Un algérien devrait dire ça : l’imposture de la diplomatie algérienne

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A quelques encablures de la célébration de ‘’la journée internationale du vivre-ensemble en paix du 16 Mai ’’, adoptée, sans vote, par la résolution 72/130 de l’Assemblée Générale  de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le 8 décembre 2017, les conditions sont elles réunies pour célébrer  cette journée internationale en Algérie et se mettre au diapason en matière de développement culturel ? Comment  organiser cette journée et marquer ainsi l’adhésion   aux valeurs du vivre-ensemble en paix ? Quelles ont été depuis le mois dernier les actions du ministre Messahel ? Quelles suites après la tournée du ministre algérien des affaires étrangères Messahel au mois d’Avril 2018 en France ? Quels effets ?  Quelle prise de conscience ?

Le Ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a effectué du 9 au 11 avril 2018, une visite à Paris (France), au cours de laquelle il a animé deux conférences .La première  à l’invitation de la présidence du Conseil exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) le 10 avril 2018, au siège de cette organisation, une Conférence sur “la Journée internationale du vivre ensemble en paix». La seconde, le 11 avril 2018, une Conférence à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Cette Conférence s’intitulait  “Contre le terrorisme et l’extrémisme, La déradicalisation : l’expérience algérienne”.

Lors de la  conférence organisée par l’IFRI, le ministre Messahel  a fustigé l’intervention militaire étrangère en Libye, en indiquant ‘’ le cas en Libye où fut menée une intervention militaire répondant à d’obscurs desseins contre laquelle nous avions pourtant vivement mis en garde les puissances initiatrices car nous pressentions qu’elle allait être lourde des pires périls pour non seulement la Libye mais également pour la région tout entière.’’ Quel pays poursuit un obscur dessein ? A quelle puissance démocratique occidentale le ministre Messahel fait-il allusion ?

Il est utile de rappeler au ministre Messahel que le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté les résolutions 1970 et 1973, en faisant référence explicitement à la responsabilité de protéger car selon l’ONU, la souveraineté ne peut plus être invoquée par l’État pour refuser toute ingérence extérieure ; désormais, ce principe met à la charge de l’État la responsabilité d’assurer le bien-être de sa population. Le  Conseil de  sécurité  des Nations Unies a adopté la résolution  1970, le  26  février 2011.

Selon le rapport d’information  fait par la commission des affaires étrangères de l’assemblée nationale française de Novembre 2015 ‘’le soulèvement  de 2011 a été fondamentalement civil et démocratique ‘’ et  ‘’Contrairement à l’idée reçue d’une rébellion sous perfusion internationale, les insurgés ont rapidement créé une situation de fait sur le terrain avant même le vote de la résolution 1973 – en un mois, une large partie de la Cyrénaïque échappe au pouvoir ’’.

Cependant, la situation en Libye reste instable à cause de la rémanence du régime dictatorial de Kadhafi (42 ans de règne sans partage).Instaurer  la démocratie en Libye ce n’est pas du café instantané. Le régime politique algérien regrette –t- il le règne tyrannique de Kadhafi dont ‘’Le morcellement du paysage sécuritaire libyen est le produit de 42 ans  d’un régime centré sur la tribu de Kadhafi, sans institutions solides, doté d’une  armée délibérément faible et jouant délibérément des rivalités entre tribus, villes et  communautés ‘’précise le rapport de l’assemblée nationale ?

Mais c’est sans oublier que le régime politique algérien instrumentalise l’unité culturelle du pays, dont ses décisions vont à l’encontre des équilibres régionaux, et dont les opposants politiques de salon  dénoncent en répétant à l’envi les mêmes formules pénibles ‘’le pouvoir ‘’,’’les forces extra constitutionnelles ‘’. ? Ces formules sont tellement galvaudées que la seule question qui mérite d’être posée à cette opposition froussarde est la suivante : Où commence et où s’arrête le pouvoir politique si tant critiquée et non personnalisé ?  L’opposition politique a-t-elle l’adresse exacte du pouvoir politique ? On n’en tire qu’une conséquence désobligeante en scandant le même slogan ‘’pouvoir assassin ‘’. Une opposition qui se contente d’inviter d’anciens ministres de la culture et de l’agriculture, dont leurs analyses est du niveau d’une presse à sensation où à scandale.

Dans le cadre du discours prononcé par le chef de de la diplomatie, une  autre affirmation est faite au sujet de la circulation des armes, ‘’Des groupes armés étrangers appartenant aux milices pro-Colonel Kadhafi déferlèrent en nombre,  sans être inquiétés, sur le Nord Mali à travers le Niger pour y proclamer l’indépendance de l’Azawad alors que l’encre du paraphe à un nouvel accord avec Bamako, facilité par l’Algérie, n’avait pas encore séché.’’ Alors que le rapport d’information fait par le sénat  français en Avril 2013 note que ‘’ la majorité des  armes retrouvées par les forces françaises au Nord-Mali ne provenaient  pas de Libye, mais de soldats maliens qui avaient fait défection ou les  avaient vendues aux groupes terroristes’’. En outre, le rapport signale que  ‘’Les armes en Libye sont largement venues  alimenter les groupes terroristes qui agissent dans toute la région ‘’ en Algérie notamment.

