Le professeur Abdoulaye Djimdé a fait toutes ses études au Mali, ainsi que sa formation jusqu’au niveau du doctorat en pharmacie avant d’aller faire son PHD aux Etats-Unis d’Amérique. Il est revenu pour enseigner à l’université et faire des recherches. Il est maintenant professeur agrégé. Cet éminent spécialiste est totalement engagé dans ses activités de recherche ; l’œuvre considérable de sa vie est toute dédiée à la science. Il travaille, de concert avec d’autres spécialistes, à vulgariser les résultats de ses recherches à et ses compétences dans les domaines des parasitoses du paludisme, du VIH et de la tuberculose. Le Professeur Abdoulaye Djimdé dirige la seule équipe de chercheurs d’Afrique francophone lauréate du prix Delta, initié par le Nepad.
L’Enquêteur
Grâce à vous et votre équipe, Pr Abdoulaye Djimdé, le Mali a bénéficié du prestigieux Prix Delta. Comment cela s’est-il passé ?
Pr Abdoulaye Djimdé
Je suis enseignant-chercheur. Le prix est une subvention de la fondation britannique Welcome Trust, l’une des plus grandes fondations européennes qui s’investit dans le domaine de la recherche biomédicale. À l’échelle internationale, il y a huit, neuf mois, la Welcome Trust a lancé cette initiative Deltas, qui se propose de développer les capacités en leadership et en recherche scientifique au niveau des chercheurs de l’Afrique au sud du Sahara. Donc ils ont lancé un appel à projets internationaux qui a commencé par une étape comportant des lettres d’intention. Ils ont reçu à peu près 145 lettres d’intention de différents consortiums en Afrique au sud du Sahara. Il y a eu une première sélection où ils ont retenu une trentaine de groupes qu’ils ont invités à envoyer un projet concret au-delà de la lettre d’intention. Ils ont encore dépouillé cette trentaine de projets complets. Au détour de cet exercice, ils ont invité pour une séance d’interview à Nairobi une quinzaine de groupes. L’interview consistait en un exposé oral de 15 minutes suivi de questions-réponses par un panel qui comportait une vingtaine de personnes. C’est à l’issue de cette interview qu’ils ont obtenu sept groupes pour financement. Le groupe représenté par nous, chercheurs de l’université des sciences, des techniques et technologies de Bamako, est parmi les sept. Nous sommes le seul groupe francophone sur les sept. Tous les autres sont des anglophones. Notre groupe a soumis un projet, Teligem, qui se propose de faire la formation et le développement du leadership dans le domaine de la génétique et de l’appui informatique des parasites du paludisme. Nous sommes un consortium de quinze pays africains au sud du Sahara, depuis l’Afrique anglophone, lusophone. Nous avons des pays qui vont de l’Afrique du sud jusqu’à Madagascar. Nous, au Mali, nous assurons la coordination. En fait c’est un groupe de chercheurs des institutions. C’est en fait le MRST qui est leader de ce regroupement de 15 institutions de recherche de 15 pays africains. Nous avons donc été sélectionnés pour recevoir ce financement qui va s’étendre sur cinq ans et qui va nous permettre de faire deux choses : la première c’est la formation qui va nous permettre de faire la formation à deux échelles ; au niveau doctoral des gens qui viennent juste de sortir de l’université jusqu’aux niveaux master, PHD, des postdoctoraux avancés et des niveaux en leadership en bioinformatique et en génétique des parasites du paludisme.
Que représente le prix Delta pour le Mali ?
Le Mali est leader de ce consortium. L’Université des Sciences, des Techniques et des Techniques de Bamako est donc récipiendaire du projet et c’est à partir d’ici que les subventions destinées aux autres pays vont leur être envoyées. C’est ici qu’est le siège où l’équipe va se retrouver et où tout va être piloté. Nous travaillons en collaboration avec six à cinq autres groupes de formation incluant la Gambie, le Ghana, le Kenya, le Gabon, la Tanzanie et l’Allemagne, en plus de la coordination qui se fait à Bamako. Nous allons faire une formation pour le stockage de la manipulation des données génétiques qui sont très délicates. Avec la formation des hommes et le développement des infrastructures, nous allons améliorer la force de frappe des chercheurs africains dans le domaine de la génétique. L’exploitation de ces données qui va permettre de mieux connaiîre le paludisme et de développer de nouveaux médicaments,
Travaillez-vous un peu avec le Professeur Doumbo ?
