Coupé du reste du Mali et très défavorisé par sa position géographique, le cercle de Ténenkou est en train de passer pour un îlot d’arbitraire dans l’enviable paradis démocratique malien. Ses populations, en majorité nomade, n’en finissent pas de payer les plus lourds tributs de leur enclavement, par des rançonnements devenus monnaie courante, des abus et privations de liberté dignes d’une époque révolue.
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Il s’agit, selon toute évidence, d’une réalité spécifique à ce chef-lieu de cercle où les populations font manifestement les frais de leur continentalité. Faute de projecteurs susceptibles de véhiculer les traitements infrahumains qu’ils subissent, les populations nomades sont si souvent taillables et corvéables à souhait, avec la complicité active ou passive de ceux qui sont sensés leur servir de protection. Le dernier spectacle dramatique du genre a fait frémir plus d’un témoin dans la zone. À la suite du passage de pasteurs transhumants et de troupeaux dans la localité de Dia, instruction a été donnée par le Gouverneur de la Région de Mopti aux autorités de la préfecture de Ténenkou, afin que ces derniers repoussent la colonne pastorale jusqu’à leur base initiale.
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Les éleveurs concernés n’avaient-ils pas le droit d’exploiter l’espace en question ? En tout cas, il n’en fallait visiblement pas plus que cette instruction du Gouverneur pour faire l’affaire d’autorités et agents de l’ordre passés maîtres dans l’art de rançonner de pauvres nomades. Nos sources confient, en effet, que les éléments de la Gendarmerie, qui n’avait souvent besoin d’aucune autorisation pour les besognes du genre, ne sont pas passés de mainmorte pour mettre en exécution l’instruction reçue de l’autorité régionale.
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La commune de Karéri, précisément la très célèbre localité de N’Djoura, a ainsi été l’objet, la semaine dernière, d’une descente beaucoup plus énergique que d’habitude, par des méthodes assez musclées pour semer la trouille dans la zone. Seulement voilà : les gendarmes du cercle de Ténenkou, comme on s’en doute, ne se sont pas contentés d’une exécution orthodoxe de l’ordre émanant d’en haut. En cette veille de Tabaski, ils ont également mis leur expédition à profit pour verser dans les exactions et abus sur fond de libre-service, extorquant sur leur passage les biens d’autrui en nature comme en espèce. C’est du moins les accusations qui ressortent des gémissements à peine audibles de pauvres ruraux plaintifs d’avoir été expropriés de fortunes procurées par la vente des bêtes. Ce n’est pas tout.
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La même expédition policière, confie-t-on, devait occasionner des dizaines d’arrestations arbitraires parmi les mêmes victimes d’expropriation. Nos sources précisent par ailleurs que certains, au bout d’intervention et négociations auprès de magistrats, ont été remis en liberté, tandis que les espoirs de l’écrasante majorité encore en détention reposent sur un collectif systématiquement mis en place pour plaider leur cause. Ledit collectif se chargera en outre d’engager une procédure judiciaire contre les auteurs des abus contre les paisibles éleveurs. Aura-t-il gain de cause ? Wait and see !
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- Keïta
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En attendant son dénouement ou prochaines évolutions, le contentieux qui agite les milieux d’éleveurs en 5ème Région sort de leur réserve les notoriétés les plus discrètes de la zone. Dans le coup de gueule qui suit, le Dr. Témoré Tioulenta, député élu à Ténenkou sous les couleurs de l’Adéma, dénonce les abus commis sur les éleveurs de sa circonscription élective et plaide pour de justice et de respect de leurs droits si souvent piétinés
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Telle une malédiction, les pasteurs peuhls du Macina, dans leur itinérance à la recherche d’eau et d’herbe pour leurs animaux, se retrouvent chaque année entre les griffes acérées des « wangrins » locaux et aux ordres musclés d’agents de sécurité en mission commandée. Ici, le dépouillement d’éleveurs, par ceux-là même qui sont dédiés à leur formation et à leur sécurité, est considéré comme un fait normal, voire banal.
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En fait, il convient de reconnaître que les espaces pastoraux de Ténenkou, plus que partout ailleurs, sont depuis belle lurette – et il faut le craindre pour longtemps – des zones de non droit : une kyrielle de redevances, des rentiers prédateurs, le cachot pour la moindre peccadille…et le silence par tous. Toutes les années ont connu leurs victimes, mais depuis les douloureux événements de 1993, aucune année n’a enregistré de méandres comparables à celles de 2007 : des dizaines de pasteurs arrêtés sans ménagement dans le Karéri et emprisonnés à Ténenkou, des millions de nos francs extorqués, des associations d’éleveurs en révolte, une population en émotion et en effervescence.
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Il est vrai que le cercle là est des plus sous – scolarisés, des moins alphabétisés et des plus enclavés (la route Macina – Ténenkou entend sa réalisation, la téléphonie mobile pratiquement limitée à la ville de Ténenkou et alentours, un terroir quasiment coupé du Mali pendant toute une moitié du Mali). Ceci pourrait-il justifier cela ? Rien, vraiment rien ne saurait autoriser des exactions, des tortures, des vexations et escroquerie (tel que rapporté) impunies dans notre Mali d’aujourd’hui. Non et non ! Ténenkou doit être enfin considéré comme une partie du Mali, ses citoyens, toutes catégories socio – professionnelles confondues, doivent être respectés et soutenus en cas de besoin. Bref, toute la lumière doit être faite sur les incriminations, et des dispositions pratiques et pérennes doivent être enfin prises pour la sécurité et la sérénité sur les pistes de transhumance.
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En tout état de cause, les nuages s’amoncellent sur Ténenkou. Et il convient que les autorités administratives qui connaissent bien le dossier activent le processus de la recherche de vérité. Que la loi soit dite ! Par la même occasion, nous attirons l’attention des associations de défense des Droits de l’Homme et de la presse sur le fait que l’autre Mali attend d’eux une implication pour le triomphe de la vérité.
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Dr. Témoré TIOULENTA, Député à l’A.N
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