En effet, la fracture sociale entre la jeunesse et la classe politique est décrite à partir de plusieurs cas concrets : la place faite aux jeunes dans les campagnes électorales locales (Youssouf Karambe), l’entrée des jeunes dans la vie politique (Mahamadou Diawara), la lutte contre les caciques au niveau local (Tieman Coulibaly), l’opinion des jeunes sur la place qui leur est faite dans la société (Tieman Coulibaly et feu Shaka Bagayogo) ; les contraintes que la société fait encore peser sur les jeunes –et le malaise qu’ils ressentent- sont aussi décrits sur le cas des jeunes filles en âge de se marier (Anne Doquet), ou sur celui des « petites bonnes » originaires de villages dogon (Yada Kassogue) ou encore sur celui des jeunes de la région de Kayes parrainés par des parents émigrés (Christophe Daum).
De même, les limites de l’expérience malienne en matière de décentralisation apparaissent clairement lorsqu’on examine le fonctionnement des institutions décentralisées dans le domaine de l’éducation (Kadari Traore), ou dans la gestion des ressources naturelles (Mamy Soumare et Baba Coulibaly) ou du foncier (Monique Bertrand) ; la stratégie de ces institutions à l’égard de leurs partenaires extérieurs est également décrite (Sadio Soukouna et Hawa Coulibaly).
Un autre thème est également abordé, celui des résultats concrets des grands projets sur le niveau de vie des populations concernées : les exemples choisis, le bassin cotonnier et le delta intérieur du Niger, montrent que la vulnérabilité économique (et même alimentaire) est toujours présente (Claire Mainguy, Bourema Ballo, Jean-Etienne Bidou, Ibrahima Cissé, Isabelle Droy, Rémi Generoso, Vincent Geronimi, Amaga Kodio, Pierre Morand, Famory Sinaba). Les résultats concrets de l’émigration –les transferts et l’utilisation qui en est faite- sont par ailleurs analysés à partir de l’EMOP2011 qui renverse bien des idées reçues (Arouna Sougane). On montre aussi que la croissance urbaine de Bamako s’est faite sans accentuer la ségrégation sociale (Sandrine Mesple-Somps, Anne-Sopie Robillard, Assa Doumbia Gakou).
Le poids politique pris par la religion, ainsi que les évolutions sociales et préoccupations qu’il traduit, sont également traités à partir de cas concrets : que signifie la célébration de plus en plus officielle du maouloud à Djenné (Gilles Holder, Emmanuelle Olivier) ? que traduisent l’Ismu et le Ziyara organisés avec faste à Nioro (Moussa Sow) ? que penser des débats autour de l’islam africain (Soufian Al Karjously, Diama Cissouma Togola, Anne Oualet) ? que signifie l’évolution du zikiri (Pierre Pruhomme, d’une part ; Emmanuelle Olivier et Elina Djebbari, d’autre part) ? et enfin, peut-on oublier la survivance de la bamanaya à l’ombre de l’islam (Jean-Paul Colleyn) ?
Signalons aussi un chapitre d’inventaire critique des multiples dimensions de la crise que vit le Mali (Amadou Keita, Stépha,ie Lima et Claudine Thiriot) et un chapitre sur l’urbanisation du Mali (Sandrine Mesple-Somps, Harris Selod, Gilles Spielvogel, Brian Blanspoor).
Une introduction générale (Le Mali contemporain, une vue à hauteur d’homme) et une conclusion (Le Mali contemporain, un grand chantier pour la recherche), rédigées par les directeurs de l’ouvrage (Joseph Brunet-Jailly, Jacques Charmes, Doulaye Konate) complètent le volume.
Voilà, en somme, un regard très bien informé et très neuf sur le Mali contemporain !
(*) Joseph Brunet-Jailly, Jacques Charmes, Doulaye Konate : Le Mali contemporain, Editions Tombouctou – Editions IRD, 2015, 670 p., ISBN 978-99952-53-10-3 et ISBN 978-2-7099-1831-2
Diakaridia Dembélé
Bamako- Mali