«ATT-cratie…» : Un général d’armée peut en cacher un autre

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Il est aujourd’hui loisible d’affirmer que le pouvoir était tenu par le Général Moussa Traoré lui-même de 1968 à 1990 avant de basculer dans la rue en 1991 avec l’effervescence du mouvement estudiantin sous la houlette de l’AEEM et de la société civile. Sous le Président Alpha Oumar Konaré, le pouvoir était non seulement dans les mains des autorités mais aussi dans la rue à travers les marches et grèves organisées par l’AEEM et le COPPO (Collectif des Partis politiques de l’Opposition) Sous le Général ATT, le pouvoir n’est pas tenu par les autorités. Il n’est pas non plus dans la rue compte tenu de l’absence d’opposition, et donc à cause du fameux consensus. En d’autres termes, le pouvoir n’existe pas sous ATT.

Les articles de presse sur le livre «ATTcratie : la promotion d’un homme et de son clan» ont éveillé ma curiosité et m’ont poussé à le lire pour pouvoir me situer non seulement par rapport à ce qui est dans ledit livre, mais aussi par rapport aux commentaires qu’on en fait. Au bout de ma lecture, je suis arrivé à la conclusion suivante :

1/ qu’il n’y a pas d’injures, ni de propos irrévérencieux,

2/ qu’il n’y a pas d’appel à la subversion, à la conspiration contre le pouvoir

3/ qu’il donne une mauvaise image du régime et non du pays qui survivrait au pouvoir d’ATT

4/ qu’il est une chance pour ATT de donner une fois de plus la preuve de son patriotisme en diligentant une enquête sur les personnes accusées dans le livre afin d’édifier le peuple malien.

Par ailleurs sans être nostalgique, ma lecture m’a amené à faire une comparaison des régimes qu’on a connus en général et en particulier des deux pouvoirs militaires en ce qui concerne la gestion du pouvoir.         Le Mali a connu un régime militaire sous le général Moussa Traoré et est en train de vivre le deuxième sous le général ATT.

A la lumière des récents événements socio-politiques et économiques que connaît notre pays : les crises acridienne et céréalière, les attaques de Kidal, l’article d’Arsène Lepigeon et le livre du Sphinx, je ne puis m’empêcher d’admettre l’idée qu’un général de l’armée peut en cacher un autre.  

En effet, si le général Moussa Traoré a, au cours d’une longue période passée au pouvoir, su faire preuve de fermeté et étalage de ses très grandes qualités d’homme d’Etat et de militaire, force est aujourd’hui de reconnaître qu’il n’en est pas de même pour le général ATT qui s’apprête à briguer un second mandat en 2007, et qui, eu égard aux récents événements, se révèle être un homme d’Etat sans poigne et un indécis dans les situations de crise.

Contrairement à ATT, le général Moussa Traoré (GMT) n’a-t-il pas fait montre de son sens de l’honneur, de son patriotisme et de sa méprise de la médiocrité et du laisser-aller dans le choix de ses collaborateurs ? Ne reconnaît-on pas aujourd’hui que GMT avait les meilleurs gouvernements et les meilleurs ministres ou collaborateurs ?

Suite à la guerre Mali-Burkina, GMT n’a-t-il pas, après avoir vu un char de l’armée malienne exposer à l’aéroport de Ouaga, décidé de dégrader le général Boucari Sangaré, alors chef d’Etat-major général des armées, et d’autres officiers militaires pour inefficacité ?

Le 23 mai 2006, les camps militaires de Kidal et Ménaka sont attaqués par des déserteurs de l’armée malienne. Au lieu d’appliquer les sanctions prévues par le règlement militaire (la cour martiale), le général ATT opte pour une solution politique à travers la signature des Accords d’Alger. La rancœur et l’amertume d’une importante frange de la population en disent long sur le déphasage du général par rapport aux évènements. Son comportement jure avec la gravité des faits. En signant en catimini ledit accord sans avoir consulté les institutions comme l’Assemblée Nationale et le Gouvernement, le général n’a-t-il pas donné l’impression de n’avoir pas pris conscience de la gravité des faits lorsque au lieu de sanctionner l’incurie de son service de renseignement, la Sécurité d’Etat, et de certains responsables militaires, en l’occurrence le Chef d’Etat-major, le Général ATT envoie ce dernier faire le tour des casernes pour justifier la signature de l’accord et entretenir le moral de la troupe.

Contrairement à un GMT qui aurait sévi, le Général ATT et ses partisans prétextent la préservation de la paix pour cacher leur incapacité à sanctionner. Pour noyer le poisson dans l’eau, on n’hésite pas à qualifier les opposants aux Accords d’Alger de va-t-en guerre. Ils parlent ainsi de «responsables peu soucieux de la stabilité sociale», de «petites gens qui n’ont que la guerre comme seul vocabulaire» etc. Le Général ATT et ses hommes pensent qu’ils ont le monopole du cœur et qu’ils sont plus soucieux de la paix sociale que ceux qui parlent de violation de la Constitution, de sanction militaire.

Ils oublient que le Mali aurait connu une violence post électorale qui aurait mis le pays à feu et à sang après les élections de 2002, si le Président du RPM IBK et ses partisans du regroupement politique Espoir 2002, n’avaient pas appelé au calme leurs militants.    Comme le dit si bien le ou les auteurs de «Attcratie…», la méthode du Général ATT et de ses hommes consiste à mal poser les questions pour légitimer les solutions.

