Malgré leur bravoure et leur poids démographique (plus de 51 % de la population), les femmes sont encore loin de la reconnaissance de leurs droits et mérites dans la vie de la nation au Mali. La preuve, leur présence dans les institutions frise toujours la démagogie du discours politique. Elles doivent se contenter de la portion congrue. Si les Maliennes avaient franchi des pas décisifs les dix dernières années, elles sont presque revenues à la case départ. En décernant le «Prix International des Femmes de Courage» à notre sœur Fatimata Touré, le Département d’Etat américain a non seulement magnifié un exemple de courage et de bravoure, mais aussi envoyé un message fort aux autorités maliennes pour les exhorter à restituer aux Maliennes leur rôle essentiel dans tous les domaines, notamment dans la réconciliation et la reconstruction du pays.
«La paix n’est pas l’absence de conflit. C’est la présence de chaque membre de la société dans une action commune visant à promouvoir la stabilité et la prospérité» ! Telle est la conviction défendue par le Secrétaire d’Etat américain, M. John Kerry, dans un message publié à l’occasion du 8 mars, Journée internationale de la Femme. Le chef de la diplomatie américaine a rendu un vibrant hommage aux lauréates au «Prix International des Femmes de Courage».
Décerné par le Secrétariat d’Etat américain, cette distinction honore annuellement des femmes qui, dans le monde entier, ont démontré «un courage exceptionnel et un leadership» dans la défense de la paix, de la justice sociale, des droits humains, de l’égalité entre les sexes et de la promotion de la femme, souvent au prix de grands risques personnels.
C’est aussi une manière de reconnaître qu’un monde où il y a davantage de possibilités pour les femmes, est celui où «les possibilités de paix, la prospérité et la stabilité se développent encore plus». Et parmi les lauréates de cette année, figure Mme Fatimata Touré.
«C’est un grand plaisir pour moi de féliciter Madame Touré, une des récipiendaires du Prix 2014… Fatimata est honorée pour avoir risqué sa propre vie en défendant publiquement les droits des femmes et des enfants, tout en dénonçant les abus des droits humains pendant l’occupation du nord du Mali en 2012 par les extrémistes», souligne M. Kerry dans son message.
Il poursuit, «pendant la crise politico-sécuritaire du Mali, elle a continué à dénoncer publiquement les violations des droits de l’homme malgré qu’elle ait été menacée par les extrémistes… Elle a joué un rôle essentiel en faisant en sorte que les malades de l’hôpital de Gao transférés à Mopti reçoivent des soins médicaux et en s’assurant que les abus qu’ils ont subi ne tombent pas dans l’oubli. Et le travail continue. En tant qu’actuelle présidente du Forum Régional sur la Réconciliation et la Paix de Gao, elle mène des activités de plaidoyer pour la justice et les droits des femmes».
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Cette distinction doit être avant tout comprise comme un message fort aux autorités maliennes pour restituer aux Maliennes leur rôle essentiel dans tous les domaines. Il ne suffit plus de dire que les femmes sont cela ou ceci ou qu’elles ont un rôle à jouer dans tel ou tel domaine ou processus. Il faut leur donner le statut politique, juridique, sociopolitique et culturel pour lui permettre de pleinement jouer ce rôle.
Aujourd’hui, les Maliennes en ont assez d’être instrumentalisées, d’êtres distraites dans le folklore. Du pouvoir politique, elles attendent du concret, des décisions politiques courageuses voire audacieuses leur permettant par exemple d’être des actrices pleines de la réconciliation et de la reconstruction.
Le Secrétaire d’Etat Kerry le dit dans son message, «aucun pays ne peut réussir tant que tous ses citoyens n’ont pas les moyens de contribuer à son avenir. Et aucune paix ne peut s’inscrire dans la durée si les femmes n’ont pas les moyens de jouer un rôle central».
