Un artiste-auteur compositeur écrit à IBK : “Monsieur le Président, la culture malienne est au bord du chaos”

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IBK-katoisMonsieur, le Président, vous voilà  enfin Président pour le  Mali et pour tous les maliens.  Plébiscite, vous l’avez  été, parce que  presque  tout le peuple vous fait confiance pour ce que vous fîtes lorsque vous  avez été Premier ministre, en remplacement de ceux qui ont jeté l’éponge tant le Ring était chauffé à blanc.

Ça  bougeait de partout : l’école,  les travailleurs et les religieux, et même les chômeurs chacun marchait, revendiquait, battait  le pavé à tel point qu’à  un certain moment, tout le monde avait cru que l’Etat  allait  s’arrêter, le pays  a  frisé le chaos, l’anarchie.

Vous êtes  venu comme un Messie, sauver le Mali, sauver la démocratie  et impulser à l’Etat  plus de quinze ans de normalité dans son fonctionnement au point où notre pays était cité  en exemple dans le concert  des Nations comme un modèle, le meilleur.

Cela, vous l’avez   réussi grâce  à  votre rigueur, à votre sens élevé  du respect de l’Etat.

Vous revenez encore une fois  à la tête   du même  Etat, non pas  en tant  que Premier Ministre, mais  en tant que chef de l’Etat, un Etat  presque à terre, humilié, bafoué  que  vous allez sans doute relever,  rebâtir, reconstruire, avec cette fois-ci des fondations vraies  en béton armé, lesquelles fondations seront visibles par tout  le peuple. Parce que les maliens ont été auparavant très peu  informés sur les  questions essentielles de souveraineté  qui  concernaient le pays notamment, les  différents accords : Alger, Tamanrasset  etc.

L’on se souvient que pendant votre passage  à l’Assemblée Nationale, vous avez dit non  à certains accords parce que  vous en mesuriez  les conséquences pour le Mali et vous n’avez pas été  écouté, ni compris.

”Le Mali d’abord – Pour l’honneur du Mali” tels ont été les slogans de votre campagne à l’élection Présidentielle qui vous a porté à la tète de l’Etat.

Le Mali d’abord, veut dire à notre entendement  ” tout pour le Mali et les Maliens  d’abord  avec y compris les artistes et les acteurs culturels qui ont été les premiers à souhaiter et à saluer votre élection. Nombreux  sont  ceux  d’entre  eux qui se sont battus pour votre victoire. Ils sont  parmi les premiers citoyens, au moment où le Mali brulait, à galvaniser  les troupes sur le front.

 Ces artistes, Monsieur le Président, croient en vous, en votre vision pour le Mali. Ils savent aussi  que l’homme de la justice,  vous l’avez été,  et vous l’êtes encore.

Ils sont parmi les premiers   contributeurs à l’effort de guerre  à travers l’Union des Associations d’Artistes de Producteurs et d’Editeurs du Mali (U.A.A.PR.E.M) en partenariat avec Audacity qui a donné  plus de vingt millions  de nos francs à l’issue du téléthon organisé et animé  par les  artistes comme Salif Kéïta, Babani Koné, Oumou  Dédé Damba, Bako Dagnon, Sékou Hamala Kéïta etc.

Les artistes ont chanté et  dansé pour la paix, la cohésion sociale. Ils ont mis  eux-mêmes la main à la poche pour financer  les répétitions, les accoutrements et tous les jours  sur les écrans de l’ORTM et TM2, ils chantent  pour le Mali  sans jamais demander  une quelconque  compensation. Car pour eux, c’est le Mali d’abord comme pour vous-même.

Ils ne comptent pas eux les artistes, les jours que vous avez passé à la tète de  l’Etat, ils  compteront simplement ce que vous  aurez obtenu pour eux dans le combat qu’ils mènent depuis des années pour la défense de leurs droits.

Monsieur le Président, les artistes  vous savent  homme de culture, c’est pourquoi   ils croient en vous et fondent beaucoup d’espoir sur  votre engagement à  sauver la culture nationale qui peine aujourd’hui  à se relever de la piraterie, cette piraterie  qui  a toujours  tué les artistes et autres créateurs de l’esprit et qui a pris ces dernières années des propositions incommensurables.

Ils  n’y a plus, Monsieur le Président, de créations artistiques et musicales dans notre  pays. Ce qui  veut dire qu’il n’y a plus  de  productions, ni de producteurs. Nous  mesurons nos  mots et ce que nous vous disons est réel et vrai. Les producteurs phonographiques d’hier sont devenus des vendeurs de téléphones,  de ceintures.

Les plus chanceux sont  entrepreneurs, tâcherons.

Les artistes ne se tracassent plus pour enregistrer un album. La vogue, ou du moins le besoin de survie leur commande d’enregistrer un seul titre appelé dans notre jargon, un single. Vous  êtes anglophile et  vous    comprenez parfaitement ce que ça veut dire.

