Tribune : Que faire ?

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Au lieu de s’améliorer, au fil du temps, de 1962 à aujourd’hui, notre situation s’empire de plus en plus : des villages entiers de civils ont été rayés avec des civils massacrés, un bateau entier brûlé avec des centaines de civils… Je n’ai jamais imaginé que cela pouvait arriver un jour au Mali.

Et je ne crois pas à la solution des armes. Parce qu’elle va ajouter de la rancœur sur de la rancœur. Elle va augmenter la misère, multiplier les orphelins, détruire des compétences, ruiner les individus, les familles, les villes, le pays…

Je ne crois pas non plus aux formes de négociations qui ont eu toujours cours et qu’on va essayer de remettre sur la table. Elles ont toujours donné des accords mort-nés, dont le dernier est l’Accord signé à Alger. Elles ont et vont également ajouter de la défiance sur de la défiance.

Que faire ?

Il nous faut réinventer le Mali. Je ne fais pas référence aux reformulations institutionnelles qu’on nous a vendues sous le nom de refondation du Mali. Je parle d’une vraie invention qui va proposer une réponse organique, une réponse structurelle à notre crise qui est multidimensionnelle.

Je vais donc me répéter !

Notre principale institution qui est censée représenter l’intérêt général est totalement déconstruite. Pour être précis, je parle de notre ÉTAT.

Notre ÉTAT est un appareil privé en faveur toujours des princes du jour. Dans ce cadre, pour survivre, chacun se débrouille pour tirer son épingle du jeu et utilise l’outil qu’il dispose pour se construire un revenu. Ainsi, les militaires et les groupes armés utilisent les armes, les policiers la circulation, les juges le droit, les syndicalistes la grève, les fonctionnaires le détournement des deniers publics et le commerce des marchés publics, les jeunes l’industrie de la mobilisation et de la vidéo-mania, les commerçants la spéculation, les professeurs le négoce des notes, les religieux les mosquées et les obsèques exploitant la peur et le désarroi des citoyens…

Et le citoyen ? Il essaie toujours de deviner le plus fort, le plus riche, le détenteur du plus grand pouvoir afin de se sécuriser sous son parapluie et, comme un perroquet, suit et répète le récit de ce prince du jour. Jusqu’au jour d’un nouveau prince du jour qu’il rallie immédiatement.

Dans cet écosystème, chacun espère devenir le prince d’un jour et passe son temps à comploter pour l’émergence de son tour.

Depuis 2014, j’ai proposé qu’on remastérise le Mali. Qu’on reparte sur de nouvelles bases en faisant table rase du passé avec une amnistie générale sur tout ; de 1960 à aujourd’hui. Avec un projet Mali et un musée de la honte numérique pour y figurer tous ceux qui ne respecteront pas les nouvelles règles.

Dans ce Mali réinventé, que chaque territoire ait une fonction comme l’ont fait nos anciens en organisant nos ethnies en communautés de fonction : on sait que traditionnellement les Peulhs étaient bergers, les Soninké commerçants, les Somono pêcheurs, les Touaregs guerriers, les Bamanan cultivateurs, les Mandé-mori hommes de lettres, les Djélis hommes du verbe…

Ainsi j’ai proposé de faire de Kidal et de Taoudénit un centre mondial de l’énergie solaire. De Tombouctou, une région touristique avec la construction d’une ville style Las Vegas sur la rive droite du Niger qui offre le mariage et le renouvellement de vœux à Tombouctou au monde entier. De Gao une région spécialisée en industrie militaire et sécuritaire, etc.

Les fonctions de chaque territoire étant ainsi précisées et consignées dans une Constitution, la répartition de ressources publiques et des espaces d’acquisition de compétences seront ainsi clarifiée. On arrêterait ainsi d’utiliser dans le seul Bamako 70 % de nos ressources publiques. On inventerait ainsi un État régulateur et le baba commandement connaitra sa fin.

Et nous nous armerons pour défendre économiquement, techniquement, juridiquement, militairement ce modèle. Et non pour combattre des hommes ou des ethnies.

Que Dieu nous donne suffisamment de sagesse pour arrêter la guerre ! Que nous puissions commencer à parler Mali sur la base de projet et non sur la base de positionnement pour mieux profiter de la rente publique !

Que de la paix pour les âmes de dizaines de milliers de morts directs et indirects de notre tragédie !

Alioune Ifra Ndiaye

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  1. “Dans ce Mali réinventé, que chaque territoire ait une fonction comme l’ont fait nos anciens en organisant nos ethnies en communautés de fonction : on sait que traditionnellement les Peulhs étaient bergers, les Soninké commerçants, les Somono pêcheurs, les Touaregs guerriers, les Bamanan cultivateurs, les Mandé-mori hommes de lettres, les Djélis hommes du verbe…”

    Des idées préconçues sur les ethnies du Mali et et des propositions politiques stériles.

    La plupart des Maliens ne croient pas à “la” solution des armes. Même le chef de l’État et le ministre de la défense actuels, probablement, ne croient pas à “la” solution des armes pour pacifier le Mali. Ce en quoi croient majoritairement les Maliens, c’est à “une” solution des armes.

    “Une” solution des armes signifie que l’utilisation de la force armée par l’État contre les terroristes n’est pas exclusive d’autres “solutions” aux problèmes.
    Tout le monde sait que pour ramener la paix au Mali, il est aussi très important, d’abord, de nous baser sur notre culture et nos traditions pour résoudre pacifiquement nos différends et, ensuite, d’injecter dans la gestion des affaires publiques et des affaires privées de la bonne gouvernance, de la compétitivité économique et de la justice sociale.

    L’armée nationale du Mali était tombée trop bas, du fait notamment des Démocrates et des Occidentaux, et la nation malienne a été humiliée et meurtrie pendant près d’une décennie par des forces terroristes et des forces étrangères d’occupation.

    Il faut laisser les autorités de transition actuelles continuer de renforcer l’armée nationale du Mali, en matériels, formations et effectifs. Si le renforcement de l’armée nationale du Mali est réussi, je suis convaincu que l’effort et les ingrédients qui ont été utilisés pour cette réussite dans le domaine militaire pourront être dupliqués dans d’autres secteurs, notamment l’économie, la construction d’infrastructures publiques et la bonne gestion, pour permettre la réussite de l’ensemble du Mali.

    Je crois que c’est dans cet esprit que se sont inscrits ou que doivent s’inscrire Assimi Goïta et ses camarades.

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