Et les Maliennes n’ont été absentes à aucun combat du Mali, de la résistance à la pénétration impérialiste à l’avènement de la démocratie à la résistance aux menaces Jihadistes en passant par l’indépendance, l’avènement de la démocratie, etc. Et socialement, elles ont toujours été l’épicentre de la stabilité de nos foyers, de nos communautés, de notre société. C’est pourquoi elles méritent respect, confiance… Il ne suffit plus de récompenser telle ou telle militante pour s’auto-satisfaire d’avoir contribué à l’émancipation de la Femme.
Nos mères, épouses, sœurs et filles ne demandent pas de la complaisance parce que conscientes que cela ne peut que desservir leur cause. Elles veulent surtout la justice. Que leur statut ne soit plus un prétexte pour les discriminer, pour les priver des opportunités de mettre leur volonté, leur patriotisme, leurs compétences et leurs expériences au servie de la communauté, de la patrie.
Nous pensons qu’après cette reconnaissance internationale à l’endroit de notre sœur et mère, les Maliennes n’auront plus à défoncer les portes pour revendiquer la place qui leur revient dans non seulement le processus de réconciliation et de reconstruction, mais aussi dans les instances de décision.
Aujourd’hui, socialement et économiquement, il n’est plus acceptable que, dans ce pays, les femmes ne jouissent pas de leur poids démographique dans une démocratie pour laquelle elles aussi consenti des sacrifices énormes.
Et comme le dit le Secrétaire d’Etat américain, les femmes, singulièrement les Maliennes, nous donnent tous les jours «l’espoir la résolution de conflits». Et comme M. John Kerry, les «féministes» que nous sommes, n’ont plus besoin de démontrer que «les femmes sont indispensables à la réalisation de nos objectifs communs de prospérité, de stabilité et de paix. C’est tout aussi vrai qu’il s’agisse de mettre fin à nos batailles ou de relancer l’économie. Le fait est que ce sont les femmes qui portent le plus lourd fardeau en temps de guerre. Mais, leur voix ne se fait entendre que trop rarement dans la négociation de la paix». Naturellement qu’un pays comme le nôtre a tout intérêt que cela change pour que la réconciliation soit une réalité.
Il faut inverser cette tendance pour que la paix ne soit pas seulement une intention consignée dans documents, mais qu’elle soit encrée dans les cœurs, dans les mœurs… Le président Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire (paix à son âme) avait raison de dire que «la paix n’est pas un mot, mais un comportement». Les accords ne sont que des mots, la paix réelle est une résolution du cœur, c’est une prise de conscience individuelle et collective pour dire que , comme l’apôtre de la paix, Martin Luther King (extrait d’un discours prononcé le 31 mars 1968), «nous devons apprendre à vivre comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots». C’est dans la tête et le cœur que cette valeur se matérialise pour être traduite en attitude.
Les femmes ne sont pas seulement utiles comme ascenseurs politiques ou socioéconomiques, mais elles sont essentielles à la paix, à la vie. Comme John Kerry, nous sommes convaincus que, «les pays qui valorisent les femmes et leur donnent les moyens de participer pleinement à la prise de décisions sont plus stables, plus prospères et plus sûrs. L’inverse est également vrai. Quand les femmes sont exclues des négociations, la paix qui s’ensuit est plus ténue. La confiance est érodée, les droits de l’homme et la reddition de comptes souvent ignorées».
Force est aussi de reconnaître que, avant cette distinction, les Etats-Unis avaient déjà envoyé un signal fort aux Maliens, aux futures autorités maliennes, en faisant confiance à une diplomate chevronnée (Mme Mary Beth Leonard) pour accompagner le retour de notre pays à la démocratie. Et l’ambassadrice continue à déployer d’immenses efforts afin d’améliorer la sécurité intérieure et à promouvoir le développement intégral du Mali afin de le mettre à l’abri des crises comme celle que nous avons vécue entre janvier 2012 et septembre 2013.
Mais, comme nous aimons à le répéter aux femmes, elles doivent aussi se battre, s’engager plus tous les jours pour presque tout avoir. Les hommes sont jaloux de leurs «privilèges» pour les partager sans contrainte !
Moussa Bolly