Ce titre est doublé d’un clip vidéo réalisé lui-aussi par des  cameramen amateurs  et dans le décor le plus simple possible.

L’on s’évertue donc à faire la promotion de ce titre sur les radios et à la télé, non pas pour  vendre (parce qu’un seul titre ne constitue pas un album) mais  pour  avoir des contrats  de concert.

La raison de cette mort lente mais inéluctable  de  notre  culture, Monsieur  le Président est simple à comprendre :

 Les  artistes, acteurs culturels n’ont jamais voulu  en rajouter  à la difficile situation que connait notre pays par des marches de protestations, des sit-in et autres manifestations de rue. Ils ont une responsabilité face à l’histoire, celle d’être  le ciment de l’unité nationale.

Sinon, ils ont les moyens d’interdire pendant seulement deux jours la diffusion de leurs œuvres  sur  les radios et les télévisions pour faire  comprendre aux populations le rôle qu’ils  jouent dans  le pays. Imaginez Monsieur le Président, deux  jours sans musique, sans  films. Que  seraient les  programmes de nos radios et télévisions ?

Nous sommes pour l’apaisement. C’est pourquoi moi,  en mon nom propre je voudrais vous transmettre  ce message parce que  je sais que,  vous me comprendrez,  vous nous comprendrez. Sinon comment Monsieur le Président :

1- l’Etat malien  n’accorde que 1%  de son budget  à la culture. La culture  n’est peut-être pas aussi importante qu’on le laisse croire. Or, nous, nous pensions qu’aucun pays ne peut se développer  sans sa culture qui devrait donc  être  au centre   des préoccupations  de tous  les gouvernants.

2- Le Mali était  leader  en matière  de cinéma en Afrique. Ces hommes de culture qui nous ont amenés à la démocratie ont vendu toutes nos salles de cinéma et allez demander  la part du budget allouée  à la promotion du 5ème Art. Prenez les deux dernières éditions du FESPACO, aucun  film malien n’a reçu  la moindre récompense.  Alors qu’hier notre  prétention n’était pas  le Yennega mais  la Palme d’or à CANNE  avec Tadona, Finyè, Tafé Fanga  etc.

En  musique, il y a  six à sept ans,  nous nous souvenons que des artistes  comme Salif Kéïta,  Oumou Sangaré vendaient seulement au  Mali  200.000 K 7 audio et au moins 50.000 CD. Quant aux  artistes moyens, du  moins ceux qui n’ont pas la  trempe des premiers cités,  ils vendaient  facilement 30.000 à 50.000 K7.

Ce qui veut  dire qu’à  l’échelle  africaine,  nos vedettes  pouvaient vendre  des  millions d’albums et le Mali avait  le marché discographique le plus dynamique de la sous-région.

Aujourd’hui, ces mêmes  vedettes, ne vendent pas  1.000 K7 et 500 CD.

La situation  est grave   et  très grave. La musique de nos artistes se trouve dans tous les téléphones,  les  ordinateurs de nos  bureaux, dans de petites machines appelées MP3   etc.

 Les films de nos artistes  se trouvent aussi partout et se jouent dans les cars de transport, dans  les bateaux, dans les avions.

Les programmes de nos stations radio et télé portent  à 80% sur la musique des artistes.

Tout le monde use et abuse des œuvres de nos artistes  gratuitement,  Monsieur le Président et personne  ne veut rien   payer en retour.

L’ORTM paie aux artistes pour les droits d’exécution publique le même montant   que lors de sa mise en marche en 1984 alors que les  tarifs  de prestation à la télé ont été  multipliés par  dix et souvent par vingt. Et il n’y a pas de  commune mesure entre  ce que paient les autres télévisions  africaines  et nos chaînes locales.

Quant aux radios communautaires, qui  ne jouent  de l’ouverture de l’antenne  à la fermeture que de  la musique, elles ne  paient  pas  un centime.

Les deux sociétés de téléphonie par  qui le malheur est  arrivé  se refusent même à reconnaitre qu’elles sont  responsables  de la mort de notre culture .  Le téléphone est devenu un support  pour emmagasiner le son et l’image.

Malgré tout, les deux sociétés de téléphonie qui emploient  de   hauts cadres, ne veulent rien comprendre. Elles  ont bouleversé les  modes de création, de production  des œuvres littéraires et artistiques au Mali et  du coup, et elles ont contribué à  troubler  fortement la jouissance des droits d’auteur et  des droits  voisins au Mali. A peine  sorties du studio, nos  œuvres sont systématiquement copiées, reproduites, puis distribuées  et diffusées partout  sans autorisation, soit à travers  les téléphones portables soit sur internet.

