Nous l’appelons également la troisième voie (B). Jusqu’alors, il y avait deux routes, deux voies (voix) pour faire la politique dans notre pays : la voie de la Majorité au pouvoir et la voie de l’Opposition. Dans l’entendement d’une majorité de nos compatriotes, en tout cas de la classe politique, il fallait être soit de l’Opposition soit de la Majorité ou ne pas être.
Les maliens étaient obligés de faire ce choix cornélien de l’une ou l’autre. A côté de ce dualisme politique, il y avait une troisième catégorie d’hommes politiques qui refusaient d’être à la remorque des deux forces en présence mais qui n’avaient pas vraiment conscience de leur existence. Nous sommes cette troisième catégorie d’hommes politiques. Certes, c’est la voie la plus difficile parce que nous sommes entre le marteau et l’enclume, entre les serres de l’étau. Nous avons choisi cette voie pour faire déjà entendre notre voix.
1- Pourquoi le Centre ? Parce que, je l’ai dit, nous voulons RECENTRER (recadrer) le débat politique. Non ! Je plaisante. C’est bien plus sérieux que cela. Si nous sommes le Centre au sens courant de milieu, simplement parce que nous nous situons entre le pouvoir et l’opposition, personne ne peut nous en dénier le droit. Ce serait effectivement le centre de la Majorité et de l’Opposition. Nous nous disons d’ailleurs ‘’situé à équidistance’’ de ces deux blocs opposés, ce qui signifie que nous ne sommes pas plus proches de l’un que de l’autre. Si nous sommes le Centre au sens idéologique du terme, sachant pertinemment qu’il est une composante de la droite, ce serait notre droit également. Le Centre, c’est la modération, la pondération, la synthèse intelligente des deux blocs entre lesquels il se trouve placé. Ce n’est pas, contrairement à ce qu’un de nos contradicteurs l’a supposé lors d’un débat radiophonique du studio tamani sur la création du Centre, un simple positionnement dans l’hémicycle lors des séances parlementaires. Ce serait trop simpliste. Dans le cas extraordinaire (mais pas impossible) d’un Parlement français où aucun candidat du MODEM ou de l’UDI n’arriverait à se faire élire lors d’élections législatives, pourra-t-on pour autant nier l’existence du Centre en France ? Il ne faut pas prendre les pratiques du passé pour les réalités d’aujourd’hui.
2- Pourquoi la troisième voie ?
Là encore, on peut définir la troisième voie au sens courant et au sens idéologique du terme. Dans le sens courant, la troisième voie est, pour nous autres centristes, un troisième moyen pour conquérir le pouvoir. La Majorité actuelle est l’émanation d’un regroupement qui, de par son organisation, a su conquérir le pouvoir. Pour le conserver, pour se donner la chance d’engranger de nouvelles victoires, elle n’a de cesse de se renforcer chaque jour de nouveaux partis. L’Opposition actuelle, dans son plan de conquête du pouvoir, a également estimé devoir s’organiser en mettant ensemble plusieurs partis politiques. Dans le même ordre d’idée donc, le Centre constitue pour nous la troisième voie de conquête du pouvoir, parce que nous avons compris que nous n’avons aucune chance de conquérir individuellement le pouvoir. Au sens idéologique, il faut faire attention cependant ; car il y a troisième voie et troisième voie.
En parlant de troisième voie, il ne peut s’agir pour nous de ce mouvement fasciste français qui se faisait ainsi appeler et qui, né en 1985, a été dissout en 1990, ressuscité de ses cendres en 2010 et dissout à nouveau en 2013. Nous n’avons donc rien de commun avec des simples d’esprit, des sectaires qui réduisent le monde à leur sphère géographique et à leur culture.
La troisième voie, au sens idéologico-économique, est l’aboutissement d’un long processus. C’est le pape Pie XI qui, dans les années 1880, a lancé l’idée d’une troisième voie à explorer entre le socialisme et le capitalisme. Un économiste tchèque, Ota Sik, allait plus tard s’emparer de la notion, l’approfondir et essayer d’en faire un socialisme à visage humain à mi-chemin entre le communisme et le capitalisme.
