Pour ne pas gêner l’édition de l’ouvrage, nous avions été amenés à surseoir à une longue interview que le PDG du Groupe Simaga nous avait donnée). Le Livre « Une autre face de Ségou » qui est publiée par les Editions Yeredon et l’Harmattan s’est voulu fidèle aux propos de Bamadou Simaga ; il est rédigé dans un style direct et montre un Bamadou Simaga, pour la première fois assez disert mais toujours égal à lui-même. Quelques bonnes feuilles de ce livre que Bamadou Simaga nous a envoyé ! Les intertitres sont de la rédaction
Le car fétiche porte le N°11
« En 1977, j’ai eu la chance et l’opportunité d’acquérir la SOMATRA. On a donc commencé par des camions porteurs, des semi remorques. Et petit à petit, on s’est lancé dans le transport par autocar, face aux nombreux dégâts des taxis-brousse, avec une seule unité. Notre premier autocar est de marque Mercedes Type 302, c’est le car N°11, c’est le fétiche chez nous, on le garde soigneusement. Il marche encore et on le garde comme une pièce de musée ».
LA JSS, ŒUVRE DE SIMAGA
« La rivalité Bamako Ségou passait aussi par le football. On était les ramasseurs de ballon (…). Ayant pratiqué du sport sur le terrain, de part ma constitution physique trapue, j’étais une barrière infranchissable. Autant à l’avant centre pour faire du forcing, autant à l’arrière centrale. Apres nos aînés, il y a eu la période de fusion des deux clubs, la Jeanne d’Arc et l’Association Sportive de Ségou et on m’a nommé comme Président. Apres mûre réflexion sur la dénomination du nouveau club, ce fut la Jeunesse Sportive Ségovienne (JSS). C’est moi qui ai donné le nom JSS et c’est moi qui fus le premier président »
FIERS DE NOTRE CASTE
« La caste Simaga, au Diafounou, veut dire « le propriétaire de cheval » et quand on nous fait des éloges, on nous dit Simaga Gori. Parce qu’il y a deux Simaga, les Simaga Dougoutake, c’est les Simaga forgerons dans le cercle de Banamba. Nous sommes les Simaga Gori du Diafounou. On s’en glorifie. Et on a eu tous les avantages dans la cordonnerie. C’est un métier. Nous les Simaga, en tant que cordonniers, on est fiers de notre caste »
LES SIMAGA ET L’OPERATION TAXI
« En 1960 déjà, on avait une douzaine de camions T 46. Il y a eu après la Milice Populaire qui dirigeait « l’Opération Taxi » pour contrôler les fonctionnaires véreux qui faisaient du commerce. Un samedi matin, ils ont débarqué à la Mairie de Ségou. Tous les véhicules de Ségou étaient parqués là pour le contrôle des cartes grises. Ce jour-là, on avait un convoi de Bamako à Mopti, soit une demi-douzaine de Citroën flambant neuf. Arrivé à la Mairie, les miliciens ont sifflé et garé notre convoi. Prévenu, je me suis rendu sur les lieux et le patron des miliciens, un certain Mamadou Camara, un vieux maintenant, qui a travaillé à la SOPROMA leur a ordonné de laisser passer les camions Simaga. Ce fut une fierté pour nous, dans notre ville natale »
QUAND SIMAGA FAIT QUITTER SEGOU DANS LE NOIR
« En 1976, Ségou et Markala étaient dans le noir. Le DG d’EDM, un ami, Batié Sow et son entreprise avaient besoin de deux groupes de 600 KWA couplables et tropicalisés. Les deux groupes qui restaient à la SDMO (Société de Diffusion des Moteurs de l’Ouest) avaient malheureusement déjà connu une avance de payement par EDF (Energie de France). Quand je suis arrivé à Brest, en compagnie du chef service commercial, Mr Couanon, nous avons rétorqué que dans notre position de pays en développement francophone, de pauvre type, la priorité nous revenait, surtout qu’EDF n’était pas en panne sèche. Nous avons écrit à EDF pour nous céder ses groupes et j’ai communiqué mes coordonnées bancaires à l’agence bancaire de Brest à travers le Crédit Lyonnais de Paris. Ils ont affrété un DC 8 Cargo pour les groupes et j’ai payé cash le fret avion au départ et à 22 heures les groupes ont atterri à Bamako. Le même jour, j’ai mobilisé mes semi remorques en plateau pour accueillir mes groupes et le dimanche matin à 8 heures, les groupes étaient à la Centrale Electrique de Markala. Apres 8 mois d’obscurité, les gens n’en revenaient pas. Kouyaté le chef de la centrale m’a dit : « Simaga, tu es devenu un Saint, ce n’est pas l’argent mais le Bon Dieu qui va te payer ». C’était la fête au village. Comment EDM m’a payé ? Ils n’avaient pas d’argent. Ils m’ont dit qu’ils allaient me rembourser en 36 mois. Le délai de payement n’a pu être respecté. Je suis entré comme ça dans le monde des groupes électrogènes avec la SDMO où on me considère comme le 2eme patron de l’Afrique »
