agence de développement territorial dont le siège est à Diéma chargé d’accompagner les collectivités territoriales de Diéma, Nioro, Bafoulabé, Kéniéba et Kayes.
La création d’un Ministère entier dédié à la décentralisation ; l’élaboration de contrats plan Etat région ; l’accélération des transferts de ressources ; la création des agences de développement régional sont autant de sources d’espoir que les collectivités territoriales au delà du discours, sont désormais au cœur des stratégies de développement de l’Etat.
Entretien Réalisé par Boubacar Niane