A propos de… Gao, Incendie et insécurité

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Après le marché des légumes, en 2008, c’est celui dit « Washington » qui vient de cramer, à Gao. Dans les deux cas, comme dans ceux du « marché rose » et des halles de Bamako, il y a quelques années, la cause de l’incendie semble imputable à l’installation anarchique de réseaux, primaires, secondaires et tertiaires, d’électricité. Selon les autorités communales, un seul compteur peut fournir du courant à plus de quinze échoppes et autant de boutiques.

Mais ce que les élus ne disent pas, c’est qu’ils sont au courant de la situation, de même que les agents de l’Energie Du Mali (EDM) auxquels les commerçants font appel pour ces branchements illicites et dangereux, de même, également, que les autorités administratives. Tout ce beau monde n’aurait eu aucune difficulté sinon à faire cesser le trafic, en tous les cas à l’amoindrir, vu que le commissariat de police jouxte le marché qui vient de brûler. De plus, le drame, qui a commencé dans la nuit du samedi et a continué toute la matinée du lendemain, aurait pu être circonscrit si les autorités avaient pris le soin de doter la ville d’un bon service de protection civile. Difficile de croire, en effet, que Gao, chef-lieu de région, abritant un aéroport et le plus grand marché du septentrion, ne dispose que d’un seul véhicule d’intervention contre les sinistres et catastrophes, et la protection civile.

On déplore également, après les premières estimations, les pertes en marchandises à plus de plusieurs dizaines de millions de FCFA. Les principales victimes seraient, en plus de commerçants maliens, des Yorubas, venant du Nigeria, du Bénin, du Niger, et vendant des bricoles, et des Arabes, d’origines, principalement, algérienne, mauritanienne, malienne, etc. Il serait intéressant de s’arrêter quelque peu sur la nature des marchandises que vendent ces Arabes. Outre les traditionnels tissus, dattes, sel, etc., ces Arabes excellent surtout dans la vente de téléphones portables GSM, de téléphones satellitaires, et des cartes de recharge en crédits pour tous ces gadgets.

Or, ces téléphones satellitaires constituent les plus grands et les meilleurs moyens de communication des contrebandiers, trafiquants, bandits armés et terroristes opérant dans le vaste désert malien. Si, comme à le rappeler le chef de l’Etat, aucun Occidental, hormis le Français Pierre Camatte, n’a jamais été enlevé sur le sol malien, la bande sahélo saharienne, côté malien, a toujours servi de lieu de séquestration d’otages enlevés ailleurs. Dans une zone incontrôlée et, semble-t-il, incontrôlable par les forces armées et de sécurité, les hors-la-loi de tous bords bénéficient d’une extraordinaire capacité de mobilité, de camouflage et de refuge. Tout cela au nez et à la barbe des autorités, mais surtout grâce à un système d’alerte et d’information rendu possible par les nombreux téléphones satellitaires « Thuraya » qui pullulent dans la région.

En effet, il est difficile et rare de voire un Touareg ou un Arabe sans cet appareil, grâce auquel ils déjouent la vigilance des douaniers et des armées et de sécurité. Et si beaucoup de ces terroristes et trafiquants se vont envoyer des crédits à partir d’autres pays (essentiellement, Arabie Saoudite, Libye, Algérie), la plupart d’entre eux se ravitaillent sur le marché « Washington » à Gao où ils disposent de solides réseaux. Ces mêmes commerçants arabes ont également longtemps accusés de fourguer des armes et des munitions, et de blanchir l’argent issu de quelques ventes illicites. Pour l’heure, en l’état des dernières informations, aucune arme, même carbonisée n’a été retrouvée sur le lieu de l’incendie, de même, personne n’a entendu d’explosion suspecte de munitions.

Toujours est-il que, l’incendie du marché « Washington » fait croire à plusieurs observateurs que les activités des contrebandiers, trafiquants, terroristes et bandits armés vont connaître, pendant quelques temps, une baisse d’intensité. Le temps pour les commerçants, complices, complaisants ou simplement cupides, de se refaire une santé financière, et recharger les boutiques. Et si cela se réalisait, les autorités et les forces armées et de sécurité n’auront plus aucune excuse, elles auraient fait semblant de ne rien voir, de ne rien entendre, de ne rien dire.

Difficile, dans ce cas, de faire croire aux partenaires occidentaux, dans la lutte contre le narcotrafic, la traite des Blancs, et le terrorisme, qu’elles sont impuissantes à contrôler le nord. Parce que la ville de Gao, même avec plusieurs entrées et sorties, et le marché « Washington », fut-il grand et important, sont à la portée des forces armées et de sécurité les plus mal équipées et dotées en moyens matériels, financiers et humains. Il est vrai que les contrebandiers bénéficient de complicités au sein des populations locales, notamment dans les quartiers Aljanabandia, Sossokoïra et Château, mais il y a d’énormes chances que ces complices soient déjà identifiés, connus et répertoriés par les forces de l’ordre, qui les ont ,depuis longtemps, dans leur ligne de mire.

Les dénégations ne sont donc plus de mise, ni d’actualité. Comme dit l’autre, « quand il faut y aller, il faut y aller ». C’est le moment de remettre certaines pendules à l’heure. Même si les ripoux, qui ne manquent jamais et qui sont tapis dans les rangs des gabelous, pandores et autres bidasses, rechigneront à s’exécuter, en raison des bakchichs qui s’éloignent.

Cheick Tandina

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