Cette méthode est une fois de plus expérimentée pour faire face aux effets négatifs de «ATTcratie : la promotion d’un homme et de son clan» La recherche de ou des auteurs montre bien que la lutte contre la corruption et les malversations ne compte pas pour le régime qui, au lieu d’apporter un démenti ou de mettre en place une commission d’enquête, se contente de faire véhiculer l’image d’une victime qu’est devenu le Général ATT. Ainsi, on voit à travers «ATTcratie : la promotion d’un homme et de son clan» une offense au Président de la République, une attaque contre le Mali,  ses intérêts et la démocratie.

Cette approche du livre m’a amené à avoir deux interprétations :

1/ les révélations du Sphinx ne sont qu’un secret de polichinelle pour le pouvoir. Le général ATT est au courant de tout ce que le Sphinx a dit. Mais il n’apprécie pas le fait de les avoir étalés sur la place publique. C’est pourquoi il observe un silence assourdissant pour manifester son mécontentement. Conclusion : le général ATT fait semblant de lutter contre la corruption. En réalité il ne veut pas lutter contre ce fléau.

2/ Il est surpris par la gravité des révélations du Sphinx. Il prend conscience du fait qu’il n’est pas renseigné et qu’il est loin de celui qu’il croit être. Au lieu de saisir l’occasion qui lui est ainsi offerte par le Sphinx pour faire le ménage autour de lui après avoir mené une enquête sérieuse sur l’implication des personnes accusées, il préfère, avec la complicité d’autres amis au pantalon troué qui ne sont pas encore cités, faire diversion en voulant chercher le ou les auteurs. Conclusion : il a peur de donner raison au Sphinx en s’attaquant à ses proches après une enquête minutieuse. 

On constate que dans les deux interprétations le Sphinx a toujours raison et le pouvoir de par son attitude confirme les affirmations contenues dans le livre.

Comment lutter contre la pauvreté si le Général ATT se complait dans sa collaboration avec des cadres impliqués dans la corruption ? Comment lutter contre la corruption si les personnes corrompues ont l’assurance ne n’être pas inquiétées ? Après ma lecture du livre, je suis outré par la campagne de désinformation et d’intoxication que le pouvoir mène à travers certains articles de presse commandés. Dans ces articles on a vite fait de réduire le Mali au Général ATT. Ainsi, parler de la vie privée du Général, c’est s’attaquer aux intérêts du Mali, c’est donner une mauvaise image du Mali et dire la vérité, c’est appeler les populations à la révolte. Ne dit-on pas que lorsque tes amis refusent de te dire la vérité il  faut soudoyer tes ennemis afin qu’ils te la disent ? Et dire que le Général ATT est un homme de caste, c’est créer un conflit au sein de la société malienne. On parle de cela comme s’il n’existait pas de classes sociales au Mali. Cette lecture du livre révèle une fois de plus que la démocratie malienne s’est fortement ancrée dans le culte de la personnalité. Le Général ATT et ses laudateurs oublient qu’un homme politique, voire un Chef d’Etat, n’a pas de vie privée dans un pays démocratique. Il n’aurait pas fait kidnapper et bastonner le journaliste Amidou Diarra dit Dragon, s’il avait compris ce principe démocratique.

Mon Président, il n’y a pas de vie privée pour un homme politique dans un pays démocratique. Sinon l’affaire Monica Levinsky n’aurait pas éclaboussé le couple Clinton et la nouvelle présidente de la majorité démocrate, Nancy Pelosi, n’aurait pas traité le Président Georges Bush d’incompétent, de menteur, la fin de l’ère mitterrandienne n’aurait pas connu des révélations sur l’existence de la fille naturelle du Président François Mitterrand, Mazarine, on n’aurait pas affirmé dans un tract au moment où la campagne pour «l’ivoirité» battait son plein que Laurent Gbagbo serait l’enfant naturel d’un commerçant malien du nom de Sylla.

Ces exemples cités ne sont-ils pas plus graves que les révélations du Sphinx sur la vie privée du Général ATT ?. N’y a-t-il pas dans la vie privée du Général ATT des faits plus humiliants pour un Chef d’Etat que le fait d’être un homme de caste ou le fait de dire que sa fille s’est fait représenter au DEF par une de ses cousines ? Accepter d’instaurer la démocratie dans notre pays, c’est accepter les avantages et les inconvénients de cette même démocratie.

Selon l’ex PDG de la BHM, M. Mamadou Baba Diawara, ATT a remboursé sa dette qu’il a, selon M. Diawara, annoncé publiquement. Personnellement je n’ai pas souvenance d’avoir entendu dire le Président ATT qu’il devait de l’argent à la BHM. M. Diawara croit ainsi rendre service à ATT, alors qu’il s’y prend mal et donne du crédit à «ATTcratie : la promotion d’un homme et de son clan» On ne défend pas l’indéfendable. Surtout lorsqu’il insinue que le Président ATT est une fierté pour les Mopticiens.

Il est aujourd’hui loisible d’affirmer que le pouvoir était tenu par le Général Moussa Traoré lui-même de 1968 à 1990 avant de basculer dans la rue en 1991 avec l’effervescence du mouvement estudiantin sous la houlette de l’AEEM et de la société civile. Sous le Président Alpha Oumar Konaré, le pouvoir était non seulement dans les mains des autorités mais aussi dans la rue à travers les marches et grèves organisées par l’AEEM et le COPPO. Sous le Général ATT, le pouvoir n’est pas tenu par les autorités. Il n’est pas non plus dans la rue compte tenu de l’absence d’opposition, donc à cause du fameux consensus. En d’autres termes, le pouvoir n’existe pas sous ATT.

Mamadou DOUMBIA* Opérateur économique – Commune V

 

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