La région de Mopti est devenue, par la force des choses, « un Mali » en miniature si l’on en juge par l’augmentation exceptionnelle de sa population d’origines et d’ethnies diverses, provoquée par les déplacés des différentes régions du nord antérieurement occupées. Comme dans le Mali antique construit par les ancêtres, les différentes communautés y vivent en parfaite intelligence. Il est donc à noter que rien dans leurs propos, dans leurs comportements quotidiens, n’indique une appartenance ethnique particulière, une origine géographique déterminée ou une classe sociale spécifique.
Malgré une situation de précarité provoquée par la récession économique engendrée par des mois d’occupation, la solidarité continue de s’exprimer naturellement avec empathie et générosité comme il en a toujours été au Mali. Bien que dans un dénuement presque complet, mais avec la foi en bandoulière, musulmans et chrétiens déplacés cohabitent dans la bonne humeur et envisagent l’avenir avec une surprenante philosophie du dépassement et un espoir peu feint. Cette posture chevaleresque qui se dégage de leurs discours dans leurs causeries ordinaires, a aiguisé ma curiosité alors que la lassitude et le découragement commençaient à m’habiter, en raison de la difficulté compréhensible que j’avais à faire la différence entre les autochtones et ces déplacés assez spéciaux. Surtout que j’avais quitté Bamako, la veille, avec la ferme volonté de recueillir leur sentiment et leur appréciation de la situation post-crise qui peuvent être très utiles dans la recherche de solutions durables pour la paix. Voici qu’une belle occasion s’offre à moi. Après les salutations d’usage, je me mis alors à les interroger sur leurs conditions de vie de déplacés, leurs activités professionnelles du moment, leur appréciation de la crise et leurs projets d’avenir dans un Mal réconcilié avec tous ses enfants. Ils me suggérèrent alors de m’adresser à leurs doyens, assis plus loin devant une maison qui se trouve être celle d’un notable du quartier qui a eu la générosité de les accueillir, en bon malien. Un vieux assis au milieu d’eux me souhaite la bienvenue et m’invite à m’asseoir au coin d’une natte. Après que je me suis présenté en tant que journaliste, le patriarche invite toute l’assemblée à prendre librement la parole et à se prononcer en toute transparence sur les questions que je ne manquerais pas de soulever.
De ces échanges très fructueux, il ressort quelques enseignements très précieux dont les autorités de l’Etat gagneraient à tenir compte pour asseoir une paix effective et définitive partout au Mali, en général et dans les zones conflictogènes du nord, en particulier.
Leur statut de réfugiés n’est pas lourd à porter, car ils ont bénéficié de l’hospitalité du patriarche qui les a spontanément accueillis et partage avec eux les repas et toutes les commodités dont dispose sa famille. Ces propos sont ceux de Mussa Ag, ressortissant de la ville de Kidal qui dit soutenir les revendications légitimes du mouvement MNLA en faveur de politiques ardues de développement au profit des régions nord et de toutes les communautés ressortissantes, sans exclusive. Ces mêmes propos sont relayés par Mouhamed Idriss Ould Hama, un arabe ressortissant de Tombouctou et Albert Dau, un habitant de Gao, qui soutiennent avoir aussi droit à des services adéquats de santé, à l’éducation, à l’habitat et à des moyens de transport dignes, pour eux et pour leurs familles. Ils disent tous privilégier des discussions sincères et inclusives entre l’Etat d’une part et les différentes organisations civiles, partisanes ou indépendantes et les groupes armés qui décident de bannir la lutte armée, d’autre part. Selon eux, le Président IBK qui a hérité d’une situation de crise qu’il n’a pas créée, mérite qu’on lui reconnaisse des préjugés favorables et qu’on lui accorde la présomption de sincérité.
A.B.D