Le Yoro du Mali est fan de Belmokhtar

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Le Mali tiendrait son nouveau « héro » dans la guerre contre les hordes touarègues, l’assurance tout risque contre le rezzou. Veuillez excuser ce jeu de mot douteux, mais celui que nombre de journalistes n’hésitent plus à présenter comme un « héro » du Mali, j’ai nommé Yoro Ould Daha, s’épanche depuis quelques jours sans vergogne et sans retenue aucune dans les médias, non seulement maliens, mais également étrangers et jusque dans les pages de Jeune Afrique.

 

Le Yoro nouveau est arrivé. Victime d’une fort dommageable « erreur judiciaire » de la part de ces diables de français, la bonne justice malienne s’est empressée de réparer les torts subis ! Pourquoi pas un moratoire général sur les crimes des djihadistes wahhabites et salafistes tant que l’on y est !

Pourtant, nous n’avons pas vu fleurir dans nos villes du Nord des commissions « Vérité et Réconciliation » qui auraient pu, sans l’exonérer, au moins pardonner un djihadiste tortionnaire tel que Yoro, pour ses exactions passées, mais en exigeant des actes, ou au moins des paroles de contrition. Mais non, pas la moindre trace de repentance dans les propos parfois incohérents tenus par Yoro. Car selon ses dires, les crimes qu’il aurait commis ne relèvent pas de sa responsabilité. Jouant sur une corde sensible, la haine du MNLA, il aurait été sauvé de ces loups du désert et recueilli par les djihadistes du MUJAO auquel il n’a pu faire autrement que de prêter allégeance. Et fondu dans le groupe, il n’a pu s’empêcher de commettre des exactions envers les civils lorsqu’il était membre de la fameuse katibat Oussama Ben Laden, excusez du peu.

Piteuse justification en vérité.

Non M. Yoro. A Gao il y a peu, il y avait ceux qui coupaient les mains et les pieds et ceux à qui on les coupait. Vous avez bien choisi votre camp.

Ainsi donc, au diable les voix du peuple de Gao qui réclame justice pour les outrages subis, preuve en est le saccage des maisons de Yoro, du temps du funeste tribunal islamique de la ville.

Et qui sont donc ces commentateurs, bien au chaud à Bamako où ils ne risquent pas de croiser bien souvent le chèche d’un touareg, pour oser clamer qu’ils préfèrent mille fois les équarrisseurs du MUJAO aux violeurs du MNLA. C’est faire vraiment peu de cas de la souffrance des habitants de Gao. A moins, et cela éclairerait tout, qu’ils ne soient en affaire avec les bandes narco-djihadistes qui sont en proie au brigandage et aux rapines de ces envieux du MNLA : « C’est vrai enfin, ça suffit ces touarègues qui empêchent nos affaires du septentrion de prospérer honnêtement ! ».

Les victimes du MUJAO, meurtries dans leur chair, mutilées injustement, elles n’ont qu’à aller se refaire une santé en pèlerinage à Tombouctou, peut être sur l’un des tombeaux des Saints musulmans, ou bien dans l’un des mausolées de la Perle du désert. Ah non, c’est vrai, elles ne peuvent plus, AQMI et Ansar Dine sont passés par là.

Si la justice malienne a fermé les yeux sur les crimes commis par Yoro à Gao, ce n’est pas en raison de l’absence de preuves, qui sont accablantes, mais en raison de la collusion mafieuse entre notre pouvoir et les narcos de Gao, les vrais maîtres de la ville que sont le trouble sultan Hanoun et son fourbe vizir Mataly. Les parrains qui emploient Yoro et sa bande de sombres margoulins ex-MUJAO, la main armée du narco-djihad dévolue à la sécurisation de la route de la poudre blanche.

 

Dans l’interview livrée à mon homonyme A. Keïta, où la complaisance se dispute à l’absence de contradiction, ou dans celle donnée à Jeune Afrique, on apprend à connaître les inclinations et les traits saillants de la personnalité de ce Yoro qui ne semble douter de rien. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nous ne sommes pas déçus par ces lectures qui se révèlent à tout le moins instructives, voire édifiantes.

M. Yoro sépare le monde, son monde de pseudo djihadistes, en deux catégories. Les bons d’un côté : les narco-djihadistes tels Belmokhtar, et les méchants de l’autre : les fous dangereux tels Ahmed Tilemsi et Barbe Rouge. Mais rassurez-vous bon peuple du Mali, même parés des oripeaux du djihad, les bons sont largement majoritaires, et ces « broussards » ne cherchent qu’à s’enrichir grâce au doux et fort lucratif commerce de la poudre blanche. C’est en substance ce qu’ose affirmer notre Yoro adoubé gloire nationale.

On serait moins timide que A. Keïta ou Dotothée Thiénot (pour Jeune Afrique quand même !!!), on oserait rétorquer que ce type de « commerce » est strictement prohibé par l’Islam. C’est le djihad sans le djihad en somme, sauf peut être pour les civils qui ont croisé la route de Yoro et consorts du temps où ils mettaient plus de zèle dans la stricte application de leur quête religieuse pervertie.

Un autre trait marquant du spécimen Yoro est sa complaisance non feinte envers Mokhtar Belmokhtar, loué pour sa simplicité, son humilité et même sa modération vis-à-vis des populations civiles, voire la protection qu’il pouvait leur accorder. N’en jetez plus, la coupe est pleine.

