L’évènement fait date : le président de la République française a fait le déplacement jusque dans les locaux de notre ambassade à Paris hier. De mémoire de diplomate, c’est une première ! Costume sombre, comme son homologue malien, François Hollande rejoignait Dioncounda Traoré pour recevoir une décoration de reconnaissance de la Nation pour son engagement sans faille dans la gestion de la crise qui secoue notre pays.
Cérémonie en marge du défilé militaire qui a placé le Mali en vedette d’un jour, la décoration du président français est un geste hautement symbolique. Il marque en effet la profonde reconnaissance du peuple malien à l’endroit d’un chef d’Etat qui a eu le courage d’envoyer son armée au Nord de notre pays pour en chasser les jihadistes. C’est surtout le signal fort de la grande amitié entre les deux pays qu’il incarne.
En frappant violemment les jihadistes, les forçant à la débandade à travers le désert, la France a rendu service au monde entier tant la menace terroriste dépassait les frontière du strict Sahel.
Après une heure de tête à tête dans le bureau de l’ambassadeur, les deux personnalités, ont cheminé ensemble jusque dans la petite salle où, quelques instants plus tard, le professeur Dioncounda Traoré a décoré son homologue français.
Moment de haute solennité quand le chef de l’Etat passe au cou de François Hollande l’écharpe frappé des couleurs nationales. Ensuite, il fixe la médaille du Grand croix de l’Ordre national du Mali, l’une des plus hautes distinctions honorifiques de notre pays. Puis, c’est l’heure des accolades et des discours.
Par des mots simples et sincères, Dioncounda Traoré a remercié, encore une fois, la France et son président pour son courage et son sens profond de l’amitié et de la solidarité. « Hier, le Mali était l’invité du 14 juillet. Ce matin, la France à travers son président est l’hôte du Mali », a introduit le président Traoré avant de justifier cette décoration par « les services exceptionnels rendus à mon pays et à la mobilisation sans précédent » dont François Hollande est le principal acteur. Le président Traoré s’est rappelé le 10 janvier 2013, un an après Tombouctou, Gao et Kidal, Konna, la ville-verrou a tombé dans les mains des jihadistes. Le 11 janvier, poursuit-il, l’Opération Serval entre en action et libère Konna.
Et il ajoute : « fin janvier à Addis Abeba, une contribution financière historique fut annoncée. Février, mars, avril, les amis africains dont le Tchad qui à lui seul a mobilisé 2000 hommes se positionnent par solidarité. Le 2 février, le président français s’est rendu à Tombouctou libérée dans l’euphorie. La semaine suivante le drapeau malien flotte sur les 2/3 de notre territoire…
HOMMAGE AUX SOLDATS FRANÇAIS. En mai, la conférence de Bruxelles a annoncé une aide historique pour la reconstruction du Mali, la consolidation de la paix et de sa démocratie. Le 18 juin, un accord préliminaire est conclu entre le Mali et le Mnla, augurant ainsi une bonne perspective pour un règlement pacifique de la crise la question du Nord Mali. Le drapeau malien flotte de nouveau sur Kidal. L’administration malienne y est désormais déployée et Kidal votera parce que Kidal est malien ». Tout cela est à mettre à l’actif des amis de notre pays, la France à travers François Hollande en tête de liste.
Le président Traoré a trouvé l’occasion opportune pour rendre un hommage mérité aux soldats français ayant perdu la vie en combattant aux cotés de leurs frères d’arme maliens. Il a rappelé le souvenir du premier soldat français tué au Mali, le commandant Damien Boiteux, qui restera gravé dans la mémoire de nos compatriotes qui comptent déjà parmi eux de tout-petits « Damien ». Avec des rues « Damien Boiteux ». Et, il y en aura encore, promet Dioncounda Traoré qui a rappelé que le Mali de 2013 est un pays libre.
Il invite par ailleurs à une prise de conscience profonde qui mènera à comprendre que « cette grave crise peut être une opportunité pour refonder le pays » pour asseoir un pouvoir bien structuré et ayant la capacité de jouer tout son rôle.
A seulement une dizaine de jours des élections présidentielles, le chef de l’Etat a jugé que « les tenir le 28 juillet est un très grand pari ». Mais, dit-il, « en tant que président de la transition, c’est le moins que le gouvernement puisse faire » réaffirmant que la date sera maintenue.
« Nous Maliens, nous devons tout cela à ceux qui nous ont tendu la main, en particulier la France qui la première a mobilisé ses moyens et ses forces » a-t-il confié se tournant vers son homologue qu’il appelle amicalement et fraternellement « François ». Lui disant ensuite : « tu as tendu la main la main à un peuple au moment où il en avait le plus besoin » soldant ainsi un contentieux historique vieux de plus de 50 ans entre les deux pays.
