ATT, les sphinx I et Sphinx II : La diversion du clan

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Je suis comme tous les démocrates maliens quant à la polémique en cours autour de l’ouvrage paru aux éditions l’Harmattan intitulé «Att-cratie : la promotion d’un homme et de son clan ». Comme tous les patriotes, je suis peiné par la sécheresse intellectuelle du débat et les tentatives sournoises d’occulter les vraies interpellations et la problématique substantielle posée par le Sphinx (en tant qu’auteur ou collectif d’auteurs).

Mon opinion, dira-ton, sur la question est forcément celle d’un intellectuel partisan et engagé, mieux d’opposant caché comme celle de tous ceux qui osent aujourd’hui s’exprimer avec courage sur la gouvernance en posant les vrais problèmes et en prospectant des solutions qui sortent des sentiers battus.

Notre pays a basculé depuis quelques mois dans une spirale mensongère, dilatoire et délatrice. Déjà fortement étourdi par la gestion catastrophique et peu patriotique de la rébellion de mai et éreinté par la gestion des accords dits d’Alger, accords que mon parti a dénoncés, le pouvoir d’ATT avec ses suppôts a été totalement assommé par la publication du livre «Att-cratie : la promotion d’un homme et de son clan » pour la raison simple que ses plumitifs n’ont rien à répondre aux révélations du Sphinx. Comme un accusé pris en flagrant délit dans le box, le pouvoir d’ATT se cherche une circonstance atténuante dans l’illusoire identité de l’auteur du livre qui, pour ma part, est loin du pamphlet dont les courtisans se scandalisent tant. Pour tous ceux qui ont eu le courage de le lire à tête reposée et sans aucun préjugé, on ne peut que s’accorder sur la politesse et la correction remarquables de l’auteur.

Mais on le sait depuis la nuit des temps : quand on n’aime pas son chien, on l’accuse de rage ! Dans cette litanie de nabots, qui ne satisfait ni l’intellect ni la beauté du style, le Sphinx est traité par procuration de tous noms d’oiseaux avec une constance de lâcheté qu’on lui prête même sous la plume de respectables journalistes, hommes de lettres et de culture. Hier, les combattants de la liberté et du pluralisme ont usé à grand frais du tract, aujourd’hui le débat démocratique se fait virtuellement sur Internet sans aucune possibilité de savoir qui est derrière une adresse électronique ou un site internet. Les combattants de la démocratie d’hier et les internautes d’aujourd’hui sont-ils donc tous des lâches ?

Le régime pris dans la tempête

Qu’est-ce qui est important, la vérité elle-même ou celui qui l’exprime ? L’idée ou l’auteur ? Ce que dit le Sphinx ou le Sphinx lui-même ? Pour le pouvoir d’ATT, ses terroristes de la plume et mercenaires intellectuels, la seule question qui vaille est celle-ci : qui est le Sphinx ?

Comme on le voit, dans notre démocratie, les débats de fond sont toujours noyés dans des questions bassement personnelles. Et, on le sait, la fâcheuse habitude des gens à court d’arguments, c’est de toujours personnaliser le débat. Dès lors, le livre «Att-cratie : la promotion d’un homme et de son clan » est devenu «l’affaire Sphinx » qui cherche avec la «torche allemande » derrière tous ceux qui ne soufflent pas dans la même trompette que le pouvoir ou ne chantent des cantiques griotiques pour ATT. C’est ainsi que tout le monde a vu les services de la présidence de la République accuser sans aucun fondement, de manière aussi gauche que puérile, le camarade Ibrahim Boubacar Keïta d’être l’auteur du livre. Beaucoup de journalistes, de bonne foi (je présume sincèrement) ont été trompés et poussés à relayer des accusations insidieuses sans fondement contre notre parti et ses principaux responsables d’avoir commis un mystérieux «comité de rédaction» pour rédiger ce qu’on continue d’appeler un tract contre ATT. L’affabulation grossière et grotesque, pour reprendre une expression chère au camarade IBK, n’a résisté à l’épreuve de la vérité et des faits. Avant même la mise au point du Sphinx suite à des révélations d’un groupe d’agents secrets dissidents révélées au grand jour sous le nom de Sphinx II, ceux qui avaient accusé le Rassemblement pour le Mali se sont vite rebiffés et accusent pêle-mêle un avocat, un ancien ministre, un banquier, des journalistes par-ci, les adversaires politiques par-là… Finalement, la traque du Sphinx est devenue le bâton de l’aveugle, les accusations vont dans tous les sens au point de se demander si nous avons au Mali un pouvoir qui a encore le sens de l’orientation, de la mesure et de la sérénité. Toutes les pistes planifiées depuis Koulouba ont abouti à une impasse, et le crédit du pouvoir est en train d’en pâtir fortement. Comme aime à le dire le camarade Ibrahim Boubacar Keita, Allah ka tignè demè !