L’HONORABLE MOUSSA BALLA DIARRA EST MON PRODUIT
« Je fus son 1er employeur quand il a quitté l’ENI. Sans emploi, il voulait aller dans l’armée et je l’ai recruté quand il faisait des retouches de peinture d’un panneau devant ma boutique à la Place du Souvenir. Quand il m’a pris par mon nom « Bamadou », je lui ai demandé s’il me connaissait. Il me répondit qu’il est de Ségou, de la famille Diarra, le fils de Samba Diarra qui fait du jardinage. Arrivés à Ségou, on a fait un contrat. Il a fait plus de 10 ans chez moi en tant qu’ingénieur électromécanicien. C’est moi qui l’ai formé en l’envoyant 4 fois suivre des stages »
LE PLACEMENT IMMOBILIER DE DIBIDA
« En 1975, Lescut, promoteur de la Société Soudanaise de Transport a décidé de rentrer définitivement en France pour des raisons de santé et de problèmes avec les autorités, il a eu peur de Tiecoro Bakayoko. En partant, il a proposé de tout me vendre quand je lui ai demandé d’acheter une partie de son patrimoine immobilier pour parquer mes véhicules (…) On a négocié, on a vu le notaire et il m’a vendu tout ce patrimoine immobilier. Tout l’ensemble. Soit un hectare au marché de Dibida Une chance inouïe. Même le chien, je l’ai acheté. Il s’appelait Zorbaï »
GOUVERNANCE MILITAIRE
« En matière de gestion, j’ai toujours dit que chez moi, dans ma gestion, il n’y a pas d’amis, pas de parents, pas d’amis, pas de parents. C’est pourquoi, on m’a traité d’un peu de tout à Ségou. Je dis d’accord, mais je suis net avec ma conscience, je ne cherche pas à faire du mal à quelqu’un. Mais je ne vais pas me laisser dilapider par des gens. J’ai toujours dit « nabaraya, fiyentoya, wulunin ye do kè a bèe la » (paralytique, aveugle, le chiot est passé par toutes ces étapes). Je vis avec les chauffeurs, les mécaniciens, j’ai fait tout ce parcours, j’ai fait le convoyeur et je connais leurs combines, j’ai fait le coxeur, je connais. Je peux fermer l’œil mais je sais comment les coincer. Des gens mal intentionnés disent que je suis méchant. Non, je ne suis pas méchant mais je suis intègre, ce qui fait deux»
MA PLUS MAUVAISE AFFAIRE : LA BETRAM
« Quand l’Etat malien a crée la BETRAM (Base pour l’Equipement du Transport Routier au Mali) c’était pour faire face à la maintenance du parc administratif. Apres le désengagement de l’Etat recommandé par les institutions financières internationales, nous avons acquis la BETRAM pour assurer la maintenance de notre propre parc de transport et pour d’autres utilisateurs. On pensait faire une bonne affaire. Il y avait les sections mécanique générale, usinage, froid, électricité, rectification etc.…On a fini par comprendre que l’Etat s’en est débarrassé à juste raison. Parce que tous ces mécaniciens salariés de la BETRAM avaient leur propre garage en ville. Ils convoitaient et détournaient notre clientèle en leur disant qu’ils en ont pour une semaine chez nous, facturés à 100 000 F contre deux jours chez eux à 20 000 F (….). C’est pour vous dire que l’acquisition de la BETRAM a été une mauvaise affaire, désastreuse à cause de la moralité du personnel ».
MES CONCURRENTS : BEIDI, TIPODIA, AMARY ET BITTAR
« J’ai toujours cherché à œuvrer avec une méthode plutôt scientifique que traditionnelle. Ce qui a fait la différence de mon exploitation avec la « Bonne Etoile » de Beidi Traoré, avec Tipodia de Basalif Koné et également d’Amary Daou qui n’a pas pu tenir le coup (….). Je n’ai jamais eu peur de la concurrence (….) Les Bittar dont vous faites allusion ne sont pas des professionnels, des amateurs qui se lancent dans l’opération parce qu’on gagne-gagne mais pour moi, ce sont des choses qui ne font pas long feu »
QUID DES ŒUVRES SOCIALES DE SIMAGA ?
« 75 à 80 % de mon effectif provient de Ségou. A certaines périodes, j’étais le plus grand employeur de Ségou, plus que l’effectif de l’Office du Niger, avec plus de 400 emplois directs. Les œuvres sociales, je n’en fais pas de tintamarre. Distribuer mon argent aux griots, ça je ne le ferais jamais parce que je n’ai pas eu l’argent comme ça. Je l’ai eu à la sueur de mon front. Si tu mènes une enquête au niveau de tous les imams des quartiers, si ce n’est pas une mosquée finie, c’en est une que nous avons construite ou que nous payons les frais d’électricité. Nous avons fait sortir Ségou du noir, du manque d’électricité…. »
La Rédaction