Cette interview date de mars 1971, quelques mois après la publication américaine de son premier roman « Le Devoir de Violence » en anglais, « Bound to Violence ». Une démonstration, à sa façon, de l’imposture de l’accusation de «plagiat » qu’un certain milieu politico-littéraire français colla, sans procès, à ce gigantesque monument de la littérature francophone, peu après son couronnement du célèbre prix Renaudot, qu’il disputa en 1968 à un millier d’autres écrivains français.
C’est un très subtil style ancien, « l’intertextualité » remis au goût du jour par un obscur jeune intellectuel, de surcroît négro-africain, qui daigna sonder le sens des nuances de ses « maitres français », avec une arrogante dextérité qui força la reconnaissance. Péché impardonnable !
Bientôt, par une diffuse campagne d’intoxication, sans jamais lui reconnaitre le droit de se défendre que lui aurait permis un procès en justice, ils l’expédièrent aussi rapidement qu’il vînt dans l’ingratitude de l’histoire.
En maliens, refusons de nous résigner à l’anonymat auquel ses détracteurs et bourreaux ont voulu le condamner. Yambo Ouologuem fait partie, et doit faire partie de notre patrimoine culturel et littéraire. Une mère abandonne-t-elle son fils, parce que ses ennemis le trainent dans la boue ? Surtout, quand il a raison? Ainsi en va t – il de l’Etat et de son citoyen.
Implorons les maisons d’Editions maliennes à s’intéresser à cette œuvre de notre prodige concitoyen ; implorons nos riches entrepreneurs maliens à intégrer dans leur patriotisme économique, un patriotisme intellectuel à travers le financement de la réédition au Mali des ouvrages de Yambo Ouologuem. C’est un hommage à son courage intellectuel, que chaque malien se doive d’encourager.
Maintenant, il est temps de vous laisser en compagnie de Yambo lui–même, dans cette brillante interview avec Linda.
Interview
Linda : Est-ce « Le Devoir de Violence » le premier vrai roman africain, comme il a été ainsi appelé ?
Yambo : Ce n’est pas le premier roman écrit par un africain. C’est juste que les autres ont été écrits du point de vue d’un autochtone, pour ainsi dire que, si l’écrivain était né au Sénégal, il écrivait à propos du Sénégal, et s’il était né au Congo il écrivait à propos du Congo. Je n’ai jamais conçu d’écrire du point de vue d’un malien ou dans une langue africaine, bien que je ne veuille pas dire par cela que je ne suis pas un nationaliste. [Je suis un nationaliste]. Je veux seulement dire que vous devez comprendre l’histoire des noirs à travers une certaine approche unitaire. Mon roman recouvre huit siècles et est à la fois une fresque, un épopée une légende, et un roman.
Linda : Combien est absorbé des chroniques et des documents ?
Yambo : Le livre n’a pas été absorbé. C’était des anciens manuscrits arabes, médiévaux, des vieux manuscrits portuguais et espagnols, et je les ai condensés et élevés au niveau de légende. Seulement, du point de vue de la forme, c’est une fiction, sinon il s’agit de l’histoire et de la politique. En fait, quand je l’ai donné pour la première fois à mon éditeur, il disait que c’était impossible de le faire de cette façon car, je donnais les vrais noms des gens impliqués dans des crimes, des gens qui ont tué et entrainé des vipères, donc je devais changer les noms et transformer les pays actuels en des pays imaginaires. J’ai quand-même donné le vrai nom de Saïf, la dynastie au Soudan Anglos–égyptien et, Saïf existe toujours [à l’époque de la parution de son livre]. .
Mais, je parle de l’empire Nakem–Zuiko qui est une anagramme. La plupart des noms ont été renversés, ce qui, peut-être, explique pourquoi le jour après que mon livre ait gagné le prix en France, il y a eu un putsch au Mali, et beaucoup de rencontres politiques ont eu lieu où chacun essayait de voir si sa propre vie privée ou ses propres meurtres ou ceux de ses prédécesseurs y étaient décrits.
Linda : Etait – il une coïncidence que le putsch eût lieu le lendemain ?
Yambo : Je ne dis pas que c’est une coïncidence. Mais, le fait est qu’avant de me donner le prix, le Ministère des affaires étrangères de la France et les Ambassadeurs en Afrique et les Présidents de Républiques voulaient me donner un prix pour une simple histoire documentaire. Mais, en France vous ne pouvez pas gagner deux prix pour un même livre, les Ambassadeurs ont été priés de ne pas donner le leur, parce qu’ainsi je n’aurais pas pu obtenir un autre pour sa valeur littéraire [Prix Renoudot]. De toute façon, pour des raisons diplomatiques, mon éditeur ne voulait pas mettre en relief le contenu politique. Il avait payé un avocat pour éviter les problèmes, et si après cela, le livre était présenté comme une sorte de secret à propos de l’Afrique, il devrait bientôt être impliqué dans des procès. Mais quand il a été publié, j’ai reçu plusieurs lettres de plusieurs Chefs d’Etats, chacun pensant que je parlais de son propre pays.
Linda : Comment les maliens ont-ils répondu [à la consécration de ton œuvre] ?
A Suivre….
(Traduit de l’anglais par Mr KONATE Mahamadou).
Great commentary, Yambo does deserve to be recognize by all Africans as the great scholar that he truly is.
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