Nous faisons partie de la grande équipe du Pr Doumbo, près de 200 personnes dont une cinquantaine, de niveau doctoral. Comme il nous le dit amicalement nous sommes ses commandants. Moi-même je suis l’un de ses commandants. Nous essayons d’apporter notre petite pierre à la compréhension des problèmes et à les résoudre tant au niveau national qu’international. Les Etats, les gouvernements africains se sont engagés à investir 1% de leur PIB dans la recherche. Que ce soit en agriculture ou dans le domaine biomédical. Pour le moment, ils ne sont pas parvenus à ce niveau. Comme le Mali, ils sont en général à 0,6% de leur PIB. Ce sont des efforts qui sont assez louables vu le contexte dans lequel le pays se trouve.
Professeur combien de personne peut-on former à travers ce projet ?
Comme je l’ai disait, c’est un programme panafricain .Notre base de recrutement sera la jeunesse scientifique de ces quinze pays africains. Ce sont des formations pointues, assez spécifiques. Donc lorsque le programme va être lancé, nous allons faire des appels à candidatures pour tous les différents postes : formation des jeunes doctorants, master, PHD, etc. Tout cela va être en ligne et diffusé dans les quinze pays. Nous allons recevoir les dossiers de candidatures des universités de ces quinze pays et des comités de sélection vont choisir les différents bénéficiaires, les plus méritants, des bourses de formation qui seront organisés formés pour tirer le maximum de profit des différentes formations. Nous ne sommes pas des structures de délivrances de diplômes mais de formation. Ce n’est pas une structure de formation classique dont il s’agit. Ils auront donc des bourses, des opportunités de formation solides à ces excellents, en contact avec les personnes et les institutions qu’il faut.
Il ne faudrait pas non plus que cela facilite la fuite des cerveaux…
Ha, non, non, non ! En fait c’est justement l’une des préoccupations, l’une des exigences du programme Delta c’est que toutes les inscriptions se font en Afrique, dans des universités africaines ; Tout se fait en Afrique, ici. C’est pour éviter ces fuites de cerveaux que le centre de gravité du programme delta se trouve en Afrique ; On peut faire des stages en Europe, parce que toutes les expertises ne sont pas disponibles en Afrique. Même dans le cadre de la gestion proprement dite du programme basée à Londres, cette gestion va petit à petit être transférée à Nairobi, pour minimiser les risques de fuite des cerveaux.
Finalement, de quelle nature sont vos recherches actuelles, dans quels centres et dans quel but ?
Au sein de l’équipe Doumbo au MRTC je m’occupe particulièrement de l’étude de la chimiorésistance. La résistance des parasites du paludisme aux médicaments. Nous avons plusieurs de sites de recherche çà travers le pays. Nous sommes une vingtaine de chercheurs de niveau doctoral, une centaine de personnes en tout. Nous travaillons à Sikasso (sur site de Boulamou), sur la route de Kangaba, à Sotuba ici (non loin de Bamako), au Pays Dogon nous travaillons à Pomonon mais aussi à Faladié (dans le cercle de Kati). Nous avons des sites quasi permanents dans ces différents villages où nous menons des recherches pour comprendre l’efficacité des médicaments, pour faire des essais cliniques qui contribuent au développement de nouveaux médicaments antipaludiques, etc.
Comme vous le savez, il y a quelques années il y avait de la nivaquine dans les pharmacies. On n’en trouve plus. C’est en partie à cause des travaux que nous avons menés qui ont démontré que les parasites du paludisme sont résistants à la chloroquine et nous avons fait la recommandation au programme national de lutte contre le paludisme et cela a abouti au retrait de ce médicament et à son remplacement.
Propos recueillis par Oumar Coulibaly
bravo pour ce prix
Bravo Pr Djimdé,
Malgré cette inertie généralisée, merci de tirer la recherche au Mali vers le haut.
Bravo à toute votre équipe
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