Ladji Bourama est un as de la communication politique. Et savez-vous comment il l’est devenu ? C’est en faisant semblant de ne rien savoir des réalités du pays ! C’est bien simple: nul ne pourrait en vouloir à quelqu’un qui ne sait pas. Même le Coran exempte de sanction celui qui commet une faute sans le savoir, n’est-ce pas ? Du coup, la technique de Ladji Bourama ne rencontre jamais de parade. Je m’en vais vous donner quelques illustrations du grand art de notre grand homme.
Quand, au lendemain de la débâcle de l’armée malienne à Kidal, en mai 2014, Ladji est contraint de recevoir en son palais la foule nationale des politiciens (mouvance présidentielle et opposition), il essuie quantité de reproches sur sa totale inaccessibilité. Sa réponse ? “Mais on ne m’a jamais informé de votre demande d’audience, chers amis !”. Avant de promettre: “Cela ne se reproduira plus, inch Allah!”. Bien entendu, avec l’expression “Inch Allah” (“Si Dieu le veut”), Ladji sera tout excusé s’il lui arrive d’oublier ses promesses car tout oubli aura été provoqué par Allah soubhana wa tallah lui-même. Par conséquent, ceux des politiciens qui pensaient désormais obtenir une audience à la première demande courent toujours. Ayant compris qu’ils ne seraient pas reçus à Koulouba avant le retour de Jésus sur terre, l’imam Mahmoud Dicko et son jeune ami, Moussa Bah, ont préféré convoquer un meeting populaire où ils ont descendu dans les flammes le bilan de Ladji. A en croire ces deux chefs religieux, leur ex-ami n’aurait rien fait de bon depuis son élection. “Je reste l’ami d’IBK, mais je ne sacrifierai pas pour lui ma patrie ni ma religion”, peste Dicko. Quelques heures après cette virulente diatribe, voilà les compères reçus à Sébénicoro avec force salamalecs et gigots de mouton. Qui dit que Diakouma n’est pas Wara, que le chat n’est pas un félin à part entière ?
Lors de sa tournée en quatrième région, Ladji Bourama remet le couvert de la méconnaissance des réalités. Devant la population rassemblée à coups de trompette à Bla, jeudi 10 décembre, le visiteur déclare n’avoir jamais su les problèmes d’électricité qui accablent cette ville. “On m’a menti; jamais on ne m’a informé que Bla se trouvait dans l’obscurité; on m’a toujours dit que tout était rose ici!”, gronde le grand chef, un début de larme sur la joue. Problème: quelques kilomètres plus loin, à Ségou, le même Ladji Bourama lance vertement aux représentants de la mouvance présidentielle: “Vous m’avez dit beaucoup de choses fausses; j’ai découvert la réalité car j’ai de grandes oreilles pour entendre tout ce qui se dit!”. Tout tremblants de peur, ses interlocuteurs n’ont pas osé lui demander si les “grandes oreilles” présidentielles ne traînaient qu’à Ségou, et pas à Bla. A moins que lesdites “oreilles” ne détectent pas les ondes électriques…
Est-ce pour obtenir les meilleures informations que Ladji Bourama s’est récemment rendu à la cérémonie de rentrée solennelle des tribunaux, accompagné du directeur de la Sécurité d’Etat en personne ? On peut le supposer. Car, dans les faits, il arrive bel et bien que les “grandes oreilles” de Ladji ne lui apprennent pas grand-chose. Et l’induisent même en erreur. Exemple : en juillet 2015, lors du crash de l’avion d’Air Algérie au Mali, des hélicoptères burkinabè, après avoir survolé la zone de l’accident, révèlent officiellement que l’avion a chuté à Gossi, près de Gao. Deux bonnes heures après ce communiqué burkinabè, Ladji Bourama, recevant la classe politique à Koulouba, affirme que l’appareil s’est écrasé à…Tessalit, dans la région de Kidal. C’est vrai que l’hôte de Koulouba connaît bien mieux Paris que l’Azawad où son Premier Ministre, Mara, a failli laisser sa peau et des fragments du précieux programme présidentiel “Mali d’abord, inch Allah”.
Autre grave panne survenue dans l’univers des “grandes oreilles” présidentielles: il y a un an, recevant l’opposition à Koulouba vers 14 heures, Ladji Bourama déclare que Dr Diomandé, un médecin de la clinique “Pasteur” malade d’Ebola, se porte bien et demande même à manger du “tô” (pâte de mil). Or, tous les opposants présents dans la salle savaient que depuis 11 heures, le pauvre médecin avait succombé au terrible fléau qui l’avait frappé. Tiébilé Dramé, ce “petit monsieur” doublé de “hassidi” qui adore tourmenter ses aînés, se hâtera alors d’apprendre à Ladji le décès de Diomandé. Malheureusement, on n’a entendu aucun sanglot. Faute de “grandes oreilles”?
Enfin, tout le monde se souvient qu’après la défaite de l’armée à Kidal, le Premier Ministre Moussa Mara a raconté à tout venant que le pouvoir politique n’avait pas donné l’ordre d’attaquer les rebelles. Les assertions de Mara seront vite reprises par le ministre de la Communication, Mahamadou Camara. Bien entendu, si Mara et Camara ne savaient pas que l’armée attaquait, il ne fallait pas compter sur Ladji Bourama pour en savoir davantage…
Tiékorobani