Djenné, la Cité religieuse du Mali, a été le théâtre d’émeutes d’une rare violence hier. Non informées du début des travaux de la rénovation de leur célèbre mosquée, les populations sont spontanément sorties pour s’y opposer. Une manifestation qui a aussi provoqué le saccade de la mairie et de la Mission culturelle.
Ce Mercredi matin, jusqu’à 8h la ville était calme et très paisible comme d’habitude. Le grand marché commençait à s’animer et personne ne se doutait de rien. Aux environs de 9h, une immense foule composé en majorité de jeunes armés de bâtons s’est rassemblée sur la place de la célèbre et légendaire mosquée de Djenné. En face, une équipe technique des travaux du réseau Aga Khan venait de débuter les travaux sur le toit de la mosquée. C’est cette présence qui a justement entraîné la colère de nombreux habitants de la Cité Religieuse.
L’équipe du réseau Aga Khan (composée de deux européens) s’est vite sauvée pour disparaître des lieux avant que les manifestants ne s’organisent pour les lyncher. Une marée humaine a alors pris d’assaut l’enceinte de la mosquée pour constater les faits. Effectivement, l’équipe Aga Khan avait déjà commencé à creuser un trou sur le toit de la mosquée. Ainsi la foule, dans un mouvement d’extrême violence, a détaché tous les ventilateurs de la mosquée offerts en son temps par l’ambassade des Etats-Unis au Mali, il y a quelques années. Tout le matériel de l’équipe d’entretien a été saccagé et rassemblé avec les carcasses des ventilateurs pour être brûlés.
C’est en ce moment que trois gendarmes sont venus pour tenter de rétablir l’ordre. Ils ont été vite débordés. Des éléments de la Garde nationale sont alors venus en renfort. Mais, la foule en colère n’était pas maîtrisable. C’est pourquoi les autorités ont demandé un renfort à partir de Mopti, chef lieu de la 5e région économique. Entre temps, la manifestation s’est transformée en une gigantesque marche avec casse à travers toute la ville. Rien n’a presque été épargné. La mairie fut attaquée entraînant la fuite de tous ses agents.
A la préfecture, les marcheurs ont manifesté leur mécontentement avant de revenir à la mosquée où se trouve une nouvelle bibliothèque non encore réceptionnée. Ils voulaient manifestement détruire ce trésor, mais les gendarmes sont vite intervenus pour protéger le bâtiment. N’empêche que quelques dégâts sont également à déplorer à ce niveau. Quant à la Mission culturelle, elle a été littéralement saccagée, les matériels et véhicules sérieusement endommagés. « Tous nos enfants sont partis ailleurs à cause du barrage de Talo. Nous n’avons rien dit, maintenant on s’en prend à notre mosquée. Nous ne nous laisserons pas faire », scandaient certains émeutiers. Visiblement, c’est un cumul de mécontentement au sein de la population.
Dans ville, les bornes-fontaines ont été détruites. Même l’hôpital a reçu des menaces. Les véhicules de l’imam n’ont pas été non plus épargnés par la foule en colère. On voyait des pneus en feu sur le pont situé à l’entrée de la ville. Les manifestants voulaient ainsi empêcher l’arrivée des renforts venus de Mopti. A 14h, le flot des manifestants grossissait encore. Jamais la ville de Djenné n’a connu une telle révolte. A signaler qu’un gendarme a été grièvement blessé au niveau de la tête. Un calme relatif est venu en début d’après-midi. Mais, jusqu’à 15h, la mosquée était toujours sous le contrôle des manifestants.
En ce qui concerne les travaux sur la mosquée, la population affirme n’avoir pas été informée. C’est ce qui expliquerait la violence spontanée pour défendre le trésor de la ville. Le manque de communication est donc à la base des émeutes. Et personne n’ignore que des travaux d’une telle envergure et de surcroît effectués par les étrangers, sont toujours délicats. La moindre des choses, c’est d’informer et sensibiliser les populations. Il faut aussi préciser que c’est le réseau Aga Khan qui a rénové la grande Mosquée de Mopti qui fait aujourd’hui la fierté des habitants de la Venise Malienne. Mais, là, les populations ont été informées à temps du bien fondé des travaux à entreprendre.
Lévy Dougnon (Radio Jamana)
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