Justice transitionnelle au Mali : Société civile, alliée de la CVJR

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Avec plus de 5 ans de travail acharné, la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) aura balisé le terrain pour l’indemnisation des victimes. Cela fait que la Société civile et les Populations pensent pouvoir aider les autorités à, non seulement comprendre la pertinence du travail de la CVJR, mais aussi œuvrer pour une paix durable au Mali. Selon Aly GORO, chef d’antenne de la CVJR de Bamako, « les recommandations de la CVJR ne sont pas contraignantes, mais la société civile peut les rendre contraignantes par son appui ».

Depuis 2012, le Mali traverse une crise multidimensionnelle sans précédent de son histoire ayant occasionné des abus et violations graves des droits de l’Homme. Prenant conscience de cet état de fait, les autorités maliennes ont créé la CVJR à travers l’ordonnance N°2014003-PRM du 15 janvier 2014 en lieu et place de la CDR (Commission dialogue et réconciliation). Le mandat de la CVJR couvre toutes les crises que le Mali a connues de 1960 à nos jours. Sa mission est de contribuer à l’instauration d’une paix durable au Mali à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques. L’objectif de la structure est de rechercher des solutions durables aux violences et aux crises. Officiellement, la CVJR a fermé ses portes en décembre 2022, mais une équipe restreinte y demeure en vue de peaufiner les tâches courantes.

Le Chef d’antenne de la CVJR de Bamako a fait savoir, le 29 mars 2023, que ce qui a motivé la création de la CVJR est le souci de permettre au Mali de restaurer une paix durable. « De 1960 à nos jours, l’histoire du Mali a été jalonnée par plusieurs crises. Et chacune de ces crises a fait des lots de violations graves, à l’image de la crise de 2012 qui a détruit les poutres du vivre-ensemble du pays. Donc, il faut vraiment un travail pour qu’il y ait le retour de la confiance entre les populations et l’Etat. Ce sont ces éléments qui constituent le substrat de l’idée de mettre en place la CVJR », a déclaré Aly GORO. Le chef d’antenne de la CVJR de Bamako a également ajouté que le travail primordial de la CVJR est l’octroi de la parole aux victimes qui avaient envie de dire ce qui leur est arrivé, de dire ce qui est arrivé à leurs parents. Selon lui, plus de 32 000 victimes ont fait leurs dépositions à l’une des 6 antennes de la CVJR. « De sa création à nos jours, la CVJR, malgré les conditions difficiles, a fait un travail exceptionnel. De ce fait, l’une des réalisations phares, c’est l’écoute de plus de 32 000 victimes. Egalement, la CVJR a mené plus de 14 enquêtes non judiciaires dans les différentes régions du pays sur les cas emblématiques. On a aussi 5 audiences publiques thématiques. Il y a également la production d’un document de politique nationale de réparation des victimes. Il y a l’élaboration d’une stratégie nationale de mémoire », a-t- il dit. Aly GORO a aussi expliqué que la CVJR a écouté une dizaine de grands témoins de l’histoire du Mali. « Il y a aussi la réalisation des cartographies des violations. Elle a mené aussi 6 études sur les thématiques comme le vivre ensemble, comme les causes profondes des conflits ayant affecté le nord du Mali », a indiqué le chef d’antenne de la CVJR de Bamako. Il a précisé que malgré l’insécurité, la CVJR, pierre angulaire des mécanismes de justice transitionnelle au Mali, a produit un rapport avec des recommandations adressées aux plus hautes autorités pour la non récurrence des crises au Mali.

Quel rôle pour la société civile et la population dans la recherche de la paix ?

La société civile est en réalité l’alliée de la CVJR dont les recommandations ont besoin des groupes de pression. Aly GORO a souligné que la société civile et les populations jouent un rôle très crucial dans l’accompagnement du travail de la CVJR. « Ces entités sont à l’avant-garde des travaux de la CVJR. Pour avoir une certaine adhésion de la population, la société civile doit mener une campagne auprès des citoyens afin de permettre à ce que le travail de la CVJR soit bien compris et pourquoi pas nous faciliter la mise en œuvre des recommandations. C’est pour dire qu’elles sont aussi des actrices de mobilisation, de plaidoyer, de lobbying pour la mise en œuvre des recommandations et de la politique de réparation. La société civile fait de son mieux. D’ailleurs, certains membres de la CVJR sont issus de la société civile. La société civile travaille, nous souhaitons qu’elle continue son travail afin que les recommandations qui seront issues de la CVJR soient appliquées. Parce que c’est la société civile qui peut faire pression sur les gouvernants, leur dire que ce que la CVJR vient de vous remettre, il y va de la survie de l’Etat, donc, il faut les mettre en œuvre. Les recommandations de la CVJR ne sont pas contraignantes, mais la société civile peut les rendre contraignantes par son appui », a martelé Aly GORO.

La Société civile, par la voix du Président du Conseil national de la société civile (CNSC), Boureïma Allaye TOURE, estime que la CVJR devrait continuer son travail pour la prise en charge des victimes des attaques récentes. «Pour nous, s’il faut aider les autorités maliennes à comprendre toute la pertinence de ce travail, c’est une avancée. L’insécurité n’est pas terminée, mais le travail de la CVJR est arrêté malgré tout. Je dis malgré tout parce que si on nous demande, on dit : il faut continuer puisque Ogossagou (Ndlr, attaque terroriste perpétrée dans ce village du cercle de Bankass en 2020) et autres sont tous là, on n’est pas rentré dans ça, c’est un peu difficile parce que c’est des faits récents », nous a expliqué Boureïma Allaye TOURE, le 29 mars 2023.

Pour les victimes, à l’image de Aboubacar Eros SISSOKO, membre du Collectif des familles victimes du coup d’Etat du 19 novembre 1968, il est grand temps de créer l’Agence Nationale de la Gestion des Réparations des Victimes. « Depuis plusieurs années, le Mali a vibré au rythme des audiences publiques animées par la CVJR. Les réparations doivent s’inscrire à la proportion de la gravité des violations des Droits de l’Homme et des préjudices subis par les victimes. La CVJR a fait de son mieux pour projeter toute la lumière sur les violations flagrantes des Droits de l’Homme intervenues au Mali de 1960 à nos jours. Son succès aura été le rétablissement de la vérité historique », a-t- il déclaré. Boubacar Eros Sissoko a aussi affirmé que les audiences publiques de la CVJR ont révélé au grand jour l’ampleur démesurée des atteintes aux droits humains. « Personne ne peut nier la véracité des faits. Les victimes ont parlé à cœur ouvert en toute sincérité souvent au prix des larmes. La raison est simple : leur voix marginalisée pendant longtemps, venait enfin d’être autorisée et écoutée dans l’espace public. Depuis un moment, la mission de la CVJR est révolue. Une nouvelle étape du travail est en cours de réalisation. Elle doit sans doute donner naissance à l’Agence Nationale de la Gestion des Réparations de manière logique pour parachever le travail », a publié Aboubacar Eros SISSOKO dans le quotidien d’informations générales « Le Républicain », le 31 mars 2023.

Comme on le voit, le diagnostic de la crise au Mali semble être établi par la CVJR. Cependant, il faut reconnaître que sans l’accompagnement de certains partenaires comme l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), la GIZ-Allemande, le travail de la CVJR allait être extrêmement difficile. Le diagnostic étant posé, maintenant, tout doit être mis en œuvre par les acteurs comme l’Etat, la société civile, la population voire même le citoyen lambda, les partenaires pour permettre au Mali de sortir de ce cycle de violence et d’avoir une paix durable.

Aguibou SOGODOGO

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