Entre les années 1990 et 2000, la même notion allait être reprise par un certain nombre de dirigeants occidentaux de centre-gauche (notamment l’américain Bill Clinton, le britannique Tony Blair et l’allemand Gérard Schröder). Il s’agissait de sortir définitivement du passé communisme, de l’économie dirigée et d’ajuster le discours socialiste à l’économie de marché. Ils parlaient aussi de realpolitik ou de pragmatisme économique. Il semble que cette politique ait beaucoup contribué au développement technologique et à la croissance économique. En Afrique, quelques pays s’y sont essayés : Kadhafi parlait de sa troisième théorie universelle comme une troisième voie entre le communisme et le capitalisme. Aujourd’hui encore la troisième voie est prônée par le Parti du Rassemblement Constitutionnel Démocratique de Tunisie et le Parti National pour la Solidarité et le Développement de l’Algérie.
La troisième voie est, en gros, le refus de choisir entre le capitalisme et le socialisme.
Initié par des centristes, l’appellation Centre s’est naturellement imposée à cette troisième voie dont nous nous réclamons. Mais, en réalité, il n’y a pas d’idéologie dominante dans notre regroupement. Comme les deux autres blocs (le pouvoir et l’opposition), le Centre Malien regroupe des partis d’idéologie de gauche et de droite.
Le contenu que nous donnons à notre regroupement n’est donc pas seulement son positionnement central. Le Centre Malien se veut une force de conquête du pouvoir à plus ou moins longue échéance. En commençant la course derrière les deux grands blocs (nous sommes 7 partis contre 9 à l’Opposition et 69 à la Majorité), nous comptons bien, à l’arrivée, jouer les premiers rôles.
Ceux qui disent que nous n’avons rien de propre et que tous les partis du Mali ont tellement de points communs qu’ils devraient tous se retrouver soit avec l’opposition, soit avec le pouvoir, devraient dire plutôt, pour être complets avec eux-mêmes, que nous sommes tous si peu différents qu’il ne devrait exister qu’un seul bloc politique regroupant le pouvoir, l’opposition et tout le reste.
Qu’avons-nous de différent des deux autres blocs politiques ? Nous nous distinguons d’abord de la Majorité et de l’Opposition par la nouveauté. En effet, une majorité j’allais dire des partis de la Majorité et de l’Opposition sont des partis qui ont blanchi sous le harnais, qui ont vécu. Les partis du Centre, de la troisième voie que nous prônons sont tous des partis qui sont nouveaux soit par leur existence soit par le fait qu’ils n’ont jamais participé à l’Exécutif (à l’exercice) du pouvoir. Nous nous distinguons également par notre mode de fonctionnement qui est basé sur le respect, l’égalité. Nous sommes le seul regroupement à avoir une présidence tournante.
Chaque parti du Centre aura son temps pour le diriger. La périodicité est de trois (3) mois. L’objectif principal du Centre Malien est donc de conquérir le pouvoir et rompre avec des décennies de mauvais choix et de tâtonnements.
L’autre spécificité est que nous réclamons de la démocratie participative ; cela veut dire qu’il n’y a pas d’élite prépositionnée dans nos partis qui, seule, a droit à tout (priorité dans l’occupation des postes, priorité aux candidatures lors des élections, etc.). Cette démocratie participative permet chez nous au plus petit des militants de briguer le poste qu’il veut dans sa circonscription lors des élections. Cela suppose la proximité (la complicité) avec les populations et pas seulement en période électorale. Ceux qui ne se retrouvent pas dans ce contenu ne peuvent être ni du Centre au sens que nous avons décrit plus haut ni d’une troisième voie ; ils sont, peut-être même sans le savoir, soit de l’opposition soit du pouvoir et doivent, dès lors, s’assumer.
