Nous sommes de ceux qui se sont toujours opposés à cette image de la démocratie malienne : celle d’une longue procession d’ooportunistes, de courtisans, de laudateurs et autres zélateurs de tous acabits chantant et dansant les louanges d’un Chef élévé au rang de Divité vivante. Nous avons sur ce terrain une longeur d’avance sur le Sphinx. Pour preuve, ces extraits d’un éditorial publié dans ces mêmes colonnes en 2003 :
«Dans le Mali d’aujourd’hui, tout se passe comme si la République était divisée en deux : le Mali d’ATT et du Clan, officiel avec ses nouveaux concepts et procédés, son nouveau langage, ses nouvelles éminences grises, tout parées et tout drapées suivant l’inspiration et le style (jusqu’au vestimentaire) du Chef. Ce Mali, c’est le bon côté, le bon choix où il suffit d’acquiescer, de mettre en congé ses opinions et ses convictions, de chanter les mérites et la clairvoyance du Chef (et de s’habiller comme lui pour les plus zélés des opportunistes) pour changer la trajectoire d’une carrière déjà compromise, pour être sur la rampe de lancement d’une prometteuse carrière dans l’administration d’Etat ou dans de florissantes affaires. Le Mali du Clan, c’est le Mali de la suffisance et de l’arrogance fraîchement affichée. Ce Mali-là, c’est celui de la prime à l’opportunisme roublard, de la sinécure et prime à l’incompétence et à l’amateurisme.
De l’autre, le Mali des autres subissant les affres de la conjoncture et de la boulimie rampante d’un régime de plus en plus narcissiste qui n’a d’excellence que les éloges et louanges au Chef. Ce Mali là, c’est le Mali du petit peuple qui vivote, qui rumine son désespoir et sa colère, qui refuse de joindre sa voix à l’ode et à l’élégie du Chef vénéré… »
Le refus de la médiocrité
Ce Mali là est toujours de mise, et notre conviction inébranlable en la médiocrité du système. ATT-cratie, c’est aussi cette médiocratie débonnaire et narcissique qui charrie incompétence, imprévoyance, insouciance, irresponsabilité et impunité dont nul patriote ne peut sa satisfaire. Et tout cas, en ce qui nous concerne, nous l’avions dit dans le premier épisode de cette série : nous ne nous safisferons jamais de la médiocrité au service du Mali.
La meilleure réponse aux «contre-vérités » du Sphinx, ce sont les réalisations et le bilan fort élogieux du président ATT. Nous le voulons bien, à condition qu’on batte les cartes et qu’on sonne l’heure du bilan. Si seulement, on savait toute cette agitation, voire agression verbale, déserre plus qu’elle sert le président ATT ! Les routes, les ponts, le GSM, les ARV, les céréales, les pluies provoquées… ! Et c’est tout. Après, qu’est-ce qu’il y a ? La corruption, l’affairisme, le trafic d’influence, l’impunité… !
Le bilan fort verni de la présidence ATT, en tout cas tel que le présentent aujourd’hui les zélateurs et courtisans, en réponse au livre du Sphinx, est bien en deça de l’ambition mise en avant par le candidat ATT pour le pays. Dans la lettre datée du 10 mars 2006 aux Maliens, le candidat ATT écrivait ceci : «Le Projet de Société que je vous propose développe les grands axes de mon programme futur, qui prend en compte les préoccupations individuelles et collectives de la population malienne, notamment :
– l’emploi, qui sera ma priorité,
– l’école de demain: une école pour tous ouvrant une voie pour chacun,
– une société libre et pluraliste,
– la restauration de l’autorité et du crédit de l’Etat,
– la construction d’une économie plus compétitive et plus diversifiée,
– l’amélioration du pouvoir d’achat et du bien être des populations,
– le défi du développement durable,
– une jeunesse capable d’affronter un avenir en mutation rapide,
– des horizons nouveaux pour les femmes,
– la promotion de la santé élargie,
– des horizons plus larges pour les régions,
– les maliens à l’étranger au cœur du Mali,
– le désenclavement intérieur et extérieur du Mali,
– la protection de l’environnement,
– une diplomatie de développement,
– le rayonnement de la culture malienne.
Tels sont, à mon sens, les grands axes d’action pour l’émergence d’une société enracinée dans notre culture, ouverte et solidaire, résolument tournée vers le progrès et la paix, que j’ambitionne pour un Mali démocratique et prospère. »
Dans l’attente du bilan officiel
En attendant le bilan officiel, qu’est-ce qui a changé pour qu’on nous dise de changer d’opinion et de ton ? Rien, absolument rien ! Si ce n’est le philharmonique griotique, zélateur et courtisan qui s’est invité dans les mœurs politiques et institutionnelles. Et, le discours officiel s’en ressent et s’affine dans la perspective de l’échéance tant attendue : dans la droite ligne du président ATT, suivant la Vision du président ATT, conformément à la volonté du président ATT, conformément à l’ambition du président ATT… Qui parle aujourd’hui librement sans faire référence au président ATT ? Et n’ayez pas le malheur d’exprimer votre opinion sans aucune référence à ATT, et surtout contre les positions officiellement tenues et défendues par l’Homme et son Clan.
Il faut désormais vanter les mérités, la gloire et la bonté du Chef même si la réalité est tout autre. Notre cher Mali est second dernier des Nations, 175 sur 177 selon le dernier classement du PNUD, justement avant la Sierra-leone et le Niger ! Mais cela n’est pas un souci, dans la médiocratie, pardon dans le nyèrèfo-cratie : ATT a fait des routes, des ponts, des dispensaires et fait venir la pluie pour les paysans ! Ceux qui ne disent pas cela sont contre ATT. Alors, la liste des opposants d’ATT doit se ralonger et comporter désormais le PNUD qui classe le Mali d’ATT en queue de péloton des nations au plan du développement humain durable.