Les soupçons calculés, les accusations distillées et les contre-vérités fabriquées de toutes pièces ont atteint leurs limites. Aujourd’hui, tous les démocrates et patriotes de ce pays sont édifiés et savent que le contenu du livre «Att-cratie : la promotion d’un homme et de son clan » est loin d’être une fastidieuse compilation d’articles de presse. Sinon pourquoi le pouvoir s’arrache-t-il les cheveux pour démasquer le Sphinx ? Sinon pourquoi cette débauche d’agitation au risque du ridicule pour mettre coûte que coûte ces révélations sur le compte d’un adversaire politique ?

Les aveux du clan

En effet, en ciblant principalement ses adversaires politiques notamment le camarde IBK et le vice-président de l’Adéma, Soumeylou B. Maïga, le pouvoir ne cherche pas seulement à les compromettre en vue de la présidentielle de 2007, en vue de laquelle aucun des deux hommes politiques n’a fait mystère de ses intentions au grand dam du clan, le pouvoir tente désespérément de discréditer un livre jugé à 80% vrai en secret par d’éminents membres du même clan. Il est symptomatique, pour tous ceux qui s’attardent sur la littérature journalistique, que le pouvoir d’ATT, jusqu’ici, n’ait pas pris le risque de contredire véritablement le Sphinx. Ceci explique-t-il cela ou le pouvoir veut-il assurer ses arrières dans la perspective de la parution du second tome que le Sphinx a brandi comme une épée de Damoclès ? Aussi, faut-il comprendre qu’à part le faux Docteur Kissima Gakou, très vite mis à sa place dans la mise au point, tous les membres du clan font le mort de peur de se voir figurer en bonne place dans un chapitre du prochain tome.

Entre temps, le pouvoir organise et planifie la diversion, le dilatoire et la délation. Ce n’est plus IBK, ce sont ses folliculaires ; ce n’est plus Boubèye, mais un de ses petits plumitifs, Aliou Berthé, et comme par hasard ami et promotionnaire de deux grands journalistes qui font aujourd’hui la fierté de la presse malienne : Sambi Touré et Tiégoum B. Maïga ! Il est vrai que le ridicule ne tue plus dans le Mali piloté par ATT. Sinon est-il si difficile de connaître qui est le Sphinx ?

En réalité, le pouvoir d’ATT n’a jamais cherché à trouver le Sphinx, à briser les règles de l’anonymat choisies pour la publication de ce livre d’une part et à répondre aux révélations sur sa gestion calamiteuse. Les menaces de procès brandies ne sont à mon avis que pur bluff, car le pouvoir d’ATT, très reconnaissant à l’égard de son mentor hexagonal, ne veut pas prendre le risque d’entrer en conflit ouvert, sur des faits difficilement contestables, avec la grande maison d’édition de Paris. En effet, un procès intenté contre l’Harmattan par le pouvoir d’ATT peut à maints égards avoir un effet boomerang et désastreux sur son crédit par l’effet de médiatisation que cela pourrait avoir. Parce que ne l’oublions pas : ATT n’est pas Bongo ou Sassou pour risquer un procès contre un journaliste ou un éditeur français.

Déficit d’arguments ou pantalons troués

Par ailleurs, la sclérose du débat et la polémique périphérique sciemment entretenue autour de l’identité dénotent, comme l’ont fait remarquer la plupart des observateurs et des journalistes objectifs, l’embarras du pouvoir à s’engager dans un exercice de véritable polémique avec le Sphinx, ou tout au moins un droit de réponse comme celui dont la présidence sénégalaise a usé à la suite de la parution du livre «Wade, un opposant au pouvoir ». Aussi, l’argumentaire rase les bas-fonds et esquive toutes les révélations contenues dans le livre. Seul un journaliste qui s’est très vite ressaisi du reste s’était essayé à  l’exercice de contradiction du Sphinx. Mais au lieu d’aider le palais, le journal a plus enfoncé le clou en renforçant le Sphinx, car il a clairement dit sans être contesté que Mme la présidente est propriétaire d’une bâtisse coquette de plusieurs dizaines de millions construite sur les berges du fleuve. Comment une simple sage femme a-t-elle pu acquérir une villa à prix d’or avec son salaire, car selon le même journal, Mme la présidente a acquis la propriété avant l’élection de son mari à la présidence. A-t-on expertisé la villa de Mme la présidente ? Sans faire de comparaison osée, le Mali démocratique a poursuivi, jugé et condamné à mort une de ses premières dames pour avoir possédé quelques minables comptes bancaires, des bijoux et une ferme.

Tant que ce sont les chasseurs qui les racontent, les récits seront toujours à la défaveur du gibier. Aujourd’hui, les méchants, ce sont les Sphinx, les IBK et les Boubèye. A court d’arguments, le pouvoir instrumentalise les médias, met en mission ses courtisans alimentaires, suscite des insultes et met notre parti en index. Mais comme l’a dit le camarade Boubacar Touré, honorable député de Niono, le Rassemblement Pour le Mali (RPM) ne pêche pas ses arguments dans les caniveaux et n’a pas coutume de s’attarder sur des détails personnels lorsqu’il s’agit de débat sur les principes et ses prises de position n’ont rien de personnel. C’est pourquoi, notre parti, sereinement, a laissé le chien aboyer, pardon le temps faire son œuvre et la vérité jaillir après l’hystérie du clan. Notre parti est aujourd’hui à l’aise et fondé à ester en justice contre la présidence de la République qui l’a accusé gratuitement d’être l’auteur  de Att-cratie et d’être le commanditaire du Sphinx avant de tourner ses affabulations contre Boubèye.