On apprend aussi, c’est un comble, qu’un colonel français lui aurait proposé de travailler à son service. On se demandait pourquoi Barkhane l’avait libéré, quel compromis il avait accepté ? Quel nom il avait donné ? Quelle abjuration un tel homme avait pu commettre ? Nous sommes fixés : il travaille pour les français ! Et bien, attendons la suite, la concrétisation pratique de cette collaboration.

 

On retiendra un point quand même à mettre au crédit de Yoro, sa dénonciation de la complaisance des français envers certains groupes touaregs contre lesquels ils ne semblent pas faire montre de la même motivation à agir que contre le MUJAO : le MNLA et le HCUA, qui sont tout autant des GAS que le(s) MAA. Encore que le MAA et le HCUA sont avant tout des structures de réhabilitation des plus dangereux djihadistes du Nord Mali. Sous couvert de se racheter une virginité, ils fomentent les pires turpitudes. Habillés de ces nouveaux habits de négociateurs pour la paix, ils jurent, on leur concédera qu’ils ne sont plus à ça près, qu’on ne les y reprendra plus, et que désormais ils se contenteront de vaquer à leurs gros trafics après avoir mis les trois régions du Nord en coupe réglée.

Pourtant, ce serait une grave erreur de les croire, spécialement après la récente intervention d’Iyad Ag Ghaly. Celui-là, se sentant certainement dépassé sur ses flancs par les étoiles montantes du HCUA tel Cheikh Ag Haoussa, a tenu à reprendre violemment la main. L’agitation d’Iyad ne laisse pas d’inquiéter. Encouragé par les sinistres événements qui déchirent la Mésopotamie, sa fuite en avant dans la lutte pour le Califat mondial témoigne de son ambition dévorante. Il cherche à se placer, comme l’a si bien montré l’excellent article de M. Koné intitulé « Le mercato de djihad au Sahel est ouvert », en concurrence directe de ce bon M. Belmokhtar, tant loué par Yoro. Mais la radicalisation sans borne du discours d’Iyad n’augure rien de bon. De là à penser que le MUJAO soit le rempart adéquat, il y a un pas … À ne pas franchir.

MUJAO, AQMI et Ansar Eddine se reconstitueront le moment opportun venu, et nous serons les dindons de la farce. L’émir d’Ansar Eddine, dans sa récente prestation vidéo, n’en appelle-t-il pas à la reconstitution de l’armée de Dieu pour vaincre les croisés, français et américains, et leurs alliés, c’est-à-dire nous.

Si tant est que le Califat envisage réellement de s’exporter hors de l’Azawad, c’est dans l’affirmation d’une vraie force militaire gouvernementale que passera notre salut. Nous sommes des millions, ils sont des milliers, honte à nous si nous ne sommes pas capables de réagir.

A défaut, il faudra s’en remettre une fois encore aux français. Ces mêmes français qui nous ont « donné » l’Azawad qu’ils avaient conquis valeureusement, eux, et que nous nous sommes toujours montrés incapables de maîtriser.

 

Pour en revenir à notre vedette médiatique du moment, la tentative de séduction de Yoro, pétri d’admiration pour Belmokhtar, fleure bon l’enfumage. Il y a quelque chose d’insupportable à voir ce mirliflore se pavaner impunément dans les médias. Les français auraient proposé à Yoro d’intégrer le MNLA. Je suis ébaubi par autant d’aplomb. Pour quelle raison obliger un arabe du MUJAO à intégrer le MNLA ? De qui vous moquez-vous M.Yoro ? Quelle élucubration !

La France favorise-t-elle vraiment le MNLA ou s’en désintéresse-t-elle plutôt ? Soyons sérieux deux minutes et laissons notre haine viscérale des hommes bleu aux vestiaires. Si Paris avait vraiment favorisé le MNLA, l’Azawad serait aujourd’hui un pays indépendant au main des Ifoghas et de leurs supplétifs Idnans. Qui pourrait en douter ? Qui l’aurait empêché ? Nos forces FAMAéliques ? Les groupes djihadistes qui se sont fait proprement décimer lors des premières échauffourées contre Serval ?

Le MNLA est le problème de Bamako, pas de Paris. Bamako, qui orchestre savamment la haine de ces touaregs à des fins purement mercantiles, appât du gain oblige, mais se moque comme d’une guigne de ces arpents de désert et de leurs rares occupants. Sinon, Bamako n’aurait pas uniquement envoyé dans le Nord des contingents de soldats et de fonctionnaires corrompus, car pour un commandant Amidou Mariko, combien de Diby Sillas Diarra, le boucher de l’Adrar, ont eu à souffrir ceux qui sont devenus maliens (ou Nigériens, ou Algériens) du jour au lendemain par la magie de la décolonisation.

Il est vrai que le MNLA n’est constitué en majorité que de brigands avides et impitoyables de plus en plus en difficulté, mais les français sont (re)venus pour nettoyer l’Azawad des djihadistes du MUJAO et d’AQMI, et on le souhaiterait davantage, d’Ansar Eddine. Les propos grotesques de Yoro laissent à penser qu’il tente très maladroitement de cacher sa compromission. Les français ont bien obtenu quelque chose de lui, je persiste et signe là-dessus. Et il y a fort à parier que nous apprendrons bientôt en quoi consiste cette tractation.

Mais ne nous laissons pas abuser par ces loups déguisés en agneau, tel Yoro, dont le pelage suinte notre propre sang. En leur temps, les romains, dont la société s’enfonçait dans la vacuité et s’abîmait dans la corruption, ont confié leur défense à des peuples guerriers venus du Nord. Je ne veux pas jouer les Cassandre, mais nous savons tous ce qu’il advint…

 

Ibrahim KEITA

 

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