Avoir le télephone portable à la portée de chaque Malien (encore que cela est loin d’être le fait du régime, le marché malien est aussi mondialisé et globalisé comme celui de Hong-kong ou Singapour) n’est pas une ambition pour un pays pauvre comme le nôtre. Bien au contraire, c’est un luxe de la société de consommation auquel on n’habitue pas une population qui ne parvient pas à satisfaire ses besoin vitaux. Si c’est cela le développement, le Mali n’aurait jamais été classé «second dernier ». Le dévelopepment dans ce domaine, c’était de dire que le Mali fabriquait ses propres téléphones portables ou qu’une société Télécom du Mali s’était imposée dans un autre pays en y éralisant des profits énormes qui sont rapatriés au Mali. Bien au contraire, c’est une société de droit sénégalais qui vient ramasser notre argent à la pelle qu’elle envoie par centaines de millions par semaine…D’éminents membres du Clan avaient hier volé dans les plumes du président Alpha lorsque ce dernier avait lancé ses fameux slogans, encore que ceux-ci n’étaient pas dénués de bonsens : « un village, une école ou un CED» et « chaque commune, une conexion internet ». Aujourd’hui, ils brandissent des portables comme élements concrets de réalisation du régime. Pourvu que demain, ils nous trouvent des moyens de recycler tous ces jouets de la société de consommation…
Avoir tort pour avoir raison très tôt
Comme Gallilée, Le Sphinx, à notre avis, aura tort, car il a eu raison trop tôt. C’est pourquoi, la ligne de défense des situationnistes et des courtisans n’est pas d’aller aux preuves, à la contradiction sereine, mais à l’injure et au terrorisme. On ne répond ni à une accusation de corruption, d’affairisme et d’impunité, l’on s’empresse juste à dire que ATT est bon et gentile, il travaille pour le Mali, comme si le Mali élisait son président pour roupiller. Ce qui a fait mal dans le Clan, c’est des passages du livre comme ceci : «L’arrivée d’ATT au pouvoir était non seulement un moyen pour le président sortant Alpha O. KONARE de lui renvoyer l’ascenseur mais aussi d’assurer ses arrières.
Par ailleurs, le Président Jacques CHIRAC usa de toutes ses influences, et de ses réseaux en 2002, pour imposer au peuple malien ATT dont les traits de caractères ont été déterminants dans son choix : personnalité indécise, furtive, irresponsable, complexée, sans parole d’honneur, et aimant le double jeu. C’est dire que la France a voulu un président qu’elle peut manipuler à sa guise. Toutes choses qu’elle n’a pas eues avec les présidents Modibo KEITA, le Général Moussa TRAORE et Alpha Oumar KONARE.
Les traits de caractère d’ATT confirment par ailleurs les propos d’Alpha Condé, Président du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), à savoir que «la France a un gros défaut : elle n’aime pas les intellectuels. Elle préfère des gens comme Bokassa et Mobutu, des gens qu’elle peut manipuler. » (Jeune Afrique Intelligent N°2373 du 2 au 8 juillet 2006)
Après trois mois d’exercice du pouvoir, le nouveau président se rend en France pour y prendre ses ordres et remercier cette dernière dont il estime être parmi les privilégiés («il n’est pas donné à tous les chefs d’Etat d’être reçus à l’Elysée après seulement 100 jours d’exercice du pouvoir »).
«En décidant de revenir au pouvoir, le Président ATT a oublié qu’il n’avait pas le profil de la situation. Parce que n’ayant pas l’étoffe et la fermeté d’un Moussa TRAORE, ni l’habileté et le pragmatisme d’un Alpha Oumar KONARE. Des qualités indispensables pour bien tenir le gouvernail. » (Le Challenger, N°193, du 4 août 2005)
Ce rôle de «marionnette du Président ATT » est toujours d’actualité. Pour preuve, après le refus d’autres pays africains de la phase expérimentale du visa biométrique français, c’est le Mali d’ATT qui l’a accepté.
Par ailleurs, le Mali d’ATT n’a-t-il pas été le premier pays visité par le Ministre français de l’Intérieur, Nicolas SARKOZY, le jour où sa loi, qui durcit les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, passait devant l’Assemblée Nationale de ce pays ?
Avec le Président ATT le Mali ne s’est-il pas transformé en laboratoire d’expérimentation de la politique d’immigration de la France ? On remarque que contrairement au Président sénégalais, Abdoulaye WADE, le Président ATT se montre incapable de défendre les intérêts de nombreux immigrés maliens en France. »
Argument contre argument ?
Mais au lieu de s’enprendre au ciel et à la terre, d’accuser et d’injurier, de manière aussi grossière que grotesque, pourquoi ne pas y apporter et/ou opposer des arguments acceptables et respectables ? Autocratie, médiocratie et yèrèfo-cratie ? En tout cas, misère d’une démocratie, déchéance d’un système corrompu et compromission d’une élite et d’une classe dirigeante affairiste qui a sacrifié et trahi le peuple et ses intérêts pour des prébendes et des maroquins. Ne sont-ils pas beaucoup de références et de combattants du Mouvement démocratique qui se sont compromis et prostitués avec un système plus vorace que celui qu’il ont hier combattu ? Pour couvrir leur forfaiture, leur corruption et leur trahison des idéaux du 26 Mars et leurs discours lénifiants, ils essayent de trouver au «Quotidien des sans voix » le bouc émissaire, le promoteur et le vecteur de l’opposition viscérale au président ATT et au Clan !
A suivre…
Par Sambi TOURE“