En marge de son déplacement à l’IFRI, le ministre Messahel a accordé un entretien à la chaine d’information France 24, dans lequel il  a tenté  d’aborder  les principaux sujets d’actualité. Quel enseignement médiatique faut –il retenir ? Aucune prestance, un ministre plus convaincu que convaincant, une apparition médiatique où le ministre a tenté de distiller son message de fermeté. Un entretien où  les questions posées étaient plus intéressantes que les réponses données. Sur le dossier du G5 Sahel, Abdelkader Messahel a indiqué lors de l’entretien que ‘’ l’Algérie ne peut participer à des opérations militaires hors de son territoire, par doctrine et par culture’’. Concernant les approches de la lutte contre le terrorisme dans la région sahélo-saharienne, le ministre a répondu que  ‘’La lutte anti-terroriste ne peut être menée à bien et réellement que si les pays s’approprient la lutte antiterroriste’’.

Le ministre  as-t- il la mémoire courte, car il convient de  lui rappeler que Les Etats-Unis ont consolidé depuis 2002, particulièrement avec le Mali un programme de coopération  appelé le Pan Sahel Initiative, qui concernait au début  quelques Etats sahéliens ?

Ce programme fut  lancé en 2001 (année où le Mali était membre du conseil de sécurité de l’Onu) .Puis, les Etats-Unis ont établi en 2005 le Trans-Sahara Counterterrorism Partnership, une stratégie qui présente de multiples facettes : renforcer les capacités nationales et régionales de  lutte contre  le terrorisme et l’extrémisme violent, notamment. Bien que le régime politique algérien ait  adopté une doctrine militaire, il n’en demeure pas moins que  le Mali fut déstabilisé par les dérives de la doctrine algérienne, dont la création du CEMOC n’a fait qu’envenimer la situation dans le septentrion malien.

Il convient  également de s’interroger  sur la durée de l’interview. La durée de la  vidéo   postée sur le site du ministère des affaires étrangères   est de 19 minutes, alors  que celle de la chaine France24 est d’une durée inférieure (12 minutes). Il est intéressant de remarquer que le contenu des réponses en langue française  diffère entre les deux vidéos de l’entretien ! A qui profite cette confusion  et ce montage?

A la suite de cet entretien, le chef de la diplomatie a prononcé une allocution sur ‘’la journée internationale du vivre-ensemble en paix’’, devant la 204ème  session du Conseil Exécutif de l’UNESCO, dont certains passages méritent d’être examinés.

‘’Au moment où les idéologues de l’Apocalypse s’employaient à faire accréditer la thèse  d’un choc imminent entre la civilisation occidentale et la civilisation musulmane et prédisaient la fin de l’Histoire, le Président de la République préférait, lui, voir un monde en marche vers le bonheur, sachant que ce bonheur, notre rêve à tous dépend de notre capacité à comprendre l’autre, à l’accepter dans toute sa diversité, une diversité qui, loin de constituer un handicap, peut-être, si elle est intelligemment mise à contribution au service du genre humain, une source de progrès pour l’humanité. Tout est dit dans cette phrase’’.

Selon le ministre, ce paragraphe  est un extrait du discours du chef de l’Etat prononcé le 5 Avril 2005 en France, lors de sa participation  à la conférence sur ‘’le dialogue entre les civilisations : un facteur de paix et de progrès pour l’humanité.’’. Cependant tout n’est pas dit par ce seul paragraphe  sur le ‘’choc des civilisations’’.Peut-on détacher un paragraphe de son contexte et de son discours ? Certains discours sont structurés à la façon d’une étoffe, dans laquelle il est délicat de soustraire un maillon, sans priver la cohésion de l’assemblage.

Quel est ce choc des civilisations ? Quand sera-t-il imminent ? Qui sera le juge de cette imminence ? Le ministre  est-il calfeutré au point de ne pas observer que la civilisation musulmane est  traversée par des épisodes tragiques où s’amplifient les antagonismes et que la civilisation musulmane est en débat fiévreux avec elle-même, dans le but de construire une unité. Contrairement à ce qu’a affirmé le chef de l’Etat algérien sur l’analyse du choc des civilisations du professeur Samuel Huntington, l’idée d’un choc entre les civilisations est une idée qui  a déjà connu sa conceptualisation dans  les années 1980. La notion du ‘’choc des civilisations ‘’ est mentionnée dans l’ouvrage intitulé ‘’La méditerranée : l’espace et l’histoire ‘’, écrit par l’historien Fernand Braudel.