« Merci, merci encore », répète le chef de l’Etat, jetant un regard profond sur le visage de son « frère » français qui, à son tour, louera le courage et la persévérance de « Dioncounda». « Si le Mali a retrouvé la stabilité, c’est grâce à toi parce que tu as fait le choix de l’honneur et de la responsabilité », a répondu le désormais Grand croix de l’Ordre national du Mali.
CHEMINER ENSEMBLE. « Quand le Mali est touché par le terrorisme, la France ne peut pas considérer qu’elle est indemne de cette blessure. Alors, nous avons cheminé ensemble », a rappelé François Hollande.
A son tour, découvrant le visage ému du président de la République par intérim, il lui dit : « j’ai vu les épreuves que tu as personnellement traversées. Je me souviens encore de ce moment très grave où tu fus obligé de venir ici en France pour te faire soigner après une terrible agression. Tu as tenu bon, tu t’es rétabli et tu as eu le courage de revenir là où tu avais été blessé dans ta chair pour donner espoir au peuple malien ». L’émotion s’empare de la petite salle. Et le chef de l’Etat français poursuit : « Au début de l’année 2013, il s’est trouvé que les terroristes ont projeté de mettre l’ensemble du pays sous leur coupe. Là encore le scepticisme était grand. Je me rappelle cet appel téléphonique où le président et moi même avions échangé sur cette situation en envisageant le pire et le pire est venu. Et c’est là, je suis conduit à prendre la décision, le 11 janvier, d’amener les forces françaises au Mali à la demande du président Traoré avec l’appui des Africains et sous l’égide des Nations Unies qui ont donné une légalité à cette intervention. Terrible décision pour un président de la République, non seulement pour engager des forces, prendre des risques que des soldats puissent être tués, d’autres blessés. Mais il y avait entre nous un pacte de solidarité et d’amitié ».
Fustigeant le scepticisme trop prononcé de « ceux qui n’y croient jamais, ceux qui ne regardent que ce qui peut se passer de moins bien pour éviter de regarder ce qui pouvait se passer de mieux ». Aujourd’hui, il est clair que ces mauvais esprits sont bien conjurés. Et pas seulement car les élections auront lieu dans une poignée de jours sur toute l’étendue du territoire national.
Pour le président Hollande, son homologue aurait pu les reporter de quelques semaines, de quelques mois – nous connaissons d’ailleurs quelques précédents – parce que rien n’est jamais prêt ». Mais, fait-il observer, Dioncounda Traoré a décidé de tenir les élections à leur date avec une participation qui sera sans doute significative. En effet, avec 28 candidats, « personne ne pourra dire qu’il n’a pas pu participer pleinement au scrutin ». Il avertit cependant, qu’il ne faut pas s’attendre à des élections parfaites.
Avant de saluer le courage des soldats engagés au front, dans des conditions climatiques difficiles, François Hollande a dit toute sa « fierté » après le travail accompli. « Fierté » aussi pour avoir reçu cette haute distinction. Il y a, quelques mois à peine, questionne-t-il, qui aurait pu imaginer – au regard de la situation dans laquelle était le Mali – que nous en serions là aujourd’hui ?
Envoyé spécial
A. M. CISSE
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DIONCOUNDA TRAORE RENCONTRE BAN KI MOON
En marge des festivités du 14 juillet, le président Dioncounda Traoré a été reçu dimanche par le secrétaire général de l’ONU, également invité à l’événement. Pas grand chose n’a filtré de cet entretien qui aura duré plus d’une demi heure dans la suite présidentielle du secrétaire général des Nations unies à l’hôtel « Raphael ». L’élection présidentielle prévue pour le 28 juillet a dominé l’entretien entre les deux personnalités. « Ban Ki Moon a parlé de ce qu’il souhaite pour ces élections », a dit le président Dioncounda Traoré après la rencontre. Il lui a fait le point des préparatifs du scrutin et demandé l’appui des Nations unies pour réussir le pari.
Interrogé sur les difficultés rencontrées à Kidal, le président de la République a estimé que « cette question était dépassée » au regard de l’évolution positive constatée sur le terrain à Kidal. Il citera l’installation du gouverneur de la région, la distribution en cours des cartes d’électeurs, la prédisposition du matériel électoral à Gao et surtout la présence de l’armée sur place. N’a-t-il pas déclaré en d’autres circonstances que Kidal votera parce que Kidal est malien ? C’est dire que, de son point de vue, le doute n’est plus permis.
A. M. C