Tribune : Silence, on détruit

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Dans la grave crise qui secoue le Mali depuis une année, les bruits les plus assourdissants pour moi ne sont pas ceux des avions de chasse français, ni des explosions des cibles de leurs attaques à Konna, Diabaly, Gao, Tombouctou ou Kidal. N’étant pas sur place, je ne les ai pas entendus. Les bruits qui m’ont le plus tympanisé sont paradoxalement les… silences graves que je vous expose ci-après.

 Petite précision : il faut entendre par silence quand on ne dit rien bien sûr, mais aussi quand on le dit sans être entendu, car c’est du bout des lèvres ou que l’on a fait ce qu’on devrait pour être entendu. C’est pour arrêter tous ceux qui me répondront qu’ils l’ont dit (mais dans des cercles confidentiels et sans la communication, le lobbying ou les actes concrets qui auraient dû aller avec).

–       Silence des pays musulmans du Maghreb et d’Arabie : au moment où les narco-jihado-terroristes coupaient des mains, lapidaient, violaient et pillaient au nom de l’islam, très peu de ces pays ont élevé la voix – officiellement ou officieusement – pour se démarquer de cet “islam” d’un autre âge qu’ils ont utilisé honteusement pour masquer la barbarie et la terreur. Personne n’a pris ses distances pour affirmer haut et fort que l’islam, ce n’est pas ça. On a plutôt vu de la tolérance (Tunisie), de la complaisance (Algérie, Mauritanie) et du soutien (Qatar). Les seuls à s’être exprimé l’ont fait en disant : “Nous ne partageons pas leurs valeurs, mais, nous pensons que…”. Ce mais, chaque fois dans ce type de situations, est de trop. En l’occurrence, on accepte ou bien on dit non.

–       Silence du gouvernement intérimaire du Mali : sur l’attitude claire et officielle à avoir vis-à-vis du MNLA/MIA (dans la reconquête comme dans la reconstruction du Mali) alors qu’eux, ne sont pas pour le moins, silencieux dans leur propagande. Sa requête à la CPI sera instruite au mieux dans quelques années. Mais se souvient-il que le Mali a une justice habilitée à enquêter, à délivrer des mandats d’arrêt, à juger et à punir ?

–       Silences des organisations humanitaires et des institutions internationales : lors et sur les massacres d’Aguelhok et des exactions dans les villes conquises du Nord, alors qu’ils sont très bruyants pour réclamer “toute la lumière” sur les présumées et récentes exactions de l’armée malienne.

–       Silence des anciens grands commis de l’Etat : dont la parole et la voix pourraient être pourtant utiles et entendues en la circonstance. Alpha Oumar Konaré (ancien PR), Ahmed Mohamed Ag Hamani (ancien PM), pour ne citer que ces deux.

–       Silence des intellectuels et des hommes & femmes politiques maliens : les premiers dégoûtés ont baissé les bras (en dehors de quelques réseaux et blogs qui fonctionnent en vase clos). Les seconds, préoccupés par le partage du futur gâteau national, n’agissent qu’en fonction de leurs agendas personnels.

–       Silence de la société civile : dont les organisations représentatives n’ont, à ce jour, porté aucune plainte pour se constituer partie civile dans le cadre d’éventuels procès contres les exactions des narco-jihado-terroristes.

–       Silence des citoyens : premières victimes et néanmoins spectateurs passifs de leur destin qui se joue.

Pendant ce temps, le MNLA et la Copam font du bruit et le grand silence de Bamako n’est troublé que par les tirs des bérets rouges et verts qui se déchirent à Djicoroni, alors que le pays a besoin de leur adresse et de leurs munitions à Kidal…

Hammou Haïdara 

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