Le ministre a en outre rappelé  l’expérience vécue par ’’l’Algérie, et le cheminement  difficile qui a été le sien depuis la tragédie qu’il a connue, voilà trois décennies, et où, mille fois, il a failli perdre son âme, face à la barbarie, avant d’en émerger plus fort que jamais ‘’.  Il est paradoxal de noter les circonstances exceptionnelles de l’Etat algérien sur le plan social, économique et sécuritaire dans les années 1990 : la quasi absence de l’Etat, une économie à l’arrêt, le déchirement de la société et  le règne du terrorisme  tout en observant le rôle de médiateur qu’a accompli l’Algérie pour établir un accord de paix définitive entre le Gouvernement de la République du Niger et l’Organisation de la Résistance Armée (O.R.A.) en 1995.

Durant cette visite en France, le ministre avait-il l’intention de remplir un devoir d’impopularité, alors que le  régime politique ne conteste pas cette fièvre nationaliste qui est devenu  le chikungunya des relations entre l’Algérie et  les pays de la région sahélo-saharienne, au point de  se demander si c’est le ministre qui rédige ses discours  filandreux et ses allocutions désopilantes ?  Un ministre qui a excellé dans l’utilisation de tous les artifices pour justifier sa présence à la tête du ministère. Un orateur qui se croit hors-pair mais qui en fait commet des impairs. Un ministre aux convictions variables, incapable de saisir la grandeur du pays qu’il ne l’observe même pas dans son histoire. Un ministre égale à lui-même, dont  Il faut noter que la prononciation de ses  discours a fourni l’occasion à autant  de copies conformes que de caricatures. Des déclarations qui se suivent et se ressemblent. Un pays qui a  chroniquement une diplomatie d’apparence.

Un ministre qui a été nommé pour parachever la dissolution de la diplomatie, ce qui est également  le cas pour son premier ministre Ouyahia qui lors d’une conférence de presse, le samedi 14 Avril 2018, consacrée à la présentation du bilan du gouvernement,  a indiqué que ‘’ que la non participation de l’Algérie au G5 Sahel de lutte contre le terrorisme est due à “des raisons constitutionnelles” ainsi qu’à “d’autres raisons” qui ont empêché sa participation aux cotés de ces pays à la mission militaire dans la région. Cependant, a-t-il poursuivi, si une action militaire venait à avoir lieu à 3 ou 4 km des frontières nationales, c’est sûr il y aurait “coordination et communication entre les institutions militaires présentes dans la région du Sahel et l’ANP, d’une part ou entre les gouvernements des pays voisins, à l’instar du Mali et du Niger et le Gouvernement algérien, d’autre part”.

Le gouvernement a-t-il infléchi sa manière d’interpréter l’article 29 de la constitution algérienne ? Le premier ministre Ouyahia n’invoque plus la même raison pour expliquer  le refus d’engager l’armée algérienne en dehors des frontières.  Désormais, le premier ministre Ouyahia invoque deux raisons  pour justifier la non-intervention de l’armée à l’extérieur. Comment le régime coordonne-t-il la politique étrangère ? Un désaccord est-il en train de naitre entre le ministre Messahel et son premier ministre ? Le dérapage régulier des propos et le pataugement dans le tiède du ministre Messahel ont entrainé une déchéance diplomatique et une moquerie colossale. Un promoteur de  la faribole du ‘’vivre ensemble’’. Une  méthode de communication qui n’est pas digne d’un ancien journaliste et ex-ministre de la communication. Il ne semble avoir de journaliste que le nom,  car ce ministre n’accorde pas des interviews mais des conversations.

Conclusion

Le séjour de Messahel à Paris fut une manœuvre d’autosatisfaction bien loin des appréhensions journalières d’une partie du peuple et du programme audacieux dont le pays a besoin. Ce ministre a-t-il le savoir minimum  indispensable pour la conversation (smic) ? Faudra-t- –il instaurer un smic diplomatique, lors de l’adoption de la prochaine loi de finances, au mois de Décembre 2018 ?

Avec ce régime politique qui  a pour seul dogme la bassesse, l’action diplomatique algérienne ne peut persuader la possibilité pour le pays  de promouvoir le vivre ensemble. Une transition démocratique pacifique étant une des solutions, car à force de compromission coupable d’une partie du peuple, ce régime politique continuera d‘ imposer son diktat.

 Quelle direction donner au ‘’vivre ensemble’’, alors que le régime politique algérien accordé une audience au ministre syrien des affaires religieuses ou plutôt devrais-je dire le sinistre syrien du régime chimique d’Al Assad, le Mardi 24 Avril 2018 à Alger ? Cette audience ne tend qu’à prolonger l’instabilité intellectuelle que connait l’Algérie. Cette énième analyse permettra- t- elle d’administrer une leçon de diplomatie  à celui qui  prétend administrer les affaires étrangères ?

Pour paraphraser la dernière phrase de la résolution du conseil de sécurité de l’ONU, les géographes et les analystes politiques  restent énergiquement  saisis de la question.

Benteboula Mohamed-Salah Géographe

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