« Sauver Diarafarabé » : Un projet d'envergure et un cas d'école

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13,6 milliards Fcfa de fonds publics paieront la protection renforcée des berges, le dragage du lit du Diaka et la construction d’un pont de plus de 200 mètres.

Le village de Diafarabé est une presqu’île située à l’entrée du delta intérieur du fleuve Niger. Il est menacé aujourd’hui de disparition. Diafarabé est le chef-lieu d’une commune rurale de 13 villages qui totalisent 10 000 habitants. La bourgade a été fondée en 1818 dans le cercle de Ténenkou en 5è Région. Elle se trouve à 438 kilomètres de Bamako. Comme le pont d’un gros navire, le village est logé là où prend naissance le plus important défluent du Niger, le Diaka, qui s’étire sur environ 200 kilomètres. Il constitue le tiers du débit du fleuve, dans les conditions normales d’écoulement, selon les spécialistes.

Cette position géographique de Diafarabé le contraignit à une opposition frontale avec le fleuve depuis bientôt 2 siècles maintenant. Après avoir longtemps résisté à l’érosion fluviale, le village commence à céder à l’agression constante et soutenue du grand Niger. Ce qui était jadis un îlot de prospérité où convergeaient les habitants du pays entier est aujourd’hui au bord de la ruine. Face à la situation, le président de la République a instruit le Projet “ sauver Diafarabé ”. Il consiste à protéger les berges du village, curer le lit du Diaka et construire un pont sur ce bras du fleuve pour rendre le village accessible en toute saison.

UNE TECHNOLOGIE ADAPTEE. Le chantier de cet important projet dont les travaux ont commencé en décembre 2009, a été visité au début de la semaine dernière, par le ministre de l’Environnement et de l’Assainissement, Tiémoko Sangaré. Il était accompagné du gouverneur de Mopti, Mamadou Diarra, du directeur général de l’Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN), Hamidou Diakité, ainsi que du maire de Diafarabé, Lamine Djiré, et de plusieurs responsables politiques et administratifs de la localité. Composé de trois lots distincts, le projet a été confié à trois grandes entreprises, sous la maîtrise d’ouvrage de l’Agetipe.

Ainsi, c’est à la Société malienne de dragage et de travaux publics (SMDTP) qu’est revenue la lourde tâche de protéger les berges. C’est la première fois au Mali, qu’on réalise un tel projet, constate le patron de la SMDTP, Alassane Guittèye. Compte tenu de la position du village par rapport à l’écoulement du fleuve, il faut une protection renforcée des berges qui puisse résister à la force de l’eau, indique-t-il. Cet entrepreneur expérimenté qui a participé aux travaux de dragage du Nil avec l’entreprise française Bouygues, explique qu’il faut, pour le cas de Diafarabé, une technologie adaptée. Il s’agit d’élever un véritable mur de protection par des feuilles de planches métalliques inoxydables pesant chacune 200 tonnes. Ces rideaux en acier, appelés palplanches, seront disposés sur 500 mètres dans la partie centrale du front d’attaque. Les palplanches peuvent résister à toute forme d’érosion pendant trois siècles. Le travail consiste à enfouir les palplanches dans le sol à une grande profondeur.

C’est la fondation du système de défense. Le deuxième niveau du mur sera fait en béton armé. Il délimitera la zone d’habitation. Et les murs en bajoyers indiqueront la limite des protections. Les extrémités, dotées d’un système de protection flexible, s’adapteront aux caprices de mouvement du Diaka, précise Alassane Guittèye. Sa réalisation coûtera 6,6 milliards Fcfa. Au même moment, les travaux de curage du lit fleuve se poursuivent. Une autre entreprise malienne, la Société d’extraction de sable et gravier Environnement (SESG-Environnement), est chargée du désensablement du lit du Diaka sur une longueur de 2,950 kilomètres et une largeur de 200 mètres. Le coût de ces travaux est estimé à 2,6 milliards Fcfa. La délégation ministérielle a assisté à une démonstration de dragage au milieu du fleuve.

Le directeur général de la SESG-Environnement, Abidine Aly Yattara, a expliqué, son rôle dans le projet. “ Nous sommes chargés de curer le lit du fleuve afin de rendre l’écoulement de l’eau plus facile ”. Il s’agit d’enlever le sable et l’évacuer à une distance importante à l’aide de camions bennes. Ce travail demande beaucoup d’efforts financiers et humains, a indiqué Abidine Aly Yattara. Tout en assurant que le défi sera relevé dans un délai de 10 mois comme le stipule le contrat.

UNE PREMIERE EN AFRIQUE. Le ministre Tiémoko Sangaré s’est ensuite rendu sur le site du futur pont de Diafarabé. Cet ouvrage de franchissement sur le Diaka sera construit sur 221 mètres de long. Il sera constitué d’un pont en béton armé et de 2 digues de raccordement en rive. Les travaux sont confiés à l’entreprise chinoise, CGX pour un délai d’exécution de 30 mois. Le coût des travaux est évalué à 4,3 milliards Fcfa. Soit un coût total de réalisation de 13,6 milliards Fcfa financé par le budget public. Les travaux avancent, a constaté Tiémoko Sangaré. “ Je suis satisfait à plus d’un titre ”, a-t-il déclaré. Car, au-delà de l’opportunité du projet, le chantier de Diafarabé est un cas d’école.

A partir de cette première expérience, nous pouvons désormais nous targuer d’avoir un patrimoine technologique en matière de grands travaux comme celui-ci dont notre pays a tellement besoin pour son développement, a estimé le ministre. Un autre élément réconfortant a été l’adhésion des populations de Diafarabé, relèvera-t-il. Car, des sacrifices ont été consentis pour la réalisation du projet, à travers le déguerpissement de certaines familles riveraines des sites du chantier. S’il est réalisé, le projet de Diafarabé constituera une première en Afrique. Car, il s’agira de sauver et de reconstruire un village sans le déplacer.

L’aménagement des berges et le curage du lit donneront un aspect esthétique très attrayant au village. En même temps, ses habitants vivront désormais en toute sécurité sans crainte d’inondation ou autre catastrophe naturelle. Le pont de franchissement contribuera à connecter le village au reste du pays, sans recourir au transport fluvial. Rappelons qu’une autre originalité du projet est la conservation du site historique de la célèbre traversée des bœufs sur le Diaka.

L’Essor du 15 juin 2010


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