La hantise de 2007

Mais la vérité, tout le monde la connaît : faire diversion au maximum autour de l’identité du sphinx pour faire d’une pierre faire deux coups. En portant des accusations aussi graves que légères contre ces personnalités comme nous l’avions expliqué, le pouvoir tente de minimiser la portée et l’impact et le succès du livre sur son propre crédit qui a pris depuis quelques mois un sérieux coup. D’autre part, en maintenant artificiellement la polémique autour de l’identité du Sphinx, le pouvoir espère distraire l’opinion pour perpétrer ses petits coups-bas comme celui qu’il a fait contre le Rassemblement Pour le Mali à l’occasion de la mise en place de la Ceni et l’élection de la chambre de commerce et d’industrie du Mali. Dans les deux cas, c’est un pouvoir manœuvrier qui a été pris la main dans le sac avec des méthodes qui jurent à tous points de vue avec les principes républicains et de démocratie.

Comme on le voit, tout ceci cadre avec une hantise, une fixation qui ne trompe plus personne au Mali : 2007, 2007, 2007 ! Le Sphinx peut tout dire, tout écrire, tout révéler, cela importe et importera peu pour ce pouvoir dont la seule préoccupation est de franchir le cap fatidique de 2007. La seule chose qui a retenu l’attention et donne le cauchemar au clan, c’est quand le Sphinx invite ATT à ne pas briguer un second mandat : «C’est compte tenu de toutes ces dérives totalitaires et du manque d’autorité de l’État, que nous vous prions Monsieur le Président Amadou Toumani TOURE de ne pas briguer un second mandat en 2007 afin de sortir par la grande porte et de préserver les acquis démocratiques en évitant à notre pays une autre révolution sanglante, une violence post-électorale et la désagrégation de l’intégrité territoriale eu égard à la négociation scélérate qui a débouché sur les « Accords d’Alger » ».

Ça ce n’est pas rentré dans l’oreille d’un sourd. Pour le reste, les scandales de corruption, magouille, affairisme et le trafic d’influence, l’affaissement de l’autorité de l’Etat et les pratiques de la « securitate », on n’en parle pas, en tout cas le pouvoir ne s’en préoccupe pas outre mesure. Ceci ne vous rappelle-t-il pas une autre époque où la règle était : fais tout sauf toucher à mon pouvoir ? C’est pourquoi comme beaucoup d’observateurs, je pense que ce pouvoir est prêt à tout sacrifier pour se maintenir : la paix et l’unité nationale (on l’a vu avec l’accord dit d’Alger), l’autorité de l’Etat sapée et défiée quotidiennement (le sort de nos compatriotes tués en cote d’Ivoire ou expulsés de France, d’Espagne, d’Angola, de Libye, du Maroc…), le crédit de la République (consulat lybien à Kidal ou la cogestion de Kidal avec l’Algérie) et la moralité de la gouvernance (tous ces scandales relayés dans Att-cratie et dans la presse).

Hypothèque sur les élections

La diversion sur les routes, le cellulaire hier, les tracteurs et le millenum challenge aujourd’hui, entrecoupés d’un consensus mou, d’une stabilité de façade et d’une paix trompeuse ne font et n’y feront rien. Ce pouvoir est disqualifié, de mon avis de militant engagé du Rassemblement pour le Mali et de patriote malien, pour conduire à nouveau le destin de notre vaillant peuple.

Car, le peuple et sa confiance ? ATT et son clan n’en ont cure ! Or, comme chacun le sait, « les carrures et les statures ne se décrètent pas. Elles se façonnent, se préparent. On y veillera tant au plan intérieur qu’international. Le pouvoir et son appui diligent permettent tout et tous les espoirs sont dès lors permis. Le reste, avec la bénédiction, la disponibilité et la complicité active des opportunités fécondées par diverses trahisons, ne sera que jeu d’enfant »

Et comme pour paraphraser le camarade IBK, toute la mascarade à laquelle nous allons tous assister et participer, consciemment ou inconsciemment en 2007, si l’on ne prend garde, n’aurait aucun autre but que la nomination prochaine de celui qui veut s’incruster envers et contre le bon sens, ses limites objectives, la faillite et l’affairisme de son clan.

« Mais Dieu Tout Puissant veille et protège le Mali. Tout a été mis à nu. Tout est découvert. Le peuple en ses diverses composantes a tout compris ; il est en colère. Vous êtes en colère. C’est normal. Il est furieux et profondément indigné. Vous êtes furieux profondément indignés, c’est légitime. » C’est pourquoi, nous pensons que le peuple qui est suffisamment informé ne se laissera pas cette fois-ci abusé et chassera par les urnes ATT et son clan s’ils restent sourds à l’invite patriotique du Sphinx. A bon entendeur, salut et à très bientôt.

Bamako, le 30 octobre 2006

Nancouma D. CAMARA

Consultant indépendant

Cadre RPM, Section IV Bamako

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