Mandé blues : A quand la reconnaissance de la Nation à Boubacar Traoré dit « Kar-kar » ?

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Pour la sortie officielle de son nouvel album ‘’Dounia Tabolo’’, effective depuis le 17 novembre prochain, Boubacar Traoré dit Kar-kar, figure emblématique du « Blues mandingue » était en tournée en Europe. Adulé sous d’autres cieux, cette légende des années d’indépendance n’a jamais été récompensée par son propre pays à la hauteur de son art et de sa contribution au rayonnement de la culture malienne.

L’homme de la cité des rails, Boubacar Traoré dit Kar-kar, le roi du « blues mandingue » propose à ses admirateurs un nouvel album titré ‘’Dounia Tabolo’’, officiellement sorti depuis le 17 nombre dernier, un nouvel opus auquel il a imprimé une touche de modernité en faisant recours aux services de grands artistes issus d’autres horizons. Il s’agit entre autres des américains originaires du Mississipi, Cedric Watson, Violoniste et Wasboard, et Corey Harris, guitaristes, et la célèbre violoncelliste et chanteuse Leyla McCalla.  Composé des titres comme : ‘’Kanou’’, ‘’Ben de kadi’’ ou encore ‘’Mousso,’’ le nouvel album de Kar-kar est un mélange du blues et du folk.

Le vendredi 27 octobre  dernier, l’homme a donné un concert à l’occasion des  ‘’Soirées Nomades de la Fondation Cartier pour l’art contemporain’’. Agé aujourd’hui de 75 ans, chanteur, guitariste et compositeur, Boubacar Traoré dit Kar-kar (casser-casser), un surnom qu’il doit à son talent de footballeur, grand dribleur depuis son jeune âge, est un artiste complet au propre comme au figuré.  Cependant, s’il est adulé sous d’autres cieux, notamment en Europe et en Amérique, ses mérites n’ont jamais été reconnus et récompensés à la dimension de son art par ses propres concitoyens. « Les autorités n’ont jamais eu de  considération pour moi », confiait-il en 2016, avec amertume, à nos confrères de ‘’ Le Challenger’’, alors que son nom est presque indissociable de l’histoire de l’indépendance du Mali, dont il a chanté les gloires dans les années 1960, moyennant zéro franc. Son célèbre titre ‘’Malidenouw an yan yèrètaa, Mali denouw bèkanaa’’ (les Maliens nous avons pris notre indépendance, revenez tous au pays) en dit long sur l’effort consenti par l’homme pour sa patrie, à une époque où les artistes chantaient plus par amour de l’art que par souci de posséder de belles maisons ou de belles voitures. Mais ses efforts n’ont jamais été récompensés à leur juste valeur par les régimes successifs. A l’image de  Yambo Ouologom qui nous a récemment quittés, après de longues années de souffrance dans l’âme,  Kar-kar a connu des années de dures épreuves. A la chute du président feu Modibo Keïta en 1968, commence la descente aux enfers de l’homme qui a chanté le Mali durant les huit premières années des éphories de l’indépendance, considéré à l’époque, à tort ou à raison comme l’artiste du tout premier Président du Mali indépendant, en l’occurrence Modibo Kéita. Ainsi, avec l’arrivée des militaires au pouvoir, il disparait des radars et perd sa popularité, avant de signer son retour sur la scène musicale en 1987 à la surprise générale de ses admirateurs, alors même que certains le croyaient mort. Deux ans plus tard, soit en 1989, le destin l’inflige à nouveau un coup dur en lui arrachant son épouse. Durement éprouvé, le père du « Blues mandingue » qui n’a pas eu la même chance que son compatriote feu Ali Farka Touré, bluesman comme lui, mais titulaire du Grammy Awards, émigre en France où il va faire l’ouvrier pour nourrir ses six enfants orphelins de mère. Après cette période de tempête, l’avenir lui sourit enfin en 1990, lorsqu’un producteur britannique découvre une bande de ses enregistrements radio à Bamako. Celui-ci se met à sa recherche et lui fait signer un contrat, avec à la clé un premier album titré ‘’Mariama’’. Ce fut un franc succès, et dès lors, Kar-kar, voyage à travers les continents. En 2001, un film dénommé ‘’Je chanterai pour toi’’ lui a été consacré par Jacques Sarasin, suivi en 2005 d’un livre titré ‘’Mali Blues’’, écrit par Lieve Joris, aux éditions Actes Sud.

La même année, Kar-kar met dans les bacs ‘’Kongo Magni’’, produit par Christian Mousset, Directeur du Festival Musiques Métisses d’Angoulême. Le même producteur signe en  2010 l’album ‘’Mali Denhou’’, suivi d’un nouvel opus en 2015, ‘’Mbalimaou’’ (Mes frères). Cependant, si sa notoriété artistique à l’échelle internationale ne souffre d’aucune ambiguïté,  l’homme de la cité des rails, inséparable de sa légendaire casquette toujours vissée  à la tête, passe inaperçu chez-lui au pays où des titres de « Mérite National » sont distribués chaque année comme des galettes, au détriment des plus méritants qui n’en voient point les couleurs. A ces derniers sont réservées,  semble-t-il, des médailles à titre posthume. Le cas Yambo Ouologuemen est un bien triste exemple parmi tant d’autres, qui déconcertent plus d’un. Cela doit cesser, et pour cela, un appel pressant est lancé au Président IBK, afin que soit corrigée une grande injustice, pour ce qui concerne Boubacar Traoré dit Kar-kar, l’homme qui chante le Mali depuis plus d’un demi-siècle !

A.K

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