Sans être historien, essayons-nous à faire un peu d’histoire ! En 1991, un coup d’Etat militaire intervient. Un pouvoir transitoire se met en place. Une Constitution est élaborée à la six-quatre-deux pour faire sortir le pays des années de plomb de la dictature militaire renversée. Cette Constitution n’a pas pris en compte l’Opposition. Elle ne la mentionne même pas une seule fois, sans doute parce qu’il n’y avait pas d’Opposition à la Transition. C’était l’UNILATERALISME d’ATT en attendant le CONSENSUS qu’il avait prémédité d’instaurer lorsqu’il reviendra aux affaires (parce qu’il était visible pour l’observateur moyen que le Général allait revenir ou, en tout cas, tenter de revenir un jour au pouvoir). J’ai été d’accord avec peu de choses dans la politique d’ATT mais j’ai toujours admiré son intelligence tactique (au sens politique et non militaire du terme, parce qu’il n’a pas su nous éviter l’invasion djihadiste). En 1994, le régime du Président Alpha Oumar KONARE a montré un moment la velléité d’officialiser l’Opposition ; il n’y avait pas de volonté réelle de le faire, ce qui fait que ça n’a jamais été fait. Nourrissait-il le secret espoir de faire de l’ATT ? De l’UNANIMISME par exemple qu’on pourrait situer entre l’UNILATERALISME et le CONSENSUALISME d’ATT ? Si oui, cherchez l’erreur ! ATT avait su faire accepter de la classe politique que sa Transition soit une exception qui préparerait l’entrée du pays dans l’aire démocratique. Mais le régime AOK était déjà dans le multipartisme (pratiquement la démocratie). Et, c’est connu, lorsqu’un régime refuse de se reconnaître (de se donner) un contre-pouvoir, il favorise ainsi la création spontanée du plus radical des oppositions.
Tout le monde connaît l’histoire du COPPO que l’intransigeance du pouvoir d’alors a contribué à faire naître.
Habitués donc successivement à la dictature, à l’unilatéralisme, au consensus, même à ce qu’on pourrait appeler de la dictature libérale sous le vernis de la démocratie, les maliens avaient fini par se faire à l’idée qu’il ne doit pas exister dans ce pays plus de deux grands pôles politiques. D’où le scepticisme de beaucoup de gens lorsque nous avons osé créer le Centre. Ils pensent que nous sommes dans un refus de choisir entre le pouvoir et l’opposition parce qu’ils ne peuvent pas imaginer un seul instant qu’il puisse exister une voie autre que ces deux pour faire de la politique au Mali. C’est légitime que certains pensent que ce qui est entrain de devenir le Centre Malien aurait dû venir simplement grossir leur rang.
D’ailleurs, mon second contradicteur, intervenant par téléphone lors de l’émission radiophonique précitée du studio tamani, a dit qu’il se demandait ce que nous voulions que l’histoire retienne de nous en refusant de prendre position pour ou contre l’opposition ou le pouvoir ; il a ensuite laissé entendre que nous sommes peut-être dans une posture de recherche de postes soit avec le pouvoir aujourd’hui soit avec l’opposition demain lorsqu’elle sera aux affaires.
Qu’est-ce que le Centre veut que l’histoire retienne de lui ? Nous voulons conquérir et exercer le pouvoir dans ce pays un jour de manière à ce que nos compatriotes retiennent le meilleur souvenir possible de nous. Mais s’ils peuvent nous être déjà reconnaissants de leur avoir permis de comprendre qu’un autre bloc politique peut exister à côté du pouvoir et de l’Opposition, l’histoire retiendra encore de nous que nous sommes les précurseurs de cette troisième voie. Quant à ceux qui veulent réfléchir à notre place et nous prêtent l’intention de n’être qu’à la recherche de postes de responsabilité, nous voulons leur dire qu’en la matière nous n’avons aucun complexe. Car, lorsque l’Opposition et la Majorité se battent pour obtenir le poste de Vice Président de la Haute Cour de Justice (pour ne citer que ce cas) au moment de la mise en place de cette Institution, il ne s’agit là ni plus ni moins que de la volonté d’engranger des postes supplémentaires. C’est la logique de la demande de ‘’ma part’’ (de pouvoir), si tant est que celui qui l’a durement acquis (conquis) est prêt à partager. Alors, question ! Certains cadres du pays ont-ils plus de droit à prétendre occuper des postes de responsabilité en priorité par rapport aux autres ? La création du Centre Malien n’est fondée sur aucun calcul visant la recherche systématique de poste. Nous sommes prioritairement engagés pour la conquête du pouvoir et nous allons, patiemment, mettre en place l’organisation, la méthode et la rigueur nécessaires pour y arriver un jour. Mais, si demain, certains cadres du Centre étaient sollicités, pour leur compétence, à servir le pays et si cela n’entraîne pas un reniement de nos convictions, alors, tout comme les autres cadres qui accourent lorsqu’ils sont appelés, nous répondrons à l’appel du pays.
Voici donc le Centre Malien, la troisième voie ; c’est la voie que nous avons choisi pour faire entendre notre voix. A nous d’y mettre du contenu pour exister ou d’en faire du figuratif et disparaître… sur la distance!
Bamba Gagny KIABOU
Président de la COREAM
Membre des partis du Centre Malien