Hameau de culture de Tougamakan (cercle de Bafoulabé) 56 maisons dont 1 mosquée et une médersa démolies, 18 greniers incendiés, 2 personnes tuées et des animaux calcinés

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Depuis l’arrivée des démocrates-voleurs au pouvoir en 1992, le Mali est devenu le creuset de toutes les injustices. Et les plus faibles sont sacrifiés sur l’autel des riches qui tiennent l’administration par l’argent. C’est ce qui est arrivé le 19 janvier 2016 à Tougamakan dans la commune de Soroma, cercle de Bafoulabé. Au lieu de démolir une maison, le zèle a poussé l’administration à détruire tout un hameau de culture dans lequel vivaient 103 personnes.

C’est sous un soleil de plomb que les habitants de Tougamakan et des villages environnants, venus massivement apporter à leur soutien à la famille de Djédi Dianka, chef de famille de 103 enfants, décédé à la suite de ses blessures, ont accueilli la délégation du député, Dr Oumar Mariko, le lundi 16 mai 2016, sur les ruines du hameau démoli, le 19 janvier 2016, par une décision de justice. Sur leur visage, on pouvait lire la désolation, la déception, le chagrin et le sentiment d’être abandonné par l’Etat malien dont les représentants se sont transformés en roitelets pour imposer leur loi de spoliation à une population qui ne demande que justice.

A quelques mètres des ruines des 56 maisons démolies, les habitants ont tenu à exprimer leur colère et leur indignation sur une banderole : «Le hameau de Tougakaman détruit et incendié suite à une bavure judiciaire. Les habitants demandent justice et réparation (la justice devrait détruire une petite maison clôturée à Damandi). Au lieu de ça, ils ont démoli 56 maisons et incendié des récoltes vivrières à Tougamakan, le lundi 19 janvier 2016».

Depuis la démolition des 56 maisons à Tougamakan, où vivaient sous leur toit 103 personnes à la charge de Djédi Dianka dit Dogi qui a trouvé malheureusement la mort à la suite des atrocités des forces de l’ordre qui sont allées au-delà de leur mission de maintien de l’ordre en frappant et brutalisant les habitants qui regardaient impuissamment les bulldozers détruire une à une les maisons.

Les 18 greniers, qui contenaient 400 tonnes de vivres, selon la population, ont été incendiés par les forces de l’ordre qui interdisaient à coup de matraque et de ceinturon tous ceux qui désiraient sauver un matériel du feu. Les habitants des villages environnants étaient interceptés en cours de route et battus à sang. C’est dans cette situation de brutalité que Séga Sissoko a trouvé la mort.

Un agent des forces de l’ordre, selon les témoignages recueillis sur place, a mis à deux reprises une décharge électrique sur la partie intime de M. Sissoko. Avant de passer à cet acte ignoble, il a jeté à sa figure cette phrase : «Tu ne toucheras plus ta femme». Effectivement, le vœu de l’agent a été exhaussé. M. Sissoko ne verra plus sa femme et ses 8 enfants. Deux jours après, il a rendu l’âme.

Déterminés à ne pas quitter leur hameau de culture, injustement détruit, les 103 habitants dorment à la belle étoile et passent leur journée à l’ombre des arbres qui ont échappé à la furie des bulldozers. Comme on le dit, «c’est dans le malheur qu’on connait ses amis». Ils ont bénéficié de la solidarité et du soutien des populations des villages qui entourent le hameau de culture de Tougamakan.

Et ils sont décidés à faire la lumière sur cette affaire pour que les habitants de Tougamakan rentrent dans leur droit et que plus jamais un homme ne profite de sa richesse et de ses complicités au sein de l’administration pour perturber la quiétude des pauvres populations.

 

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’un litige foncier qui date depuis plus d’une dizaine d’années mais qui ne concerne pas le domaine foncier de Tougamakan qui vient d’être rayé de la carte de la commune de Soroma par la volonté de Djatourou Konté. La parcelle litigieuse se trouve à Damandi à plus de 1 kilomètre de Tougamakan.

Selon les intervenants, lors de l’assemblée générale du lundi 16 mai, la terre de Tougamakan appartient aux Baradji qui se sont installé en 1967, sur sa demande leur neveu du nom de Djédi Dianka, sur ce hameau de culture. Tout allait bien dans ce petit hameau jusqu’en 1993. C’est à partir de cette date que Djatourou Konté, chassé de Hamdallaye à cause de son caractère belliqueux, trouve refuge à Tougamakan, où il est accueilli en frère par Djédi Dianka, le chef de famille. Ce dernier lui octroie une terre sur laquelle il dépose bagages mais tout en lui notifiant que le domaine foncier appartient à ses oncles Fofana. Ensuite, il lui dira qu’il n’a aucun droit là-dessus.

Dans notre société, un contrat verbal vaut de l’or. Mais profitant de sa richesse et de la complicité de l’administration, Djatourou déclare que la terre est sa propriété. Ainsi, commence le calvaire pour Tougamakan. Il entreprend des démarches tous azimuts pour déloger les habitants de Tougamakan.

Selon les témoignages, partout où il passe, il corrompt l’administration, la justice et les forces de l’ordre. Ils précisent encore que de Bafoulabé à Bamako, en passant par Kayes, Djatourou dispose de solides soutiens dans l’appareil d’Etat qui lui permettent de sévir contre les pauvres dans la commune de Soroma, plus précisément à Tougamakan.

On se demande par quel miracle, il est parvenu à démolir 56 maisons dont une mosquée, une médersa, incendier 18 greniers. Au cours de cette opération, des animaux qui n’ont pas pu s’échapper de leur enclos, ont été calcinés. On ne retrouve nulle part sur les documents que nous avons consultés que la démolition concernait le hameau de culture de Tougamakan. Il était question seulement d’une maison située à Damandi, à plus d’un kilomètre de Tougamakan.

Dans sa réponse, Dr Oumar Mariko, député à l’Assemblée nationale du Mali, dit ne pas être surpris de ce qui est arrivé aux populations de Tougamakan. Il déclare que l’accaparement des terres des paysans, la spéculation foncière, la démolition des maisons sont le lot quotidien des Maliens. Il a tenu la promesse qu’il va s’investir pour tirer cette affaire au clair. Tous les actes administratifs concernant ce litige ont été remis à Me Mariam Diawara.

Dans cette affaire, les populations pointent un doigt accusateur sur l’administration de la première région (préfets, juges, agents des forces de sécurité de Bafoulabé et de Kayes). Elles estiment qu’elle (l’administration) est là pour l’argent et non pour représenter l’Etat qui veille au bon fonctionnement de la loi et de la juste répartition des richesses entre les fils du pays.

Yoro SOW, envoyé spécial

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