Le président de la République a reçu, en grandes pompes, mondovision, diffusion en direct et en différé, le Prix Kéba Mbaye pour l’éthique (L’Essor du 18/04) Cette fondation sénégalaise a décidé de reconnaitre et de récompenser « les valeurs humaines, de solidarité et de paix » du général Amadou Toumani Touré. Soit les Sénégalais s’y connaissent plus que les Maliens en matière d’éthique, soit le général est parvenu à étendre son écran de fumée jusque sur les bords de l’Atlantique.
En matière d’éthique, c’est neuf longues années après son arrivée, et douze petits mois avant son départ, que ATT a pris des mesures contre de hauts fonctionnaires qu’il soupçonne auteurs ou complice de corruption et de délinquance financière. Et encore, ces mesures ne consistent qu’à les éjecter de leurs fauteuils. Seront-ils poursuivis ? Jugés ? On ne le dirait pas, aux dernières nouvelles, certains d’entre eux pourraient même retrouver leurs fauteuils, à condition de montrer patte blanche ou de faire amende honorable. La remise de ce prix est intervenue à un moment où le pays vit un profond malaise relatif à la mal-vie et à la mauvaise gouvernance économique. Des scandales financiers, sur fonds de pots-de-vin attribués dans des marchés sucriers, de commissions perçues sur l’attribution de licence d’exploitation d’uranium. Et ce sont toujours les mêmes personnes qui lèvent le coude, et ce sont toujours d’autres qui sont soûlées à leur place. Où est l’éthique ?
Tenez ! Selon Procès-verbal (18/04), le Premier ministre sortant aurait importé une trentaine de véhicules 4×4. Modibo Sidibé préparerait ainsi sa campagne. C’est tout à fait légitime, c’est un citoyen qui jouit, pour le moment, de tous ses droits. Mais la question que se posent ces Maliens qui ne parviennent plus à faire deux repas par jour, c’est Comment un Malien, fut-il Premier ministre, peut-il s’offrir autant de véhicules, pour qui connait le prix d’acquisition de l’unité. Il n’a passé que trois et quelques à la primature. C’est vrai que depuis l’avènement de la démocratie, Modibo Sidibé a été déchargé des dépenses. Cela fait 20 ans qu’il vit aux frais de l’Etat et qu’il ne se fait donc aucun pour, se nourrir, s’habiller, se loger, se déplacer…Mais de là à payer trente 4X4 pour battre campagne, il y a du souci à se faire. Où est l’éthique ?
Pourquoi un prix pour l’éthique quand le fils d’une de vos ministres est arrêté à l’étranger avec un trésor ? Aux dires du Hoggar (18/04), un rejeton de Mme Gakou Salimata Fofana, ex-ministre du logement, des affaires foncières et de l’urbanisme, égérie du Parti PDES, serait écroué en France pour avoir introduit dans ce pays près d’un demi-milliard de Fcfa. Déjà, on ne comprend pas que la mère ait autant d’argent, même si elle a été ministre en charge des logements sociaux, dont les attributions ont toujours soulevé des controverses, même si dans les programmes urbains, elle est réputée pour avoir eu de nombreux démêlés avec ses collaborateurs, concernant l’attribution de marchés. Notamment, avec son successeur, Yacouba Diallo, alors directeur de l’ACI. Alors, pour ce qui est du fils, la question est de savoir combien d’autres fils de…, de filles de…, de neveux de…, de nièces de…se baladent dans la nature avec les deniers publics. Pourquoi donc un prix pour l’éthique ?
Il y en a quand même qui mérite d’avoir une médaille à leur effigie. C’est le cas de Sidi Sosso Diarra, l’ancien vérificateur général. Il a coupé le sommeil à pas mal de monde, au tout début, quand chacun croyait que le président de la République l’appuierait jusqu’au bout. Il a vite déchanté quand il s’est aperçu de la destination finale de ses rapports par lesquels il informait ATT de tous ces « manques à gagner ». Le brave lutteur contre la corruption et la délinquance financière a passé le témoin à son remplaçant, Amadou Ousmane Touré, depuis le 15 avril (L’indépendant, 19/04), mais c’est seulement lundi dernier que ce dernier a prêté serment. Il a juré de remplir correctement ses missions et de dénoncer, quoiqu’il arrive, les criminels à col blanc ou en boubou brodé. Pour commencer, il doit s’attaquer aux directions des finances et du matériel, hauts lieux de gabegie et de détournements, de fraude et de corruption. Sûr qu’il aura du pain sur la planche. Mais pour nourrir quelle bouche ?