Depuis bientôt  une décennie, des entreprises de téléphonie  exploitent massivement ces œuvres  pour  fructifier  leurs affaires sans payer  de contre partie  aux titulaires de droits sur les dites œuvres. Ces agissements, outre qu’ils transgressent les lois et règlements en vigueur  causent des préjudices inestimables aux auteurs compositeurs, producteurs, éditeurs  qui  ont changé  de vocation afin d’assurer leur quotidien.  Les  créateurs maliens attendent toujours  de rentrer  dans  leurs droits  au titre de l’exploitation de leurs œuvres par  ces entreprises qui semblent se situer au dessus de la loi et pour  qui  l’impunité semble garantie. Ces violations continues des droits d’auteur ont  eu pour  conséquence  de ruiner les industries créatives  de notre  pays.  Les auteurs, compositeurs, interprètes et exécutants subissent  les plus grosses humiliations,  dans leur quête de quotidien manquant du minimum vital pour vivre, tandis que ces entreprises fortes de leurs pouvoirs d’influence continuent à s’enrichir de manière éhontée  de l’usage  frauduleux de la propriété d’autrui.

A  quand  la fin de ces manœuvres spoliatrices ?

Monsieur le président, cette situation n’a que trop  duré.

Les artistes, producteurs et éditeurs du Mali n’en peuvent plus.

A l’époque contemporaine, les Etats respectueux des droits humains accordent une importance de premier rang au respect des droits d’auteurs. Notre pays ne saurait rester en marge. D’ailleurs, dans tous les autres  pays, les représentations de ces grands groupes  internationaux (société de téléphonie) s’acquittent correctement des redevances de droit d’auteur. Le Mali constitue t-il une exception ?

Comme le disait Madame LIU Yan Dong, conseillère d’Etat chinoise ‘‘désormais, le respect des droits de propriété intellectuelle montre le niveau  de civilisation des peuples’‘. Qui aime la culture de son pays respecte les droits des créateurs car, sans la créativité, la culture  meurt.

IBK, la culture  malienne est au bord du chaos.

Le  Mali  a pourtant signé toutes les conventions  internationales relatives au

Droit d’auteur.  Les sociétés de téléphonie de nombreux pays d’Afrique  paient déjà des redevances de droit d’auteur sans rechigner parce que c’est la loi, et le droit qui l’ont décidé ainsi.

Mais les nôtres sont super puissantes. Elles nous narguent chaque  fois que  nous nous rencontrons pour en discuter,  pour tenter de les convaincre  de payer  nos droits. Pour  jeter  un pavé dans la  mare, elle nous opposent  le terme de redevance qui  leur  passe en travers  de la  gorge  alors que c’est un terme  consacré par les juridictions  internationales. Mais  en attendant, la  fonctionnalité de la troisième  société, les deux    sociétés existantes n’entendent pas lâcher-prise. Fortes de leurs fortunes, elles  joueront  encore longtemps avec  la vie des artistes si  vous Monsieur  le Président, vous  n’intervenez pas  dans un conflit larvé entre le Ministère de la culture  à  travers le Bureau Malien du Droit d’Auteur, mandataire de tous  les artistes et les deux  géants   de la téléphonie mobile au Mali.

Monsieur le Président, votre arbitrage est nécessaire  dans cet  imbroglio, ou  du moins dans ce langage de sourds et de  bons entendants. Il n’y a plus sourd que celui qui ne veut pas  entendre.

”Les  artistes du Mali comptent sur vous ”

Souleymane  A CISSE

Artiste-Auteur  Compositeur, Secrétaire à l’organisation de l’union des associations  des artistes des  producteurs et des  éditeurs du MALI ( U.A.A.PR.E.M) 

Souleymane Amadou CISSE

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2 COMMENTAIRES

  1. Je voulais rectifier, ce n’est pas 1% du budget qui est consacré à la culture mais 0,6%. Ce qui est exigé de l’état c’est 1%. Avec le ministre Bruno Maiga, la culture recule. Au lieu de mettre en oeuvre la politique culturelle nouvellement adoptée, il règle ses comptes et chasse les cadres. Il a fait que l’union européenne a retiré 7 millions du secteur culture pour donner à la société civile (religieux, femmes) et l’armée. Le ministre a refusé de reconduire la convention obtenue par les efforts de ATT. Le programme PADESC a été fermé parce que le ministre ne veut pas de programme mais un appui qui sera géré par le ministère. Quelle est la différence entre gestion par un programme du ministère et gestion par le cabinet direct du ministre. Bruno a aussi fait le guerre aux missions culturelles, aux établissements de formation comme le conservatoire. Grand coureur de jupon, Bruno est critiqué par l’ensemble instrumental et le ballet national dont les filles ont partagé un lui avec lui

  2. cette correspondance vient bien au point car il est temps que les artistes eux m^me plaident pour avoir leur part de gâteau. Un ministère qui n’a que 1% du budget N ne peut rien faire avec cet budget c’est pourquoi les cadres de la culture s’entre tuent pour garder leur poste. C’est seulement au niveau de la culture que vous allez voir des directeur de 20 ans, de 15 ans et 10 ans sans rendement avec un Intouchable même pour le ministre arrivant. C’est pourquoi l’actuel ministre a été applaudi à son arrivé quand il a eu le courage de commencer à changer les directeurs Hélas il est reste à mi chemin.

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